Thierry Coffie, secrétaire général du Comici: "Le combat que nous menons vise à revisiter les fondements de l’esthétique africaine"

Thierry Coffie, secrétaire général du Comici.
Thierry Coffie, secrétaire général du Comici.
Thierry Coffie, secrétaire général du Comici.

Thierry Coffie, secrétaire général du Comici: "Le combat que nous menons vise à revisiter les fondements de l’esthétique africaine"

Le 23/07/25 à 13:35
modifié 23/07/25 à 15:27
Neutralité du jury, fiabilité du vote public, influence et vision du Comici. Le secrétaire général de Miss Côte d'Ivoire fait le grand déballage.
L’élection de la Miss Côte d’Ivoire 2025, le samedi 28 juin, a été suivie d’une violente polémique sur les réseaux sociaux. Une victoire qui n’a pas plu à tout le monde. Beaucoup estiment, en effet, que Fatima Koné, 23 ans, n’incarne pas pleinement les canons de beauté d’une Miss Côte d’Ivoire. Quelle est votre appréciation sur cette polémique ?

Depuis l’avènement des réseaux sociaux et surtout de leur grande popularité, la polémique s’est accrue largement. Depuis 2020, à chaque élection de Miss CI, c’est pratiquement la même rengaine jusqu’à ce que les populations finissent par apprécier leur miss élue. Pour rappel, Miss CI 2020 avait essuyé une violente campagne sur les réseaux sociaux, qui s’est terminée comme elle était née. En 2021, nous avions été taxés d’avoir ‘’choisi’’ Olivia Yacé en raison de son rang social, avant que curieusement ce même public tente de nous inventer des divisions ! La jeune et belle Marlène Kani n’a pas échappé à cette ire populaire avec ses cheveux courts ! Aujourd’hui, le grand public la réclame à cor et à cri pour participer à une compétition internationale !!! Que dire de tout ceci ?

Quels sont les critères d’évaluation qui ont valu à Fatima Koné d’être élue Miss Côte d’Ivoire 2025 ?

Les critères de cette année n’ont de spécificités par rapport aux autres années, en dehors des cheveux exclusivement naturels et l’âge des candidates repoussé à 28 ans. Concernant le résultat, il est la compilation d’un simple calcul médian entre trois notes : la note de préparation attribuée par l’encadrement et les partenaires au renforcement compte pour 20%. La note attribuée par les jurés pour 40%. Et enfin, le vote du public qui compte également pour 40%.

Face aux critiques sur le physique de la lauréate, pensez-vous qu’il existe une fracture entre l’image que certains se font de la « Miss idéale » et les valeurs que vous défendez au sein du concours ?

A mon avis, le problème ne vient pas de là du tout. Le grand public a largement reconnu que les candidates étaient généralement très belles avec leurs cheveux naturels. La Miss a un visage très typé et avait arboré une coiffure très stricte et elle ne laisse personne indifférent ! Il y a autant de personnes qui la défendent que ceux qui l’attaquent. Par contre, il est intéressant de noter que pour beaucoup de personnes, la beauté féminine doit être forcément agrémentée de postiches et autres artifices empruntés à d’autres cultures. Cet aspect fragilise nombre de Miss africaines qui n’arrivent pas à briller sur la scène internationale. Le combat que nous menons est très profond puisqu’il vise à revisiter les fondements de l’esthétique africaine et nous pensons avoir réussi à remettre en question cette problématique d’identité propre à nos valeurs et origines ! Le constat de l’appréciation du niveau général des candidates 2025 en atteste. Vous verrez très bientôt une grande évolution dans cette perception. Même dans la rue, nous voyons de plus en plus de femmes qui osent revenir à leurs cheveux naturels. C’est un réel progrès.

Vous avez mentionné une phase de préparation renforcée qui entre pour 20% dans la note finale. En quoi consiste-t-elle concrètement ?

Au cœur de cette note qui existe depuis 1997, se trouve l’évaluation des tests psychologiques, de vocabulaire et de personnalité ainsi que d’un niveau de logique mathématique. Cette disposition existe depuis très exactement la même année que la participation du public au vote en ligne avec la société Wassi Technology. Nous avions été les tout premiers à innover en la matière. Ainsi, le seul changement apporté cette année réside dans les pourcentages relatifs. Avant, c’était approximativement 25% public et 75% jury + préparation. Le seul changement de cette année est d’avoir augmenté le taux du public de 25 à 40%. À part cela, rien n’a changé depuis 28 ans.

Comment mesure-t-on objectivement la qualité de cette préparation ? Existe-t-il un barème ou une grille d’évaluation ?

Cette grille d’évaluation est très simple à la base : les filles sont notées sur la même base que les jurés, à savoir de 5 à 10 pour chaque critère. Ensuite, il y a également la prise en compte des notes issues des tests réalisés par les psychologues assermentés du Comici qui sont des universitaires renommés : messieurs Antoine Tako et Fieni.

Vous avez déclaré dans la presse que Fatima Koné a largement remporté le vote du public. Pouvez-vous nous communiquer les chiffres exacts ou les pourcentages obtenus par les dauphines ?

Oui, les résultats étaient rendus publics par définition puisque chaque votant avait accès aux résultats en temps réel à compter de trois semaines avant la clôture qui s’est faite au retrait des membres du jury. Le cabinet du commissaire de justice, Lambert Tiacoh, a supervisé les résultats. Fatima Koné est arrivée en tête avec 31 789 votes tandis que Diane Gouano a totalisé 20 089 votes et enfin, la deuxième dauphine arrive loin derrière avec 2 151 votes. Les autres notes cumulées ont donné le résultat consolidé que l’on connaît.

