A propos de l'assistance électorale de la Cedeao aux États membres

A propos de l'assistance électorale de la Cedeao aux États membres

Introduction

Les efforts de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)  dans la région ont permis, d’améliorer les processus électoraux et d’avoir des dirigeants élus démocratiquement. Au début des années 90, les élections ont dans le passée constitué une activité génératrice de conflits. Ces crises, dont les manifestations diffèrent d’un État à l’autre, ont surtout conduit à la violence et, par la suite, à la dégradation des conditions économiques dans les pays concernés, ce qui a des répercussions sur le développement social. La nécessité de veiller à ce que les pays organisent des élections pacifiques en promouvant la justice et en défendant la paix et l’état de droit apparaît cruciale. Ce présent article énumère les différentes activités  de la division d'assistance électorale de la CEDEAO aux États membres qui contribuent à prévenir les violences liées aux élections.

Contexte

La région de la CEDEAO a réussi à faire en sorte que chaque accession au pouvoir dans la région se fasse à travers des élections démocratiques. Les élections sont devenues la voie d'accès systématique au pouvoir dans la région ouest-africaine et le protocole additionnel  de 2001 de la CEDEAO met l'accent sur la tolérance zéro pour le pouvoir obtenu ou maintenu par des moyens anticonstitutionnels et maintient la suprématie des gouvernements élus démocratiquement sur les forces armées des États membres. Afin de garantir des élections libres, équitables et crédibles et de prévenir les conflits liés aux élections et conformément aux dispositions de l'article 12 du Protocole additionnel, la Commission de la CEDEAO a systématiquement aidé ses États membres à organiser des élections et a initié des activités d'assistance électorale. En officialisant ce mécanisme d'assistance électorale et dans le cadre de ses efforts pour améliorer l'intégrité électorale et approfondir la démocratie dans la région, la Commission a créé une Division de l'assistance électorale (DAE)  au sein de la Direction des affaires politiques (DPA) dans le département en charge des affaires politiques, de la paix et de la sécurité (APPS).

Mandat et objectifs de la DAE

Au vue des requêtes croissantes d’assistance électorale de la CEDEAO des États membres, il était nécessaire de créer une cellule de liaison au sein de la Commission pour aider le Président de la Commission à coordonner et à examiner les demandes d’assistance électorale. Depuis sa création en 2006, la Division de l’assistance électorale sert de point focal pour l’assistance électorale de la CEDEAO. La division tire son mandat de l'article 12 du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance (2001), de l'article 53 (f) du Cadre de prévention des conflits de la CEDEAO (CPCC) , qui stipule que la CEDEAO doit faciliter la fourniture d'une assistance aux États membres et aux acteurs locaux dans la préparation d'élections crédibles.

Objectifs

La Division d'assistance électorale s'emploie à améliorer la gestion efficace des processus électoraux dans les États membres afin de s'assurer qu'ils sont conformes aux normes internationalement acceptées. Sa vision globale est d'harmoniser l'administration des élections dans la région. La division a entre autres pour objectifs de soutenir la conduite d’élections crédibles ; développer des orientations politiques sur les processus électoraux ; soutenir directement et intervenir dans les processus électoraux; Renforcer les capacités des organes de gestion électorale (OGE) ; Partager les meilleures pratiques des commissions électorales. Les activités de la division assistance électorale se situent à deux niveaux. Les interventions systématiques qui sont automatiquement déployés dans les pays organisant des élections et les appuis secondaires qui sont déployés en cas de besoin en rapport avec l’environnement pré-électorale. Ci-dessus quelques détails de l’assistance électorale de la CEDEAO:

Mission d’information pré-électorale

Les missions d'information préélectorales de la CEDEAO tirent leur mandat de l'article 13 du Protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance (2001). L'objectif principal de cette activité est de s'assurer que le pays est prêt à organiser les élections. Pendant cette mission, le niveau de préparation des parties prenantes au processus électoral est évalué par rapport au calendrier électoral établit.  Ainsi, l’équipe de la mission d’information pré-électorale est souvent composée d’experts, dont le chef de la mission (généralement président en exercice d’une commission électorale de la région) et deux experts techniques du RESAO  (réseau des structures de gestion des élections en Afrique de l’ouest).  Elle est également soutenue par une équipe de la Commission de la CEDEAO.

