Devoir de reconnaissance
Devoir de reconnaissance
Un pays se construit souvent dans une vision et dans la grandeur des actes. Ce sont celles-ci qui font parler les bâtisseurs même après qu’ils ont été rendus au silence éternel. Mais les bâtisseurs ne sont pas uniquement ceux qui érigent des gratte-ciel narguant les voûtes célestes ou des ponts larges comme ceux supposés conduire au paradis. Les bâtisseurs sont aussi ceux qui, par leur détermination et l’amour pour le métier qu’ils ont choisi, marquent notre vécu du sceau de leur originalité.
Alors que certains sont des collectionneurs de fanions de sport et d’autres en quête permanente d’éloges, son addiction à lui, ce sont les plantes. Le compositeur de la bibliothèque des plantes (22 250 espèces végétales), unique en Afrique, est un Ivoirien. Un homme qui a consacré l’essentiel de sa vie aux végétaux. Le père du crotonogynopsis akeassii, plante qui lui doit d’être encore en vie, auteur d’un Vidal de l’Afrique (l’Abrégé de médecine pharmacopée africaine)s’appelle Laurent Aké Assi. Il est Professeur et dispense encore son savoir à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Ce géant que la Côte d’Ivoire a le bonheur de compter parmi ses fils a mis sa maison à la disposition de la science.
Pour que les plantes aient une demeure, se sentent chez elles et continuent d’avoir des racines sur les ailes du temps. Cette maison, gracieusement offerte à la science, à la Côte d’Ivoire et au patrimoine végétal mondial a urgemment besoin d’attention, de rénovation. Il serait incorrect qu’après les travaux entrepris dans nos Universités, l’on ne revête pas cette bibliothèque exceptionnelle des parures qui lui conviennent.
Une grande dame
D’elle, on est comme en panne de superlatifs pour donner une esquisse du travail formidable qu’elle élabore au quotidien. Werewere-Liking, l’artiste multidimensionnelle (je ne veux pas me risquer à décliner ses grades et qualités) a, elle aussi, choisi d’ouvrir sa demeure à tous les aspirants artistes pour en faire des vrais. Ici, en Côte d’Ivoire, la patrie de son cœur et de ses œuvres. Le ‘’village’’ de notre prix Noma 2005 a besoin d’être achevé, mieux, agrandi. Ce centre de formation a déjà donné à notre pays des artistes de renommée internationale; et, il serait opportun de manifester notre reconnaissance à cette grande dame en l’aidant à bâtir sa Fondation qui pâtit des travaux annexes du troisième pont en construction.
Dans la grisaille quotidienne où il y a comme une éclipse des repères, je voudrais rappeler ces mots de la prêtresse du Kiyi-M’Bock dans une interview accordée au journal Aminaen 1983: « Je crois que s’il y a de moins en moins de ‘’grands hommes’’ dans cette Afrique-là, c’est parce que la femme n’y joue plus son rôle. Si elle refusait la médiocrité, si elle n’acceptait pas les traîtres, les lâches ; si les larves n’étaient pas investies rois dans sa couche, on n’assisterait pas à leur prolifération comme c’est le cas de nos jours. »
Des personnes valeureuses, il en existe. Des Professeurs Aké et des Werewere-Liking, il y en a. Même si dans la discrétion de l’élaboration des œuvres majeures, elles ne sont pas toujours celles qu’on voit le mieux. Les bâtisseurs, ce sont ces instituteurs, infirmiers, sages-femmes et autres travailleurs infatigables, de Mahou-Sokourala, Zaïpobly, Ando-Kékrénou, Béago, Blolé, etc., qui s’échinent à faire du quotidien des habitants de ces communes rurales, un quotidien arrimé à l’espérance des lendemains où l’essentiel n’est pas un horizon toujours...reculant. Des instituteurs qui peinent quelquefois à avoir une boîte de craies, des infirmiers et sages-femmes qui ont oublié ce que c’est qu’une bouteille d’oxygène, mais qui sont toujours à la tâche. Avec abnégation. Ce sont ces bâtisseurs - là - et d’autres - qui méritent la reconnaissance de la Nation, notre devoir de reconnaissance.
Par Oumou D.
oumou.dosso@yahoo.fr