Dimbokro et Toumodi: Ces localités veulent renaître par l’anacarde et l’Amandier

Dimbokro et Toumodi: Ces localités veulent renaître par l’anacarde et l’Amandier
Dimbokro et Toumodi: Ces localités veulent renaître par l’anacarde et l’Amandier
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Dimbokro et Toumodi: Ces localités veulent renaître par l’anacarde et l’Amandier

Dimbokro et Toumodi: Ces localités veulent renaître par l’anacarde et l’Amandier

Installé à une vingtaine de kilomètre de Dimbokro dans le village Diangokro sur l’axe Dimbokro-Bocanda, Kouamé Konan Adonis, la trentaine révolue possède une parcelle de 2 hectares d’anacarde. Malgré l’harmattan de ce mois de décembre, il ramasse délicatement les noix de cajou que les arbres fruitiers ont bien voulu laisser tomber. Kouamé Konan Adonis est aidé ce jour là dans sa tâche par ses jeunes frères,  Kouassi Charles Arnaud et Kondo Martial, tous deux élèves en congé au village.

Cette journée de travail est assez spéciale pour Adonis et ses petits frères. En effet, les noix de cajou qu’ils sont entrain de ramasser depuis tôt le matin sont les tous premiers fruits qu’ils récoltent de leur plantation.

« C’est le résultat de 3 années de travail sans relâche », explique avec un large sourire Kouamé Adonis. Sa joie est très largement partagée par son encadreur agricole, M. Brou Matthias--technicien supérieur de l’Anader et chargé du projet anacarde dans la localité-- qui, pour rien au monde n’a voulu rater ce jour. « Au départ, des personnes inconnues incendiaient les champs. Mais grâce aux différentes sensibilisations menées dans les localités sensibles, les choses commencent à entrer en ordre ». 

En effet, sorti du circuit scolaire depuis des années et résidant dans son village Diangokro, Kouamé Konan Adonis, s’est mis à la culture de l’anacarde.

Comme lui, ils sont nombreux les jeunes de la région du N’zi Comoé et des régions voisines à se lancer dans la culture de la noix de cajou.

Comment ont-ils pu accepter de faire de l’anacarde quand on sait que la région est accoutumée aux cultures du café et du cacao.

L’introduction de la culture dans la région du N’zi-Comoé a été possible grâce à une action conjuguée des structures spécialisées du monde agricole telle que l’Anader, les autorités politiques administratives et certaines bonnes volontés.

Dans le département de Dimbokro, c’est en 2003 que l’Anader a décidé d’introduire la culture dans la région, a commencé par une sensibilisation des populations sur les biens fondés de cette culture. Les responsables de cette structure ont expliqué aux paysans que la culture de l’anacarde peut valablement remplacer le binôme café-cacao. 

« Ce n’était pas évident au départ. Surtout qu’en pays Baoulé, dans l’esprit de nos parents, les cultures qui vaillent la peine d’être menées sont le café et le cacao », indiquent-ils. M. Konan Kouadio très connu dans la région sous l’appellation « Badjè » ne dit pas autre chose quand il explique qu’il a du sillonner tous les villages du département de Dimbokro à ses propres frais pour demander aux populations de s’investir dans la culture de l’anacarde.

Pour mieux faire porter son message il s’est focalisé sur les jeunes. « J’ai commencé mes tournées dans la région en 2000. En tant que scout, précisément, commissaire régional Laïc du N’zi-Comoé, je me suis intéressé à mes éléments », précise-t-il. Avant de révéler que pour être plus convainquant vis à vis de ces interlocuteurs et donner l’exemple, il a lui même crée 6 hectares d’anacardes dont au moins 4 sont rentrés en production depuis quelques années.

Cette année, il est déjà, à plus d’une  tonne de noix de cajou de production. Alors qu’il n’a pas encore fini de récolter ses champs situés à Boré, son village localisé à une trentaine de kilomètre de Dimbokro. Pour cette première vente « Badjè » peut s’en tirer à ce jour  avec à peut-près 200000 Fcfa. « Je ne suis qu’en début de production », s’écrit-il avec joie.

Il avance que le meilleur argument qui milite en faveur de la culture de l’anacarde, c’est qu’on n’a pas besoins d’assez de moyens financier pour commencer. En effet, pour un hectare de plantation, il faut 2 kilogrammes de semence sélectionnée. Alors que le coût du  kilogramme de graine est 1700 Fcfa.

En clair, avec la somme de 3400 Fcfa, on a une plantation d’un hectare.

Les autorités administratives et politiques ne sont pas restées en marge des différentes campagnes de sensibilisation.