Mission d’observation à long terme (MOELT)

Ce deuxième volet, la MOELT, en plus d’être une mission d’observation, a, en son sein un volet technique d’appui aux états organisant des élections. Selon sa durée, cette activité peut couvrir l’inscription des électeurs et l’enregistrement des candidatures. Pendant cette phase, la mission  supervise également la période de la campagne, effectuent le suivi du jour du scrutin, de l'annonce des résultats, de la période des résultats, de la conduite d'un second tour selon les cas  et le suivi postélectoral. Le déploiement des MOELT est très coûteux. Les critiques des États membres et les enseignements tirés des processus électoraux antérieurs ont permis à la CEDEAO d’être présente suffisamment tôt pour observer de près les phases critiques des processus électoraux et activer son mécanisme de réponse rapide pour prévenir les conflits liés aux élections. Bien que la MOELT ne figure dans aucun des mécanismes existants, il était néanmoins nécessaire que la CEDEAO entreprenne de telles missions pour donner  plus de crédibilité à la déclaration de la CEDEAO lors des processus électoraux dans la région. Un guide des missions à long terme  a été élaboré. Depuis 2015, la CEDEAO bénéficie du soutien des bailleurs tels que DANIDA et GIZ , qui aident à financer les MOELT en vue de  donner une crédibilité aux processus et pour l’acceptation des résultats.

Mission d'observation électorale à court terme (STEOM)

Cette activité est une suite et vient renforcer l’activité précédente, la MOE élargie la zone de déploiement de la MOELT. Le nombre d'experts déployé lors des missions d’observations à court terme dépend de la taille géographique du pays. Les experts de ce groupe comprennent généralement des délégués qui peuvent engager des engagements diplomatiques si cela est nécessaire.  La MOE tire son mandat de l’article 14 du protocole additionnel (2001) sur la démocratie et la bonne gouvernance. Les observateurs sont nommés par le Président de la Commission sur la base de leur expertise dans le domaine des élections. Cette sélection tient également compte du critère essentiel de l’équilibre entre les sexes. La MOE contribue donc à veiller à la régularité du processus selon les textes qui régissent les élections dans le pays concerné. Cette activité permet en grande partie de prévenir la violence postélectorale, elle est systématiquement déployée dans tous les Etats membres et dirigé par des personnalités imminentes ou d'anciens chefs d'Etats qui ont une vaste expérience des procédures diplomatiques puisqu’ayant eux-mêmes dirigé un pays et transféré le pouvoir pacifiquement. Il est pertinent de souligner que les Chef des MOE participent et facilitent souvent dans le cadre de leur mission plusieurs rencontres entre les parties prenantes, notamment des réunions avec les candidats et le président en exercice du pays. Ils utilisent ainsi les initiatives de diplomatie préventive lorsque cela est jugé nécessaire. Dans le but de collaborer et échanger assez tôt avec les États membres organisant des élections, la Commission, par l'intermédiaire du secrétariat du RESAO, sous le leadership du professeur Mahmood Yakubu , a initié pour la première fois en juin 2018 en Guinée, une mission de suivi post-électorale (PEFM).

Assistance financière et observation sécuritaire

Ce volet de l’assistance fait partie des activités non systématiques. L’assistance financière n'est octroyée qu'aux pays qui en font la demande et après une analyse des besoins. Le soutien financier de la CEDEAO vise généralement à contribuer à la sensibilisation des électeurs. Dans certains cas, la CEDEAO assiste financièrement les états dans la phase critique d’inscription des électeurs. Dans le cadre de son assistance, la CEDEAO a également déployé une équipe d’observateurs de la sécurité afin de renforcer le processus de sécurisation des élections. Ainsi des Officiers Supérieurs ont été déployés au Togo en 2007 et 2010 et en Guinée-Bissau en 2013.

Principales réalisations

Parmi les succès de la division assistance électorale (DAE), l’on peut citer l’appui électoral réussie aux états membres organisant des élections depuis 2006 date de la création de la DAE. La mise en place du réseau des structures de gestions des élections (RESAO) dans la région, créé en février 2008 à Conakry, en Guinée qui sert de plate-forme régionale pour l’échange des meilleures pratiques, de renforcement des capacités des commissions électorales et pour harmoniser l’administration des élections dans la région. Le secrétariat du réseau a été réorganisé et est entièrement fonctionnel grâce au soutien financier de l’Open Society Initiative pour l’Afrique de l’Ouest (OSIWA) qui a également contribué à la création de la CEDEAO de la DAE en 2006. Son opérationnalisation est le fruit des efforts du secrétaire permanent (PS) du Réseau, Dr. Francis Gabriel OKE, Chef de la Division de l’assistance électorale de la CEDEAO, qui justifie plus de 20 ans d’expérience dans le domaine des élections.

