Shimon Peres, le faucon devenu colombe

Shimon Peres à Ottawa, Canada, le 8 mai 2012.
Shimon Peres à Ottawa, Canada, le 8 mai 2012.
Shimon Peres u00e0 Ottawa, Canada, le 8 mai 2012.

Shimon Peres, le faucon devenu colombe

Shimon Peres, le faucon devenu colombe

Shimon Peres est mort ce 28 septembre à 93 ans. Président d’Israël de 2007 à 2014, plusieurs fois ministre et chef du gouvernement, il aura occupé la scène politique israélienne durant 65 ans, au gré des alternances. Prix Nobel de la paix après les accords d’Oslo en 1993, il bénéficia d’une aura internationale. Sur la scène intérieure, cette figure du Parti travailliste au parcours complexe fut en revanche plus contestée.

« Je vais rester un citoyen plein d’espoir, espoir pour un avenir meilleur, espoir pour la paix ». En quittant la présidence de l’Etat d’Israël en juillet 2014, Shimon Peres adresse ce message d’adieu à la Knesset, le Parlement israélien. Homme de paix, c’est l’image que l’on retient de cet infatigable animal politique, à la longévité impressionnante et qui a su rester alerte même après sa retraite politique.

Prix Nobel de la paix en 1994, qu’il obtient conjointement avec le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le président de l’OLP Yasser Arafat, Shimon Peres, alors ministre des Affaires étrangères, est récompensé pour ses efforts. C’est lui qui a négocié en secret les accords d’Oslo, des accords censés ouvrir la voie à un règlement du conflit-israélo palestinien. Il n’en fut rien, mais Shimon Peres fut dès lors associé à cette image d’éternel défenseur de la paix. La colombe fut pourtant aussi faucon.

Shimon Peres, de son vrai nom Shimon Perski, nait en 1923 à Vishneva, située à l’époque en Pologne. A onze ans, il émigre en Palestine avec sa famille. Il vit plusieurs années dans un kibboutz et adhère à un mouvement de jeunesse proche du sionisme de gauche. Soucieux de participer à la naissance d’Israël, Shimon Peres entre en politique à 25 ans, grâce à sa rencontre avec David Ben Gourion, le fondateur de l’Etat hébreu en 1948.


Faucon parmi les travaillistes

C’est au sein du ministère de la Défense comme secrétaire général que Shimon Peres commence à servir les intérêts du jeune Etat. Il s’emploie à armer Israël. Dans les années 50, il noue des liens très forts avec la France qui lui fournira des avions de chasse et qui l’aidera à financer la centrale nucléaire de Dimona. Peres est d’ailleurs considéré comme l’artisan du programme atomique israélien. Dans les années 70, alors qu’il est devenu ministre de la Défense, il cautionne l’émergence des premières colonies juives de Cisjordanie occupée.

Elu pour la première fois en 1959 député du Parti travailliste, Shimon Peres restera parlementaire à la Knesset pendant 48 ans, un record. D’une ténacité à toute épreuve, aux yeux de ses supporteurs, opportuniste pour ses détracteurs, il accumule les portefeuilles au sein de différents gouvernements. Il devient Premier ministre par intérim en 1977, fonction qu’il occupera encore deux fois, sans être jamais élu.

Car Shimon Peres est aussi le champion des défaites électorales aux législatives. Sa défaite la plus marquante est sans doute celle de 1996. Il occupe alors le poste de Premier ministre après la mort d’Yitzhak Rabin, assassiné un an plus tôt par un extrémiste juif en plein rassemblement pour la paix à Tel-Aviv. Peres, qui était à ses côtés ce soir-là, dira bien plus tard que « s’il était encore vivant, Rabin aurait fait la paix avec les Palestiniens ».

1996 est aussi l’année du massacre de Cana. L’aviation israélienne bombarde ce village libanais, tuant 106 civils, lors de l’opération « Raisins de la colère ». Shimon Peres, alors Premier ministre et ministre de la Défense, essuie une avalanche de critiques. Malgré son expérience et l’émotion suscitée par la mort de Rabin, Peres perd les élections législatives de 1996 au profit du candidat du Likoud Benyamin Netanyahu. Il entame une longue traversée du désert.


Il cultive son image d’homme de paix

Mais Shimon Peres se relève. En 2001, l’homme de gauche entre au gouvernement d’unité nationale dirigé par le faucon de la droite israélienne Ariel Sharon et soutient sa politique sécuritaire. Il quitte ensuite le Parti travailliste pour rejoindre Kadima, le mouvement centriste créé par Ariel Sharon en 2005. Il accède enfin à la présidence d’Israël en 2007.

Drapé de cette fonction honorifique, Shimon Peres cultive son image d’homme de paix acquise grâce à son prix Nobel. Il est accueilli à bras ouverts dans de nombreuses capitales. Jusqu’à la fin de son mandat en 2014, il se présente comme un rempart aux dérives droitières du gouvernement Netanyahu. Il n’hésite pas à critiquer le Premier ministre sur sa politique envers les Palestiniens, même après avoir quitté ses fonctions de président.

Dans un entretien à l’agence Associated Press fin 2015, Shimon Peres exhortait Israël à « mettre en application la solution à deux Etats pour son propre salut, sinon, disait-il, nous allons perdre notre majorité et nous ne pourrons pas rester un Etat juif et démocratique. C’est ça le véritable enjeu, mais malheureusement le gouvernement ne va pas dans la bonne direction ».


■ Derrière le prix Nobel de la paix, le père de la bombe atomique israélienne

Lorsqu'il était aux Etats-Unis, Shimon Peres a fait en sorte qu'Israël se dote d'industries d'aviation et d'électronique. Mais s'il fait partie de la vingtaine de personnes qui ont fait Israël, c'est d'abord et avant tout parce que c'est lui qui a donné la bombe atomique à ce pays, même si l'Etat d'Israël n'a jamais reconnu qu'il l'avait.

En 1956, M. Peres est à Paris. Il convainc Maurice Bourgès-Maunoury, ministre des Forces armées, et Guy Mollet, président du Conseil, de fournir le feu nucléaire au petit Etat. C'est donc la France qui construira pour Israël la centrale nucléaire de Dimona, dans le Néguev. Paris fournira aussi de l'eau lourde et de l'uranium.

Pour la petite histoire, Charles De Gaulle, constatant les faits de retour au pouvoir, demandera que cesse tout de suite cette collaboration. Mais comme l'expliquait Shimon Peres lui-même à l'un de ses biographes, cette collaboration continuera à l'insu du général, relate notre confrère Toufik Benaïchouche du service international de RFI.


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