Agriculture périurbaine : Quand des plantations de manioc et de maïs se développent en plein Abidjan

Des plantations de manioc et de maïs en plein Abidjan pour lutter contre la vie chère
Des plantations de manioc et de maïs en plein Abidjan pour lutter contre la vie chère
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Agriculture périurbaine : Quand des plantations de manioc et de maïs se développent en plein Abidjan

Le maïs disponible en tout temps et en toute saison

Voir ces types de paysans " urbains " pratiquer l’agriculture dans la périphérie de la métropole abidjanaise illustre bien que l’économie de la Côte d’Ivoire repose sur le secteur primaire en général et  sur l’agriculture en particulier. Cette année, à peine la saison des pluies a-t-elle commencé qu’on aperçoit dans certains quartiers se développer des cultures de maïs et de manioc.

Les zones les plus actives sont les communes de Yopougon, Abobo et Anyama. Ici, l’existence de certains lots  insuffisamment ou non mis en valeur favorise les activités agricoles. Sawadogo Ali un habitant de N’Dotré à la frontière entre Abobo et Anyama vie avec sa petite famille dans ce quartier. Il s’est spécialisé dans la production de maïs. Vigile dans une société de la place, il a décidé de s’investir activement dans l’agriculture pour subvenir aux besoins des siens.

Selon Ali, c’est façon de lutter contre l’autosuffisance alimentaire, dans cette agglomération où certains ménages ont de la peine à manger correctement à leur faim compte tenu de la cherté de la vie. " Le maïs  est facile à cultiver. Il suffit simplement d’avoir une portion de terre,  les semences de bonne qualité et un peu de courage. Vous pouvez ne pas avoir des fertilisants et faire de bonnes récoltes s’il la pluie vient en temps réel ", révèle le paysans.

Il a aussi ajouté que face aux conflits fonciers récurrents dans la zone, son choix a été porté sur cette culture qui a l’avantage  d’avoir un cycle court. Par ailleurs, il dit mettre sa parcelle d’environ 1000 mètres carrés en valeur trois fois dans l’année. " Très souvent, on ne prend pas d’attache avec le propriétaire de la parcelle avant de cultiver. Même s’il se présente pour mettre son terrain en valeur, les dégâts ne sont énormes. Parfois on négocie avec lui juste le temps de récolter ce que nous avons semé ", ajoute Ali.

À côté de lui, une dame en pleine activité. Contrairement à Ali, c’est en accord avec le propriétaire du terrain qu’elle occupe provisoirement l’espace d’environ 600 mètres carrés. Certains paysans rencontrés pratiquent cette activité comme Ali. Ils " squattent "  des lopins de terre qu’ils abandonnent l’année suivante pour éviter d’appauvrir la terre.

"Je cultive le maïs dans la zone depuis une dizaine d’année. Il me permet de me nourrir mais je commercialise une partie de la production en cas de besoin.  Le propriétaire des lieux m’a en donnée l’autorisation et c’est comme si suis la gardienne de ce terrain", souligne –t-elle. Mais, d’autres agriculteurs sont eux-mêmes propriétaires de l’espace qu’ils occupent "en attendant de trouver les moyens nécessaires pour la construction d’un logement, il faut bien occuper et rentabiliser mon lot", a laisser entendre Coulibaly Yaya.

Outre les espaces lotis,  mais non encore bâtis, les paysans occupent aussi les terrains situés sous les lignes de hautes tensions du courant électriques qui traversent le grand espace et les réservent administratives non encore occupées par l’Etat. Dans l’ensemble, les espaces cultivés varient de 200 mètres carrés à un hectare.

Mais, c’est  dans les bas-fonds et les abords des sites marécageux que la culture du maïs est  plus intense. Ici c’est l’humidité constante du site pour palier la faiblesse ou la rareté de la pluviométrie qui attire les producteurs. Les paysans ont indiqué que compte tenu de ces facteurs sus mentionnés, les rendements sont nettement mieux que sur les sites de plateau ou des flancs de collines.

" Dans les bas-fonds nous produisons annuellement 4 fois le maïs sur le même terrain Ce qui fait que  si vous avez loué une parcelle au cours de cette période, c’est certain que vous réalisez des bénéfices ", a révélé Yéo Adama, responsable de groupe de jeunes producteurs de cette culture dans la périphérie d’Anyama. 

 Pour  respecter le calendrier agricole, tous les producteurs commencent à semer les grains de maïs dès les premières pluies de l’année (fin janvier, février, mars) comme c’est le cas le cas actuellement sur une parcelle qu’ils ont pris oins de préparer auparavant.

Et comme le mode de production est  manuel, les paysans labourent le sol à la houe  et font la semence directement après brûlis. Ensuite, d’autres opérations interviennent pour l’entretien de la plante. Notamment l’apport de fertilisant pour ceux qui ont les moyens. Cependant certains paysans utilisent de l’engrais naturel tel que la gousse de bœufs.