Résultats de toutes ces démarches, ce sont, selon le technicien de l’Anader, M. Brou Mathias, 377 hectares dont 100 en début des productions enregistrées en trois ans dans le département de Dimbokro. L’Anader a introduit dans la région de nouvelles varitées.

Il s’agit selon le technicien de l’Anader du ‘’Jumbo ‘’, une plante sélectionnée qui se caractérise par sa grosse amande. « L’amande renferme plus d’huile. Sa production à l’hectare est en moyenne de 2,5 t/hectare. Tandis que l’ancienne variété ‘’canarie’’ introduite en Côte d’Ivoire sous la colonisation est de 1,5 t/hectare », indique-t-il.

Il a précisé que le Jumbo existe déjà dans le nord de la Côte d’Ivoire et a déjà fait ses preuves sur le terrain. C’est donc dans la station de recherche de Tafiéré que les techniciens de l’anader chargés d’encadrer cette culture dans le N’zi-Comoé et les régions environnantes vont s’approvisionner en graines sélectionnées pour les paysans.

M. Brou Mathias, pense que dans un avenir très poche la culture de l’anacarde va se développer dans la région. Il explique qu’en plantation industrielle l’anacarde à une vie moyenne de 70 ans et 120 ans en plantation villageoise. « A partir de 10 ans, la production peut doubler et à 30 ans elle tend à tripler.

Cependant il faut un bon entretien », souligne-t-il. Avant de préciser que le bon entretien comprend l’élagage des branches mortes, faire l’éclaircie des plants touffus, il faut 100 pieds par hectares. Mais il faut surtout faire des par feu de 5 à 10 mètre autour des plantations.

Le préfet de région du N’zi Comoé M. Auguste Tahan lui est très confiant pour le développement de cette culture pérenne dans sa circonscription.

Qui selon lui, « n’est pas entouré de tabou, ni d’interdit au plan local ». Pour lui, il faut un moment de patience afin que tous ceux qui observent encore voient les résultats obtenus par les devanciers. 

Stimuler par les résultats obtenus en si peu de temps et l’implantation d’une usine de transformation d’anacarde dans la région, les producteurs vont se mettre ensemble pour créer la Coopérative des producteurs d’anacarde de Dimbokro (Coopradi).

Selon le président de cette structure M. N’goran Koffi Séraphin, la structure comprend plus de 500 producteurs.

Les responsables de la Coopradi indiquent que pendant la campagne de commercialisation de l’année dernière ils ont écoulé 530 tonnes. Ils sont conscients que comparativement aux régions de Bondoukou et du grand nord, ils ont une petite production. Cependant il compte l’accroître dans les années avenir.

C’est pourquoi, il n’hésite pas à avancer, « Nous ambitionnons de faire de la région du N’zi Comoé la boucle de l’anacarde. Selon les responsables de la coopérative, la localité de Bonguera dans le département de M’Bahiakro est à ce jour la plus grande pourvoyeuse de la région en noix de cajou.

Mais en attendant, les producteurs du N’zi Comoé peuvent se réjouir de la qualité des noix de cajou produite. Selon les experts en la matière, la région a une des meilleures noix du pays. « La qualité produite à Dimbokro se situe entre 48 et 49. Ce qui nous positionne sur le plan de la qualité juste derrière Bondoukou », révèle le président de la Coopradi, M. N’goran Koffi Séraphin.

De fait, la qualité de la noix de cajou est classée en trois étapes. Il y a le ‘’grade 51’’. C’est la qualité meilleure. Le ‘’ grade 42 ‘’, c’est la qualité moyenne et entre ‘’les grades 35 et 32’’, c’est la mauvaise qualité.

 

Les pionniers de l’anacarde à Dimbokro

 

Dans la région du N’zi Comoé il y a deux types de planteurs. Il y a ceux qu’on peut appeler la nouvelle génération de producteurs constituée en majorité par les jeunes autochtones et ceux qui ont cru en cette plante il y a des décennies.

Ces pionniers de l’anacarde sont localisés principalement dans la ville de Dimbokro. Ils sont en majorité leur exploitations de l’autre côté du fleuve N’zi sur la route Tiémélékro. Certains en une seule récolte ont plus de 5 tonnes.

C’est le cas des champs du vieux Tinni. D’un âge très avancé, ses parcelles sont gérées de façon quotidienne par son fils Adamou Tinni. Mais le vieil homme suit de très près ses champs. Il en a trois dont l’ensemble peut couvrir une superficie de plus de 10 hectares. Malgré son état de santé très précaire, le vieux Tinni est toujours dans ses plantations pour encourager ses enfants au travail.

