"Mes étoiles noires": De Lucy à Barack Obama », un appel à l’éveil de la conscience noire
Invité spécial à la cérémonie de lancement officiel du projet « Route de l’esclave » en Côte d’Ivoire, l’ex-champion du monde de football français a saisi l’occasion pour revenir sur le contenu de son livre coédité par l’ensemble des acteurs membres de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, parmi lesquels les Editions Edilis et Eburnie en Côte d’Ivoire. « Mes étoiles noires : de Lucy à Barack Obama ». C’est sous ce titre révélateur que l’auteur retrace, en 400 pages, la vie d’une cinquantaine de héros noirs qui ont marqué l’histoire des peuples et dont on ne parle pas suffisamment, tel qu’il le fait savoir sur la quatrième de couverture : «L’homme, petit ou grand, a besoin d’étoiles pour se repérer. Il a besoin de modèles pour se construire, bâtir son estime de soi, changer son imaginaire, casser les préjugés qu’il projette sur lui-même et sur les autres. Dans mon enfance, on m’a montré beaucoup d’étoiles. Je les ai admirées, j’en ai rêvé : Socrate, Baudelaire, Einstein, Marie Curie, le général de Gaulle, Mère Teresa…Mais mes étoiles noires, personne ne m’en a jamais parlé. Les murs des classes étaient blancs, les pages des livres d’histoires étaient blanches. J’ignorais tout de l’histoire de mes propres ancêtres. Seul l’esclavage était mentionné. L’histoire des Noirs, ainsi présentée, n’était qu’une vallée d’armes et de larmes. Pouvez-vous me citer un scientifique noir ? Un explorateur noir ? Un philosophe noir ? Un pharaon noir ? Si vous ne le savez pas, quelle que soit la couleur de votre peau, ce livre est pour vous ».
A la cérémonie de dédicace qui a eu lieu le 7 juillet au Palais de la culture Bernard B. Dadié de Treichville, Lilian Thuram n’a pas caché sa volonté de participer à l’éveil de la conscience noire, car «la meilleure façon de lutter contre le racisme et l’intolérance, c’est de casser certains préjugés, d’enrichir nos connaissances et nos imaginaires », a-t-il fait savoir, en attirant l’attention sur quelques récits de vie en France où il était dès l’âge de 9 ans. Dans son ouvrage, Thuram retrace la vie d’Anne Zingha, la princesse noire du Matamba, dernier bastion de l’Angola résistant à l’envahisseur portugais. Il parle de la plume de la colère de Richard Nathaniel Wright, l’écrivain révélé dans la période pré-Obama et raconte Aimé Césaire sous le titre « L’heure de nous-mêmes a sonné » ; L’auteur rappelle à la mémoire collective, le rêve de Martin Luther King qui changea le monde et n’oublie pas l’exploit de Cheick Modibo Diarra dont le récit commence en 1952 au Mali.
Racisme à rebours ou simple vérité ?
Confortant la position de Lilian Thuram, le ministre de la Culture et de la Francophonie, Maurice Bandaman, a tenu à répondre à certaines personnes qui voyaient dans les dires de l’auteur un genre de compte à rebours. « J’ai tenu à ce que nos étudiants rencontrent cette personnalité, parce que je sais que de cette rencontre, naîtront des vocations. Parce que la rencontre avec de grands hommes est source de progrès et de succès, c’est pourquoi je voudrais remercier Lilian Thuram d’avoir effectué cette visite en Côte d’Ivoire à l’occasion du lancement du projet Route de l’esclave », a dit Maurice Bandaman, lors de cette rencontre intellectuelle. Il a ajouté : « Il est bon de montrer que l’homme noir a aussi une trajectoire et une histoire qui montre qu’il a inventé et trouvé. Loin d’être un compte à rebours, la démarche de Lilian Thuram est plutôt une sensibilisation et une remise des choses à l’endroit, parce que nombreux sont ceux progressent encore dans le sens de la falsification de l’histoire et c’est cela qu’il faut déconstruire pour mettre les choses à l’endroit. Cela surtout, pour que le continent noir retrouve le sens de l’initiative et que les jeunes générations comprennent que nos aînés étaient non pas des militants partisans, mais des militants de la dignité. Des militants de cette pensée panafricaine et de la renaissance de l’homme noir qui a illustré certains combats dans le monde. Un combat que nous devons reprendre ». Puis de donner les raisons de son choix porté sur l’ex- champion engagé pour la reconnaissance du combat de l’homme noir : « C’est pour cela que des personnalités comme Lilian Thuram sont pour nous de nouvelles occasions pour reprendre le flambeau et le rallumer afin que nos enfants et nos étudiants sachent où aller parce qu’il n’est pas juste de penser que l’Africain ou l’homme noir est le dernier des hommes ».
Après cette cérémonie de dédicace qui a enregistré la présence de nombreux spécialistes de l’industrie livresque, Ange N’Dakpri, président des éditeurs de Côte d’Ivoire, a promis de faire des pieds et des mains pour que Lilian Thuram soit présent au nombre des invités spéciaux de l’édition 2018 du Salon international du livre d’Abidjan (Sila) 2018.
BRIGITTE GUIRATHE