Suit aussi le désherbage qui peut intervenir lorsque de mauvaises herbes apparaissent dans le champ. Soit 2 fois avant la récolte en fonction de la qualité du sol.

Les épis de maïs sont récoltés frais ou sec selon le goût. En ce qui concerne les épis frais, des techniciens agricole conseillent de le faire 60 à 75 jours après semis pour les variétés à cycle court et 75 à 85 jours après semis pour les variétés à cycle long.

Les principales variétés disponibles sur les marchés se caractérisent par la couleur des grains. Par exemple, le maïs blanc semi denté, jaune semi denté, jaune corné/denté, blanc corné/denté, violet et blanc denté.

Les producteurs redoutent cependant un seul fait, malheureusement qui prend de l’ampleur : le vol de la production dès que les maïs  sont bien formés. "Parfois, affirme un groupe de paysan d’Anyama,  il y a des voleurs qui viennent récolter la production. Quand les mais sont mûrs et que cueillez un épi c’est comme si vous leur avez donné un signal pour procéder eux aussi à la récolte".

À cela,  s’ajoutent quelques conflits fonciers sur la parcelle cultivable qui gênent cette activité.

De façon générale la récolte intervient 3 mois après semi. " Nous écoulons directement la production sur le marché local où la demande est forte. Ici,  puisque nous sommes en milieu urbain pour prévenir toute tentative de vols  de la culture  à maturité, il est préférable  de faire la récolte des épis frais. Selon la période un tas de 3 épis de amis est vendu à 200 francs Cfa bord champ ", soutient N’Da Brou un autre producteur de la commune de Yopougon.

Vers les mois de juin et juillet, on peut apercevoir des groupes femmes se rendent sur ces parcelles à la recherche d’épis de maïs frais. " Le maïs frais est un peu particulier, en ce sens qu’il conserve sa saveur dès la récolte. Si vous cueillez un épi  frais le matin il faut le consommer les heures qui suivent, dans le cas contraire il change de goût ", ajoute-t-il.

La production du maïs dans la zone périurbaine d’Abidjan est donc directement destinée à la consommation. À pâtir de ces champs,  les commerçantes de gros ravitaillent les détaillants repartis dans les  marchés communaux ou les autres détaillants qu’on trouve partout aux abords des rues et grands carrefours.

Le maïs frais braisé ou bouilli attire de nombreux consommateurs. Qui en raffolent soit au petit déjeuner, au déjeuner ou au goûter. Dans certains quartiers il n’est pas rare de voir des jeunes filles très souvent avec une cuvette de maïs bouilli protégé par un sachet en plastique transparent vendre cette nourriture à la criée.

Même au Plateau, centre des affaires de la capitale économique ivoirienne, de hautes personnalités qui ont envie de grignoter quelque chose n’hésite pas à opter pour un épi de maïs. Qui a l’avantage d’être un aliment simple mais riche en protéine. Il convient donc à tous ceux qui suivent des régimes alimentaires rigoureux (régime peu salé, réduction du taux de sucre...) 

L’épi braisé ou bouilli se négocie entre 50 et 100 francs Cfa en fonction des quartiers du District autonome d’Abidjan. Selon le Centre national de recherche agronomique en Côte d’Ivoire (Cnra), plusieurs raisons explique la ruée des paysans vers la culture du maïs.

En effet le maïs constitue l’aliment de base de nombreuses populations ivoiriennes. Il intervient aussi dans l’alimentation animale (volailles, porcs, bovins) et sert de matières premières dans certaines industries (brasseries, savonneries, et huileries)

Producteurs,  commerçants et consommateurs de maïs entretiennent ainsi un secteur dynamique dans la zone périurbaine abidjanaise. 

Le manioc : la sécurité alimentaire assurée

L’autre culture vivrière dont la production en quantité suffisante continue de préoccuper les paysans est le manioc. Si bien que se sont développées des plantations aussi bien en milieu rural qu’urbain.  Sur les versants des plateaux qui bordent la route d’Alépé, les lopins de terre encore disponibles sont exploités totalement pour disposer de tout temps ce vivrier dont l’importance n’est plus à démontrer dans les habitudes alimentaires des populations ivoiriennes.

Les paysans des villages riverains (Ahoué, Attiékoi, Djibi…) et les producteurs occasionnels constitués de travailleurs de la zone urbaine  se disputent les terrains à mettre en valeur pour le grand bonheur des propriétaires terriens. Face à la forte demande qui occasionne du coup une pression sur le foncier ceux-ci font de bonnes affaires.

Actuellement, le prix d’un hectare de parcelle loué varie entre 60.000 à 100.000 FCfa. Ici, le contrat de location part du début de la mise en valeur à la fin de la récolte du manioc soit,  environ 12 mois au minimum, tout juste le temps du cycle normal de production de cette culture.

Parfois, il est proposé une autre forme de contrat appelée dans le milieu «  partenariat » qui consiste pour l’acquéreur de partager la moisson avec le propriétaire terrien. Le locataire détient les deux tiers de la production, le reste revenant au détenteur de la terre.