« L’anacarde est un produit d’avenir. J’y ai cru depuis plusieurs années », explique-t-il dans un Baoulé très correcte. C’est qu’il est installé dans la région depuis la période coloniale. Son fils Adamou, lui est très préoccupé par l’organisation de la filière. Afin que les producteurs puissent tirer un meilleur profit de leur travail.

Le vieux Aldji Hassane Garba de la même génération que M. Tinni se souvient comme si c’était hier des railleries de certains de ses compatriotes, « Quand j’ai commencé la culture de l’anacarde dont les premiers plants ont plus de 20 ans aujourd’hui les gens se moquaient de moi. Pour eux, c’est de l’argent que je jetais en brousse ». Avant de souligner qu’il a fallu être endurant pour ne pas être découragé.

Il raconte que sa première production était de 2 tonnes. Après avoir convoyé sa production sur Abidjan. Il s’est retrouvé sans acheteur. Il a dû retourner sur Dimbokro avec sa marchandise.  Mais il ne s’est pas pourtant découragé. Car l’anacarde est un produit qui peut se conserver dans de bonne condition sur 2 ans.

A côtés des producteurs sus-cités  il y a plusieurs gros producteurs d’anacardes de la région du N’zi-Comoé que sont entre autres Aladji  Seydou Diamténé et  Traoré Brahima.

La spécificité de ses gros producteurs c’est qu’ils mettent leur expérience au service des jeunes producteurs. Ils sont des éléments très importants de la jeune coopérative Coopradi.

En plus des difficultés rencontrées par l’ensemble des acteurs du N’zi Comoé, les gros producteurs de Dimbokro installés non loin de ville font l’objet de vols de production. « Depuis que l’anacarde est devenue un produit commercial très important nos plantations sont visitées nuitamment par les voleur », raconte Adamou Tinni.

Il a souligné qu’armer de torche ou de lampe tempêtes, les voleurs vont ramasser les noix. Certaines noix qui ne sont pas encore tombées. « Alors que pour un produit de qualité, il faut laisser les noix tombées d’elles-mêmes », se plaint-il.

 

Freiner l’exode rural par l’anacarde

Freiner l’exode rural dans la région du N’zi Comoé à partir de la culture de l’anacarde. Telle est la grande ambition qu’affiche la coopérative des producteurs d’anacarde de Dimbokro (Coopradi).

Pour le président N’goran Koffi Séraphin, la région du N’zi-Comoé a longtemps souffert du déplacement de la boucle du cacao. Aujourd’hui avec la culture de l’anacarde qui n’exige pas de forêt. « Il nous faut nous battre afin que nos parents comprennent que le café et le cacao ne sont pas seulement des cultures qui peuvent permettre au paysans de vivre décemment ».  Faut stabiliser dans un premier temps nos bras valides dans la région et par la suite ramener nos frères des zones forestiers qui sont menacés. », ce sont là, les ambitions qu’affichent la Coopérative des producteurs d’anacarde de Dimbokro (Coopradi). Cette ambition est partagée par les autorités politiques, administratives et nombre de cadres de la région.

Dans son plan de développement agricole du département, le conseil général de Dimbokro a retenu, outre les cultures  vivrières, la culture de l’anacarde et de l’amandier des tropiques appelés communément ‘’Kokoma’’.

Au nombre des avantages à cultiver ces ‘’deux nouvelles spéculations’’, le conseil précise que la demande de ces deux produits existe. « La production de la région est très largement en deçà des besoins en anacarde de la société Olam installée à Dimbokro », soutient M. Konan Kouadio dit « Badjè », un acteur très important de l’anacarde dans la région du N’zi-Comoé.

Ainsi la demande de l’amande des tropiques est encore insatisfaisante, le rendement moyen est de 1,5t par hectare et par cycle. Il y a 4 cycles dans l’année. L’amandier et l’anacardier sont des arbres, leur culture reconstitue le patrimoine forestier.

Dans la localité de Toumodi, le conseil met aussi un point d’honneur sur le binôme Anacarde-amandier.

Dans ces localités, les autorités croient dur comme fer qu’une fois la culture de ces deux plantes encrer dans les habitudes culturales de la région l’exode des populations vers l’ouest forestier va s’estomper. « Nous croyons que dans les 15 années avenir nous allons observer une nouvelle tendance. En effet, nos frères vont revenir en très grand nombre dans leur zone d’origine », soutien Dr Kouadio Daniel, un cadre de la région.

