La saga des microbes

Les "microbes"
Les "microbes"

La saga des microbes

La saga des microbes

Disons vrai. Au début du fléau, on a tous cru qu’il s’agissait d’un épiphénomène. On s’est tous confortés à l’idée que malgré notre crise décennale et son appendice post-électoral, nous demeurions toujours des femmes et hommes pacifiques, n’aimant pas vraiment la violence. On a donc tremblé face aux dénommés microbes en nous disant qu’ils feraient long feu. Que ces gosses dont certains ont des boutons de puberté et des muscles n’ayant pas encore atteint leur vitesse de croissance, se lasseraient de leur propre violence. Que ces gamins finiraient par être bourrelés de remords face au sang qu’ils font couler et à la terreur qu’ils inspirent à leurs victimes. Mais ils continuent de blesser et tuent à visages découverts.

En groupe de 10, 15, 20 ou plus. Pour de la camelote ou un billet de banque. Dans le fond, nous regardons toujours le mal comme étranger à la « Côte d’Ivoire bénie de Dieu ». Quand nos enfants, conscients de leur propre capacité de nuisance, se baptisent du nom de germes à la dangerosité avérée pour nous indiquer clairement leur détermination à en découdre avec nous, nous faisons le dos rond, en attendant que l’orage passe. Hélas, il n’est pas passé et comme nous le craignions dans ces mêmes colonnes, le fléau s’est intensifié et s’est propagé hors d’Abobo où il avait commencé. Aujourd’hui, des microbes plus nuisibles que leur sobriquet sévissent à Cocody (dans sa partie frontalière avec Abobo), à Adjamé et surtout à Attécoubé; et il faut encore craindre la contagion d’un plus grand nombre de communes si rien n’est fait dans les meilleurs délais.

Dans la commune d’Attécoubé, la population a décapité un microbe. Dans cette même commune, l’on assiste à des règlements de comptes entre microbes qui s’entretuent poussent la témérité jusqu’à s’attaquer aux…commissariats. Que faire maintenant ? Reconnaître froidement d’abord que l’apathie des parents, l’indifférence ou le peu d’empressement des officiels et le manque d’attention ont fait le lit de ce gangstérisme. Savoir ensuite que les microbes sont un effet collatéral de la “ résistance’’ d’Abobo- Anyama et du commando invisible. Les adolescents ayant participé aux affrontements ou même assisté aux attaques récurrentes de leurs quartiers n’ont pas eu de suivi psychologique après la crise et il n’y a pas eu de catharsis collective. Enfin, concevoir des programmes d’urgence pour les jeunes déscolarisés et ceux n’ayant pas fait l’école.

Chez les jeunes délinquants ou prédélinquants et en nous référant aux études d’Yves Marguerat, géographe à l’Office de la recherche scientifique et technique d’outre-mer (Orstom), les retards et les échecs scolaires sont très importants et un grand nombre de ces jeunes sont sans activité déclarée. Ils proviennent essentiellement des quartiers les plus populaires et le tableau qu’ils représentent est celui d’une population d’origine urbaine mais nettement sous-intégrée à la société globale. Ils sont, en général, plus proches de la population moyenne, en position de marginalité (surtout par déscolarisation et dislocation des familles) mais non de ruptur; certains parmi eux sont des soutiens pour leur famille. C’est donc les familles qui doivent être à l’avant-garde du combat de la délinquance juvénile.

Par OUMOU D.