Dans l’accomplissement de ses objectifs, la DAE a pris des mesures importantes pour assurer le renforcement des capacités des organes de gestion électorale (OGE) de la région en utilisant le programme et la méthodologie BRIDGE (Renforcement des ressources en démocratie, gouvernance et élections). Avec le soutien d'un expert régional bien connu et accrédité Facilitateur BRIDGE depuis bientôt 20 ans, Dr. Theophilus DOWETIN, qui a travaillé pendant plus de 8 ans en tant que responsable du programme ouest-africain pour l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale (IDEA). On peut également citer le renforcement de la collaboration avec les organisations de la société civile dûment établies dans la région et la coopération avec le Réseau ouest-africain pour la consolidation de la paix (WANEP).

La création de la base de données des élections de la CEDEAO  (http://observers.ecowas.int/ ) a été un travail de longue durée. Une étude de faisabilité a été réalisée en 2011 et la mise en place et l'opérationnalisation en 2015 avec un responsable dédié à la gestion de la base de données. Ce rêve a été possible grâce au soutien de l'Agence allemande de coopération internationale (GIZ), qui a entièrement financé le projet et a soutenu le déploiement de certains observateurs à long terme (LTO) depuis 2015. Une formation professionnelle est organisée chaque année en collaboration avec le Centre international de formation au maintien de la paix de Kofi Anan (KAIPTC). A ce jour plus de 400 personnes de la région et d’ailleurs ont été formées.

Conclusion

Différents départements/directions de la CEDEAO ont des rôles spécifiques qui contribuent à atteindre les objectifs globaux et spécifiques de la commission. Par ailleurs, les programmes d'assistance électorale de la CEDEAO offrent des solutions à ses États membres et aident à réduire les conflits susceptibles d’affecter les conditions économiques et sociales de la région. En effet, il est crucial de noter que la Division de l'assistance électorale de la CEDEAO, qui a célébré ses 10 ans d'existence avec un bilan positif, en 2017, a eu un impact positif dans la région. Sa vision et ses réalisations enregistrées au fil des ans ont amélioré et restauré l'image de la CEDEAO en matière d’appui aux processus électoraux dans la région vis-à-vis des citoyens de la région. Le déploiement d'une mission de la CEDEAO pour soutenir les processus électoraux dans un État membre est désormais perçu comme une garantie d'un respect minimum des droits de l'homme et de la démocratie. Toutefois, compte tenu de l’évolution rapide des systèmes électoraux liés à l’implication de la technologie dans les processus électoraux dans le monde, la Commission doit adapter ses opérations en fonction de l’évolution des besoins et des possibilités dans la région. La Commission devrait peut-être examiner rapidement l’impact des TIC sur les processus électoraux, son incidence sur les coûts et son impact global sur le coût des élections dans la région.

Les références
Base de données des observateurs électoraux de la CEDEAO, 2013 disponible à l'adresse http://observers.ecowas.int/;
Cadre de prévention des conflits de la CEDEAO (ECPF) adopté par le Conseil de médiation et de sécurité en janvier 2008;
Communiqués du Sommet de l'Autorité des Chefs d'Etats et de gouvernement de la CEDEA ;
Protocole relatif au mécanisme de prévention des conflits, de gestion, de résolution, de maintien de la paix et de sécurité, Autorité de la CEDEAO, Lomé, Togo, 10 décembre 1999;
Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, A / SP1 / 12/01, Autorité de la CEDEAO, Dakar, 21 décembre 2001 ;
Rapport de l’atelier international de la CEDEAO sur dix ans d'expériences électorales et de promotion de la démocratie et assemblée générale biennale 2017 du réseau de commissions électorales de la CEDEAO (RESAO), Cotonou, Bénin, mars 2017.

Par: Luther Barou Y. Youkou
Chargé de programme, Opérations
Département des Affaires politiques, paix et sécurité (PAPS)
Commission de la CEDEAO Abuja, Nigeria