Centre des grands brûlés de Cocody: Aux petits soins des victimes du feu

Un seul leitmotiv dans cet hôpital: redonner le sourire aux victimes de brûlures.
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Centre des grands brûlés de Cocody: Aux petits soins des victimes du feu

Jérôme Malick n’oubliera pas de sitôt sa dernière dispute avec son épouse. Une rixe qui lui a valu, dans la deuxième moitié du mois de septembre 2017, d’être un des patients du Centre des grands brûlés du Chu de Cocody. Un service rattaché au Service d’aide médicale d’urgence (Samu). « J’étais en train de faire des palabres avec ma femme, quand elle s’est saisi d’une casserole d’eau chaude et me l’a balancée en pleine figure », témoigne l’homme, le bras droit et la tête presqu’entièrement recouverts de bandes imbibées de produits médicaux.

« C’est une sorcière, cette femme ! Elle peut tuer un homme », assène dans la foulée Danielle Gnaly, ahurie par le récit de son voisin. La jeune fille est au nombre des patients présents au centre, ce jour-là, pour une consultation. Elle tient son fils brûlé, lui aussi, par du feu de gaz butane. « Dimanche dernier (17 septembre : ndlr), il y avait l’anniversaire  de ma nièce, ses parents ont demandé ma bouteille de gaz pour faire la cuisine. Quand ils l’ont ramenée, la tête était défaillante. A la première étincelle, les flammes se sont répandues dans la cuisine où j’étais avec mon fils », relate-t-elle.

A ses côtés, Ludovic Aka explique que ses brûlures ont été causées par de l’eau chaude. « J’avais un palu ‘‘jaune’’. Mes parents m’ont enfermé dans une pièce pour un bain de vapeur sous une grosse couverture. Sans m’en rendre compte, j’ai plongé mes deux bras dans le canari contenant le liquide médicamenteux encore bouillant », témoigne-t-il. Ludovic a les deux bras couverts de bandes jusqu’au niveau des coudes. Seuls sont visibles, ses doigts qui portent encore les stigmates de son accident.

900 patients en moyenne par an

Comme Jérôme, Danielle et Ludovic, le Centre des Grands brûlés du Chu de Cocody reçoit, au dire de la cheffe du service, le Dr Brigitte Vilasco, 900 patients par an en moyenne. « Nos attributions sont de prendre en charge le traitement de tous les brûlés. L’idée est de juguler le pire pour toutes les victimes de brulures bénignes, moyennes ou graves », explique-t-elle.

Le nombre de brûlés reçus tous les jours au centre pour des pansements oscille entre 15 et 20. « Sachez donc qu’on accueille tous les brûlés (…). C’est un peu dommageable, parce qu’avec ces malades qui sont suivis chez eux et qui reviennent tous les deux jours en consultation, nous sommes obligés de mobiliser tout le personnel à leur chevet au détriment des patients hospitalisés. Or les cas les plus graves parmi ces derniers sont en réanimation et ont besoin de présence à leurs côtés toutes les heures ou deux heures », souligne Brigitte Vilasco. Cet état de fait, note-t-elle, « a conduit à ouvrir un chantier de construction d’un nouveau bâtiment pour les consultations externes ».

La capacité d’accueil initial du centre des grands brûlés, pour ce qu’on appelle le secteur chaud, c’est-à-dire la réanimation, est de six lits. Au secteur froid, il y a 11 lits. 60 à 70 % des patients du centre sont des enfants de moins de cinq ans. « Nous avons, pour faire face à cette situation, transformé un bureau qui ne servait pas à grand-chose, en salle d’hospitalisation pédiatrique. Elle va contenir six berceaux pour les moins de cinq ans. La capacité totale sera donc de six lits pour adultes et six lits pour enfants soit 12 lits pour les soins intensifs et 11 lits d’hospitalisation simple », fait savoir la patronne de l’hôpital.

Le système de fonctionnement du centre des grands brûlés stipule que les malades doivent payer un forfait d’hospitalisation. Le montant requis est de 10 000 à 20 000 Fcfa. Conformément aux directives de l’Etat ayant trait à la réduction des coûts de 30 % sur toutes les prestations au-dessus de 1000 Fcfa, la réanimation (soins intensifs) coûte aujourd’hui 14 000 Fcfa et l’hospitalisation simple coûte 7000 Fcfa.

« Ces tarifs-là correspondent à un forfait. C’est-à-dire qu’ils incluent tout. Réanimation, pansements, gestion des infections et de la coagulation, alimentation du malade hospitalisé, etc. Et pourtant, le simple produit qu’on utilise systématiquement sur chaque malade manque parfois. Les malades sont obligés d’aller dans des officines privées pour l’acquérir. Cela nous embête », regrette Dr Vilasco.

Aucun frais d’hospitalisation pour les enfants de moins de 5 ans

Selon la praticienne, le forfait de 14 000 Fcfa est bien souvent hors de portée de la plupart des patients. « Malheureusement, ce sont les populations les moins nanties qui sont le plus souvent victimes de brûlures. Si elles doivent payer 14 000 ou 7 000 Fcfa par jour pour des soins qui peuvent durer 15 jours, trois semaines ou un mois, c’est difficile. On essaie donc de réduire au minimum le temps d’hospitalisation et de suivre des malades de façon ambulatoire », relate-t-elle.

Assurant que le centre des grands brûlés s’interdit de refuser de soigner un malade même s’il n’a pas les moyens. « Il y a beaucoup de malades qu’on a hospitalisés et qu’on a essayé de traiter tant bien que mal quand ils ne pouvaient pas acheter tous les médicaments. On s’échine à aider tout ce monde. On reçoit des dons de partenaires mais ils n’arrivent pas à combler le déficit », souligne Brigitte Vilasco.

Elle indique, par ailleurs, que dans le cadre des directives citées plus haut, et qui sont toujours en vigueur, « les 48 premières heures d’hospitalisation sont gratuites. Les enfants de moins de cinq ans ne paient pas d’hospitalisation ni d’actes ».

Le centre des grands brûlés compte 16 infirmiers, 20 aides-soignants et six médecins. Des anesthésistes réanimateurs et une psychiatre. La structure étant rattachée au Samu, elle ne dispose pas d’un budget propre. « Je n’ai pas de fonds personnels. Il y a une enveloppe globale Samu. Et c’est dans ce montant qu’on fait la répartition pour le Service mobile d’urgence et de réanimation (Smur), pour le centre des grands brûlés, etc. », relève le médecin anesthésiste.

Brigitte Vilasco rêve aussi et surtout de pouvoir gérer, elle-même, le budget du centre des grands brûlés. « Mon souhait est d’améliorer davantage la qualité des soins. Nous sommes à 6 % ou 7 % de taux de mortalité parmi les patients suivis. Pour ceux qu’on hospitalise, le taux des décès est compris entre 25 et 30 %.  Mais nous devons faire mieux pour faire chuter ce taux », préconise-t-elle.

Elle précise qu’une personne brûlée à 100 % a des brûlures sur tout le corps. A 50 %, elle souffre de brûlures sur la moitié du corps. « Il y a quelques années, il nous était quasiment impossible de sauver une personne brûlée à 50 %. Aujourd’hui, malgré les conditions de travail, on arrive à redonner le sourire à des mutilés du feu à 60 %, voire 70 % », évoque-t-elle avec fierté.

GERMAIN GABO