Sambè sambè

Sambè sambè

Sambè sambè

Ce n’est ni une formule magique ni un nom d’oiseau. C’est l’expression consacrée pour souhaiter les vœux de bonne année. Je me souviens, enfants, nous allions, mes cousins et moi, après les ripailles du Ramadan ou de la Tabaski, de porte en porte, dire notre « sambè sambè » aux voisins et amis de la famille. Je précise bien aux voisins et amis de la famille.

Notre mignonne et endimanchée bande, dans une belle déclamation, chantait: « Qu’Allah vous bénisse, vous accorde la longévité, la santé, beaucoup d’argent et exauce tous nos vœux ». En général, cette promenade nous rapportait quelques friandises ou piécettes. Aujourd’hui, le spectacle que les enfants livrent, aux mêmes occasions, ici à Abidjan, n’est pas beau ; pour ne pas dire plus. Le phénomène a commencé par une affluence massive au zoo. C’était bien. Le grand singe amaigri trouvait l’occasion de faire ses grimaces devant un public acquis à sa cause et l’unique spécimen auquel nous empruntons notre emblème pouvait barrir de tout son soûl sous les acclamations nourries de bambins fiers de l’avoir sur la photo souvenir.

Mais même là déjà, les interminables files indiennes sur un chemin emprunté par nos chauffeurs-cascadeurs de minicar avaient de quoi faire monter l’adrénaline.

Maintenant, les gamins veulent voir des images ‘’in’’ et avoir des espèces trébuchantes. Une fontaine d’où l’eau jaillit ‘’comme ça’’,une machine qui fabrique du maïs soufflé à la minute, un machin qui vous met en haut d’un bâtiment sans que vous ayez à monter de pénibles marches et aussi la possibilité de voir des stars. En vrai. Alors, les lieux de « sambè sambè » sont les supermarchés fréquentés par des personnes censées avoir le portefeuille bien fourni. Il ne s’agit plus, aujourd’hui, de parents chez qui l’on va chercher une obole ou un bonbon. Tout le monde est accosté, sollicité et harcelé. La fête est le prétexte et les enfants sont des mendiants professionnels devenus.

Parés de leurs habits de fête et à cent lieues de chez eux, ils se déversent partout. On les voit courir sur la chaussée, sonner aux portes de parfaits inconnus, se perdre dans les quartiers, être conduits au commissariat (pour les plus chanceux) ou être le sujet des avis et communiqués de disparition, etc. C’est vilain et c’est déshonorant !

Un supermarché de Cocody, m’a-t-on renseigné, a dû baisser les rideaux face à l’invasion de ces petits grands mendiants de saison. La veille, ils se seraient lavés les mains dans la fontaine pour bien s’assurer que ce n’était pas qu’une illusion d’optique. Ensuite, ils auraient, pour les plus gentils, confisqué l’ascenseur par mille allers-retours.

Enfin, les garnements auraient organisé des tranches du célèbre jeu de cache-cache ‘’solé’’ dans les rayons. Agaçant clients et propriétaires des lieux. Depuis, la semaine incluant l’une des deux fêtes (Ramadan et Tabaski), la sécurité est renforcée et les vigiles ont pour mission d’éviter que de telles scènes se reproduisent. Mais même avec ces précautions, de petits malins arrivent à se faufiler pour atteindre le saint lieu et reproduire le spectacle désolant.

Alors, je fais la proposition suivante : que les parents de ces mômes organisent des randonnées qu’on pourrait baptiser « tour spécial sambè sambè » qui  commenceraient par le zoo, iraient ensuite dans un supermarché comprenant fontaine, ascenseur, escalier roulant, cinéma, machine à cuire du pop-corn et enfin regagneraient sagement la maison. Cela aura l’avantage de ramener les enfants sains et saufs, de s’assurer qu’ils ne tendent pas la main et, en plus, on pourrait négocier, vu la clientèle qu’on convoie dans ces endroits, des tarifs préférentiels. Il ne serait pas mal non plus que les communes elles-mêmes se dotent d’un minimum d’infrastructures pouvant faire rêver des bambins en mal d’inédit.

Par Oumou D.

oumou.dosso@yahoo.fr