Les enfants d’Esculape
Les enfants d’Esculape
Si vous êtes devant une pharmacie, vous verrez un curieux symbole composé d’un serpent qui s’enroule autour d’une coupe, la coupe d’Hygie. Sur le macaron de la voiture du médecin ou à l’en-tête d’une ordonnance médicale, vous verrez le même serpent enroulé autour d’une baguette. Ce fameux reptile, qui n’a absolument rien à voir avec le serpent de la Bible, n’est autre que celui d’Asclépios. Et ce symbole est appelé le caducée d’Asclépios (à ne pas confondre avec le caducée d’Hermès). Il représente l’emblème universel des professions médicales.
Mais qui donc est cet Asclépios que les Romains vénéraient sous le nom d’Esculape ? Il était fils d’Apollon qui, à la mort tragique de sa mère, le confia au centaure Chiron auprès de qui il apprit l’art de composer des simples et fabriquer des remèdes. Il eut une telle maîtrise de cet art que, bientôt, il réussit à guérir les malades, et mieux, à ressusciter les morts. Alors Hadès, le dieu des Enfers, s’inquiéta puisque son royaume se clairsemait dangereusement. De plus, avec ces guérisons miraculeuses qui sonnaient la victoire sur la mort, c’est l’ordre même de la nature qui en était troublé.
Alors Zeus, Dieu de l’Ordre, décida de foudroyer le médecin zélé. Même mort, Asclépios eut droit aux honneurs divins et les infirmes, les aveugles et les malades remplissaient ses sanctuaires pour avoir la guérison ou apaiser leurs souffrances. Asclépios leur apparaissait en songe et leur révélait le remède idoine. Ce dieu de la Médecine avait pour emblème le serpent, symbole du renouvellement et de la régénérescence puisque, comme on le sait, ce reptile change de peau chaque année. Asclépios transmit surtout ses dons miraculeux à ses enfants qui formèrent plus tard la confrérie sacerdotale des Asclépiades, et surtout à sa fille Hygie (d’où hygiène), déesse de la Santé.
Cette histoire, il faut toujours la rappeler à ceux qui l’auraient oubliée, ou l’enseigner à ceux qui ne l’ont jamais sue, en guise d’introduction à une éthique médicale. A vous qui exercez dans le corps médical : sages-femmes, infirmiers, pharmaciens, médecins ; vous qui avez reçu la révélation et la grâce de la vertu médicinale ; vous vers qui l’homme faible, malade, abandonné, avili, brisé se tourne pour renaître, se régénérer ; souvenez-vous de qui vous êtes! Les Asclépiades, les enfants d’Asclépios ! Celui qui avait donné sa vie en sacrifice pour guérir l’homme et le soulager de sa souffrance ! Vous n’avez pas le droit de déshonorer votre art sacerdotal et divin. Vous avez le devoir, dans les Chu, hôpitaux et cliniques, d’être pour le faible, le malade et l’indigent, un refuge et une forteresse, un recours et un secours.
Ce serpent qui vous inspire en silence symbolise l’activité du voyageur universel qui va partout, à la Riviera comme à Abobo derrière-rails, apporter et éprouver sa science. Parce que partout, c’est l’homme, un autre vous, qui vous appelle, parce qu’il a besoin de votre secours pour retrouver la vie et la vigueur du serpent qui a fait sa mue. Et ce bâton autour duquel s’enroule ce serpent n’est autre que l’arbre de vie. La vie de l’homme, voilà ce que vous avez le devoir de préserver. La vie humaine est sacrée. Un malade n’est pas un client ni un danger. Un malade est un homme dont la vie est en danger. S’il la perd, cette vie, il la perd pour de bon. Sans possibilité de revenir pour une deuxième tentative. Ceux qui croupissent dans les sinistres couloirs des Urgences et qui souffrent davantage de vous voir les traiter comme des animaux parce qu’ils n’ont pas d’argent à vous offrir pour arrondir vos fins de mois n’ont pas d’autre recours que vous ; et si vous les regardez bien dans les yeux, leur regard impuissant vous dit : « Sauve-moi, enfant d’Esculape ! Sauve-moi ! »
Le serment d’origine d’Hippocrate commençait ainsi : « Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée …. » et se terminait ainsi: « Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire et mourir dans la tristesse. »
A notre sœur Awa Fadiga et à toutes les âmes qui ont bu à son écuelle la bouillie amère de la méchanceté !
Par le Dr. YODÉ SIMPLICE DION