Création durable en Côte d’Ivoire : Quand la culture devient moteur de croissance responsable

C’est ce que développe en profondeur le Dr Célestin Yao-Koffi, expert culturel, dans une analyse fouillée intitulée « Création durable en Côte d’Ivoire : état des lieux, perspectives et potentiel économique dans les arts visuels et la mode ».
Une notion enracinée dans le développement durable
Inspirée du concept de développement durable, la création durable vise à minimiser l’impact environnemental des œuvres, à valoriser les ressources locales, et à promouvoir l’inclusion sociale. La culture y est considérée comme un quatrième pilier du développement, aux côtés de l’économie, du social et de l’environnement, conformément à la déclaration de Mexico de 2010 portée par CGLU.
La Côte d’Ivoire connaît une effervescence créative dans les arts visuels et la mode, à l’image d’une jeunesse engagée, connectée et culturellement fière. Le pays, désormais classé parmi les dix premières destinations africaines les plus attractives en termes d’investissements directs étrangers selon Sika Finance et Business Insider Africa, représente un marché prometteur pour les industries culturelles durables.

Arts visuels, entre récupération et innovation
Mais, comme le souligne Dr Yao-Koffi, beaucoup d’acteurs culturels ignorent encore la portée de cette démarche. Il devient donc urgent de sensibiliser et de structurer l’écosystème afin de transformer cette opportunité en richesse économique.
Des artistes tels que Jems Koko Bi, Armand Boua, Jean Servais Somian, Yéanzi ou Pascal Konan illustrent cette mutation. Ils transforment bois mort, plastiques fondus, cartons et e-déchets en œuvres puissantes, engagées et à forte valeur ajoutée. Leurs créations circulent dans les grandes biennales, galeries et collections internationales, générant revenus, visibilité et fierté nationale. Ils démontrent qu’une économie circulaire artistique est non seulement possible, mais compétitive à l’échelle mondiale.

Mode ivoirienne, de l’esthétique à l’économie responsable
Dans le secteur de la mode, des figures telles que Loza Maléombho, Pathé’O, Michèle Yakice ou encore Lafalaise Dion illustrent avec brio la possibilité de conjuguer identité, durabilité et rentabilité. Que ce soit par le recours à des matériaux locaux, des techniques ancestrales ou des modèles de slow fashion, ces créateurs prouvent que la mode peut être un vecteur d’inclusion, de formation, d’exportation et d’innovation. Le centre textile communautaire créé par Yakice à Montezo ou l’impact international des créations de Lafalaise Dion sont des exemples concrets de cette transformation durable.
Un secteur à structurer pour capter le plein potentiel
Selon le Dr Yao-Koffi, la création durable peut devenir un puissant moteur de croissance inclusive. Encore faut-il mettre en place un cadre favorable : soutien à la production locale, relance de la culture du coton, renforcement de la chaîne de valeur textile, structuration des circuits de distribution... Car, au-delà de l’esthétique, c’est l’économie de demain qui se joue.

« Investir dans la création durable, c’est investir dans une croissance intelligente, responsable et rentable », plaide l’auteur.
À travers cette analyse, le Dr Yao-Koffi appelle à un changement de paradigme. C’est-à-dire considérer la culture non plus comme un luxe, mais comme un levier stratégique de développement. La Côte d’Ivoire dispose de talents, de savoir-faire et d’un imaginaire riche. L’heure est maintenant à capitaliser sur ces atouts en les inscrivant dans une dynamique durable, à la fois locale et globale.
ENCADRÉ – Ces artistes qui incarnent la création durable en Côte d’Ivoire
Jems Koko Bi : sculpteur de renommée internationale, il ne travaille qu’avec du bois mort, refusant de couper des arbres vivants. Son œuvre questionne la mémoire, le déplacement et l’écologie. Ses sculptures sont présentes dans les collections privées et musées en Europe et en Afrique. Il a vendu une œuvre à plus de 70 millions de F CFA à la Banque d’Abidjan.
Armand Boua : peintre urbain engagé, il utilise du carton récupéré pour représenter les enfants de la rue. Ses œuvres, brutes et poignantes, sont exposées chez Sotheby’s, Christie’s, Artsper ou dans le Musée Mohammed VI de Rabat.
Jean Servais Somian : designer de mobilier durable, il sublime le bois flotté, la noix de coco ou la calebasse en pièces haut de gamme. Il a fondé un studio à Grand-Bassam et lancé le Young Designers Workshop pour former la relève ivoirienne.
Yéanzi : portraitiste contemporain, il utilise du plastique fondu et des journaux pour créer des œuvres monumentales. Il a exposé à 1:54 Londres, Art Dubai, Melbye Konan Hambourg, Biennale de Dakar et la Fondation Montresso.
Pascal Konan : plasticien engagé, il travaille les e-déchets pour dénoncer le consumérisme mondial. Lauréat du prix UEMOA à la Biennale de Dakar, il est représenté à l’international, de Johannesburg à Washington.
Loza Maléombho : figure de la mode durable, elle valorise les tissus africains (indigo, pagne tissé), l’artisanat local, et l’identité culturelle. Saluée par Beyoncé et Vogue, elle représente le slow fashion ivoirienne.
Pathé’O : icône du textile africain, il privilégie les matières locales et la production artisanale. Ses chemises ont été portées par Mandela, Gbagbo, Kagame, et il milite pour une mode industrielle africaine éthique.
Michèle Yakice : elle a fondé un centre de tissage communautaire à Montezo, mêlant artisanat, formation des jeunes déscolarisés et tourisme culturel. Son projet vise à répertorier et transmettre le patrimoine textile ivoirien.
Lafalaise Dion : styliste et artiste connue pour ses créations en cauris, symboles de spiritualité et de tradition Dan. Propulsée par Beyoncé, elle est aujourd’hui une ambassadrice de la culture ivoirienne auprès des afro-descendants.
Source: "CRÉATION DURABLE EN COTE D’IVOIRE: État des lieux, perspectives et potentiel économique dans les arts visuels et la mode"
Dr Célestin Koffi YAO