Fatima Koné, Miss Côte d'Ivoire 2025, encadrée par Diane Gouano (1re dauphine à gauche) et Marie-Axelle Gbogou (2e dauphine).
Fatima Koné, Miss Côte d'Ivoire 2025, encadrée par Diane Gouano (1re dauphine à gauche) et Marie-Axelle Gbogou (2e dauphine).



Des voix s’élèvent également pour remettre en cause l’utilité des votes du public qui, pour beaucoup, relèvent plus d’un business entre le Comici et la société de téléphonie mobile qu’une vraie unité de mesure ?

Alors là, nous adorons ! Faisons ensemble un raisonnement Ab absurdo comme le diraient les latinistes. Si nous supprimions complètement le vote du public en vigueur depuis 28 ans, vous savez ce que le même public dirait ? Je vous propose une réponse : ‘’Bon maintenant on ne peut plus voter, c’est pas mieux Yapobi va choisir la Miss et puis, c’est fini !!!’’ Les Ivoiriens sont formidables quand même ! On augmente l’impact du public pour permettre au plus grand nombre de transformer les likes en clics au même prix qu’en 1997 (c’était pratiquement le même tarif il y a trois décennies) et on nous le reproche ? Je pense sincèrement que le grand public doit s’organiser à travers des clubs de soutien qui vont jouer le jeu à l’instar des activités en vigueur dans d’autres secteurs comme le sport.

Ne pensez-vous pas qu’un candidat qui ne mérite pas une place peut gagner parce qu’il aura mobilisé plus de moyens financiers pour se faire voter ? N’est-ce pas là une faiblesse du vote du public ?

La seule faiblesse du vote du public est le fait que les supporters doivent s’engager derrière leurs candidates de manière concrète ! Nous avons volontairement associé 26 régions de l’hinterland et 4 de la diaspora pour susciter ce soutien massif. Vous constaterez avec nous que l’année prochaine, les populations voteront largement pour leurs candidates régionales. Nous avons pour plan de les aider à se structurer via la Fondation Miss Côte d’Ivoire qui va encadrer leurs activités. Tout sera bien en place dès l’an prochain. Ne dit-on pas que Rome ne s’est pas bâtie en un seul jour ?

Que diriez-vous à ceux qui pensent que cette élection est « truquée » ou dictée par des intérêts extérieurs au concours ?

Ceux qui pensent que nous pouvons tricher devant nos propres sponsors (les membres du jury sont nos sponsors), je leur dirais de « caler en l’air », pour emprunter cette expression de nos jeunes qui fait beaucoup rire. Ce serait étrange que ceux-là mêmes qui financent le concours en grande partie, trichent collectivement.

Envisagez-vous une réforme du système de notation ou une amélioration du processus pour les éditions futures afin d’éviter ce genre de contestation ?

Comme chaque année, nous entrons au laboratoire pour améliorer ce qui peut l’être. Nous allons trouver des solutions pour mieux communiquer pour induire une meilleure inclusion de toutes les parties. Il se peut que nous changions légèrement les proportions entre les différentes notes mais sans grands changements de fond, car le système est déjà très bon, mais il faut juste que l’on communique encore plus.

Cette polémique remet-elle en question la légitimité de Fatima Koné ou, au contraire, renforce-t-elle votre conviction sur la nécessité de faire évoluer les mentalités ?

Absolument ! Il faut faire évoluer les mentalités dans plusieurs directions comme cela se passe dans tous les concours du monde entier. C’est de moins en moins la plus photogénique qui l’emporte mais de plus en plus la personnalité, le comportement et bien d’autres vertus qui sont prônées par les grandes compétitions internationales. Nous tentons de suivre avec nos 26 années d’expériences aux concours internationaux, les tendances pour mieux préparer nos jeunes filles. C’est d’ailleurs l’objet de la mise en place de l’incubateur d’excellence comme axe principal de la Fondation Miss Côte d’Ivoire qui est une émanation du Comici, qui s’emploie à développer et à approfondir l’action de notre organisation.

Aujourd’hui, quelle est la vision réelle du Comici pour Miss Côte ?

Le Comici est dans une démarche très positive : nous suivons une grande vision qui va hisser notre pays dans le firmament des grandes nations des compétitions de beauté. Depuis 2021, nous avons occupé le trône de l’Afrique avec Olivia Yacé. Nous avons reçu Miss Monde en 2022 ainsi que la présidente Julia Morley qui a assisté à l’élection en 2022.

Quelle est la prochaine étape que les populations de Côte d’Ivoire méritent ? Je vous laisse deviner. Nous savons parfaitement ce que nous sommes en train d’architecturer et nous atteindrons les objectifs fixés pour le plus grand bonheur du peuple de Côte d’Ivoire. Nous avons deux grands objectifs : remporter une couronne mondiale et organiser une compétition internationale de beauté de classe mondiale.

Quel message adressez-vous à la nouvelle Miss Côte d’Ivoire et à toutes celles qui aspirent à porter cette couronne dans les années à venir ?

Soyez vous-mêmes et prenez soin de toutes les caractéristiques inhérentes à votre nouveau statut. Soyez exemplaires et courageuses. La réussite durable a un nom : l’effort et le travail. Arriver au sommet n’est pas aussi difficile que s’y maintenir. Cultivez votre esprit, entretenez votre corps et soignez vos relations humaines pour promouvoir votre mandat. Préparez-vous dès maintenant pour les compétitions à venir ! Nous avons positionné le pays, à vous de faire la différence avec le soutien des populations. Rendez-nous fiers et faites briller notre pays, la Côte d’Ivoire.

Interview réalisée par



Le 23/07/25 à 13:35
modifié 23/07/25 à 15:27