Il a précisé que si cette politique se déroule à merveille, les crises foncières meurtrières entre les populations allogènes ivoiriennes et autochtones forestiers vont régresser de façon drastique.

Le décorticage, une nécessité

 Il faut produire de l'amande pour sécuriser le débouché. Il reste que le marché de la noix brute, que ce soit au niveau national ou international, est incertain. En effet, il n'existe pas de prix mondial de référence pour la noix brute, et ce, d'autant plus que toute caractérisation du produit est difficile à établir: la taille et la qualité des noix n'a pas de correspondance rigoureuse avec la taille et à la qualité des amandes.

Le marché est hautement spéculatif. Et ce, dans la mesure où le produit n'est pas aussi périssable que d'autres, il se prête, comme d'autres matières premières, à un jeu spéculatif qui ne fait pas toujours le bonheur des spéculateurs et des producteurs eux-mêmes.

Aujourd’hui, l'Inde, qui absorbe près de 90 % des exportations africaines de noix brute s'est engagée dans un vaste programme de plantation qui risque de la rendre auto-suffisante dans quelques années.

Il est donc urgent de développer le décorticage de l'anacarde en Côte d'Ivoire et d'exporter vers le marché européen. Qui est, pour l'instant, approvisionné par des noix africaines décortiquées en Inde pour être réexportées vers Rotterdam.

L'intérêt du décorticage est qu'une fois mise sous vide, l'amande extraite de la noix est référencée selon des grades précis. Elle peut être stockée si nécessaire, donnant ainsi une force de négociation supplémentaire. Cette transformation du produit apporte une valeur ajoutée supplémentaire et la création d'emplois, principalement pour les femmes.

Selon les spécialistes pour s'engager dans la voie du décorticage, deux options sont possibles. Il s’agit de la voie artisanale et la voie industrielle. Cependant l'utilisation de la technique dite « indienne » est beaucoup plus appropriée au contexte local ivoirien qu’aux systèmes européens trop sophistiqués et coûteux.

Au niveau industriel, deux entreprises privées, ont investi dans le décorticage, mais avec des stratégies pas suffisamment cohérentes et coordonnées pour pouvoir réellement percer sur le marché européen.

Toujours selon les experts, il y a la place pour au moins 10 unités industrielles en Côte d'Ivoire.

 

L’AMANDIER À TOUMODI

Si l’anacarde connaît un très grand engouement dans le département de Dimbokro, à Toumodi, c’est l’amandier des tropiques ou ‘’kokoma’’ qui motive le plus les populations. En tout cas, les responsables politiques de Toumodi veulent véritablement développer l’amandier dans le département.

Le président de l’Union des sylviculteurs de Côte d’Ivoire, Fofana Abdoulaye originaire du département, lui veut faire de Toumodi la plus grande zone de production d’amandier des tropiques. Pour réussir sa mission, il a distribué des semences dans les 91 villages du département ou il a un représentant.

Selon lui la sylviculture est un métier très rentable. « C’est un métier d’avenir », indique-t-il. Avant de révéler que l’amandier des tropiques est un arbre à revenus immédiats. Il entre en production à partir de la troisième année.

Aujourd’hui pour la promotion de la sylviculture une structure ivoirienne a été mise sur pied. Il s’agit de la Sodeca. Elle achète le kilogramme bord champ à 415 Fcfa. L’huile d’amandier des tropiques se négocie à  ce jour à 55.000 Fcfa le litre sur le marché.

Selon M. Fofana Abdoulaye il n’y pas de problèmes pour l’écoulement de l’amandier des tropiques en Côte-d’Ivoire. Pour vendre ses produits il faut s’adresser à la Sodeca.

Plusieurs métiers sont rattachés à la culture de l’amandier des tropiques. Après une cinquantaine d’année d’exploitation, les bois de l’amandier peuvent être vendus aux bûcherons et charbonniers. Bien développée, l’amandier peut reverdir la nature, améliorer la pluviométrie et réduire la poussière etc.

Aujourd’hui, en attendant le projet clé en main du conseil général de Toumodi, ce n’est pas encore la grande bousculade pour la sylviculture dans le département. Cependant ils sont nombreux ceux qui se ‘’jettent à l’eau’’. Selon le président de l’association des sylviculteurs de Côte d’Ivoire, ils sont déjà 200 personnes à s’intéresser à la culture de l’amandier des tropiques dans le département de Toumodi pour 300 hectares. « Mais dans le grand V Baoulé il y a plus de 1000 hectares d’anacardier », relève M. Fofana Abdoulaye.

 

Arsène Kanga

Correspondant