Malgré les coûts de location des parcelles  souvent jugés exorbitants, les terres sont prises d’assaut par les acquéreurs. «  Après les fêtes de fin d’année précédente, j’ai été désagréablement surpris de constater qu’il n’y avait plus d’attiké dans mon quartier. Les jours suivants, ce que nous avons trouvé était devenu trop cher. À partir de cet exemple j’ai réalisé que chacun devrait trouver ses propres solutions pour lutter contre la cherté de la vie », a expliqué un Constat Y, jeune cadre dans une entreprise de la place.

Il dit avoir loué une parcelle d’une superficie totale de 4 hectares pour son projet. Pour l’heure il a déjà planté 2 hectares de manioc depuis septembre dernier. Le reste est en cours de réalisation. On a pu observer la présence de 4 ouvriers ce jour en train débroussailler de hautes herbes. Après cette opération, interviendra le brulis et le laboure avant de mettre en terre les boutures de manioc les jours à venir. 

" Nous nous sommes associés pour faire ce projet. Étant donné que nous travaillons tous dans l’administration publique ou privée,  nous faisons une rotation en fonction de nos temps libres pour pouvoir  suivre les travaux", soutient-t-il.

Par ailleurs, la course vers la production de manioc est telle que les jeunes des villages environnants, ou du moins les plus courageux  ne chôment pas puisqu’ils sont de tout temps sollicités pour les travaux champêtres : débroussaillages de parcelles, faire des buttes, labourer le sol, semence de cultures, récolte, transport de semence, désherbage...

Deux modes prestations sont proposés aux travailleurs : les ouvriers qui sont payés annuellement, mensuellement ou par journée.  Par mois le salaire varie entre 20.000 et 25.000 soit près de 300.000 l’année. La prestation journalière de l’ouvrier est dans l’ordre de 1700 à 2000 Fcfa.

Pour le désherbage, le plus souvent ce sont des groupes de femmes qui sont sollicités. Le travail journalier d’une travailleuse est de 2000 Fcfa. Dans le District autonome d’Abidjan, les zones les plus actives sont situées sur la route d’Alépé, précisément entre l’abattoir municipal d’Abobo et le corridor. Sans oublier la route de Dabou, notamment à Songon, la voie menant à Abengourou, entre Abobo et Anyama. 

Les plantations sont parfois composées uniquement de manioc ou associées au maïs et autres vivriers. Dans l’agriculture modernisée, les techniciens recommandent de planter les boutures en début de saison pluvieuse. Soit en mars et avril dans la zone sud du pays.

Cependant la plupart des producteurs que nous avons rencontrés produisent le manioc de façon traditionnelle. Beaucoup n’utilise pas de fertilisant.

" Nous sommes rendus compte que dans la zone, en dehors du mois de décembre quoi est peu pluvieux, il pleut presque toute l’année. Donc à tout moment nous pouvant semer le manioc ", a expliqué un Assi Damas, un autre producteur.

Les champs que nous avons visités lui donnent entièrement raison. En effet,  certains paysans ont semé les boutures aux cours des mois les plus chauds de l’année. Janvier et décembre.

" Les jeunes plants de deux à trois mois se comportent comme des plantes xérophiles : c’est-à-dire qu’ils se sont adaptés au soleil au point qu’ils  se développent rapidement dès les premières pluies de l’année ",  tente-t-il de convaincre. Il nous montre une rangé de jeune plant qui respire la pleine force surtout grâce à la pluie qui est tombée la veille.

Les variétés les plus rencontrées sont le Yacé essentiellement utilisé pour faire l’attiéké, le Bonoua pour le foutou. D’autres espèces sont également sont répandues dans cette localité, notamment l’Im89,  l’Im93,  le Tms4 (2)1425, Tms30572 etc... Qui permettent à fois de préparer ces deux aliments. Généralement toutes ces plantes ont un cycle qui va de 12 à 20 mois.

Le Centre national de recherche agronomique (Cnra) indique que le rendement par hectare est compris entre 5 et 8 tonnes. Mais, les petits paysans de la zone ont des difficultés pour connaître la quantité de manioc produite. C’est plutôt par chargement de camion ou de sac qu’on évalue la production.

" À la récolte nous faisons venir des véhicules bâchés. C’est le nombre de  chargement qui est notre unité de mesure. Un véhicule bien chargé de produit est vendu entre 130.000 et 200.000 F Cfa bord champ selon la période. Nous pouvons avoir 10 à15 chargements par hectare ", confié un producteur.  

Les habitués de cette culture ont confié que les producteurs s’en tirent toujours avec des bénéfices consistants. En effet, le manioc fait partie des aliments les plus consommée en Côte d’Ivoire surtout avec les deux variétés d’attiéké que sont l’attiéké ordinaire et la Garba. Il existe d’autres produits dérivés du manioc (gari, foutou, amidon, granulés, pain, gâteau, bière, liqueur, tapioka, colle, placali, kogodé...)

ALFRED KOUAME

CORRESPONDANT