Souveraineté alimentaire dans la Cedeao: 85% du commerce intra-régional échappe aux statistiques officielles

Massandjé Touré-Litse a loué les avantages d’un système de données solides sur le commerce alimentaire interrégional. (Ph: Dr)
Massandjé Touré-Litse a loué les avantages d’un système de données solides sur le commerce alimentaire interrégional. (Ph: Dr)
Massandjé Touré-Litse a loué les avantages d’un système de données solides sur le commerce alimentaire interrégional. (Ph: Dr)

Souveraineté alimentaire dans la Cedeao: 85% du commerce intra-régional échappe aux statistiques officielles

Le commerce alimentaire intra-régional ouest-africain est l’une des pierres angulaires de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Il est donc l’un des plus importants leviers à actionner sur le chemin de la souveraineté alimentaire en Afrique de l’ouest. Cela, parce que la région exporte jusqu’au tiers de ses produits en interne.

En outre, le commerce interrégional, en plus de couvrir 25% des besoins calorifiques de la région, réduit la volatilité des prix alimentaires. Sans oublier qu’il stimule l’essor d’une économie alimentaire marchande. C’est au regard de tous ces atouts que Massandjé Touré-Litse, commissaire en charge des Affaires économiques et de l’Agriculture de la Commission de la Cedeao, a organisé un panel de haut niveau sur cette problématique.

C’était le 26 mai 2025, au Parc des expositions de Port-Bouët, lors de la 7e édition du Salon de l’Agriculture et des ressources animales dont le thème principal est « Quels systèmes de transformation agroalimentaire pour la souveraineté alimentaire en Afrique ? »

Le panel qui a réuni, entre autres, Aguemon Dossa, directeur de Cabinet du ministre de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche du Benin ; Asta-Rosa Cissé, directrice générale d'African Global Logistics Côte d'Ivoire et Burkina Faso, et Patricia Yao Zoundi, présidente du Mouvement ivoirien des Pme (Mpme), a été l’aubaine pour Alban Mas Aparisi, économiste-analyste de la transformation des systèmes alimentaires du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (Cesao), d’établir un diagnostic clair sur le commerce alimentaire de la sous-région ouest-africaine.

Selon lui, 85% du commerce alimentaire interrégional échappe aux données officielles. Ce qui biaise la coordination les politiques agricoles et favorise des pertes financières énormes. « Alors que les données officielles captent, environ, les trois quarts des échanges de produits transformés, d’huiles et d’autres denrées comme le sucre ou le café, la grande majorité des échanges en denrées de base essentielles et en aliments riches en nutriments, tels que les céréales (84%), les tubercules (95%), les légumes (72%), les fruits (62%) et les protéines animales (52%), ne sont pas enregistrés », a-t-il soutenu.

Comme causes des fuites de marchandises et des importantes pertes financières qui en résultent pour les Etats, l’expert met à l’index les politiques douanières inter-Etat non harmonisées, la porosité des frontières, les pratiques non orthodoxes aux postes frontières, l’insécurité tous azimuts, etc.

Pour conclure, il a recommandé la régionalisation des politiques alimentaires, l’investissement dans des systèmes de données solides, le soutien et la revitalisation du commerce alimentaire. Massandjé Touré-Litse, après avoir vivement remercié les panelistes pour leur clarifiantes interventions, et la Coopération allemande pour appui, a rappelé que le commerce alimentaire interrégional est une question vitale pour les 466 millions de populations de l’Afrique de l’Ouest. « Ce commerce alimentaire intrarégional ouest africain a une valeur de 10 milliards de dollars, soit 6 000 milliards de FCfa/an, soit 6 fois plus que ce que nous montrent les statistiques officielles. Ce montant est 6 fois supérieur à l’Aide publique au développement destinée à l’agriculture et à la sécurité alimentaire dans notre région », a-t-elle indiqué.

Selon le Commissaire en charge des Affaires économiques et de l’Agriculture de la Commission de la Cedeao, ce sujet est d’une importance capitale en ce sens que la demande alimentaire en Afrique de l’Ouest explose, portée par la croissance démographique, l’urbanisation et l’évolution des habitudes de consommation.

Cette demande alimentaire pourrait atteindre 480 milliards de dollars en 2030. « Nourrir notre région est plus qu’un défi, c’est une opportunité majeure pour tous, secteur privé, secteur public. Mais pour saisir cette opportunité, nous devons changer de paradigme. Nous devons passer de l’autosuffisance alimentaire nationale à une véritable souveraineté régionale, nous devons passer d’une vision fragmentée à une vision intégrée de l’Afrique de l’ouest », a-t-elle conclu.

Matthias Veltin, ambassadeur d'Allemagne en Côte d'Ivoire, a réitéré le soutien de son pays aux initiatives visant à assurer la sécurité alimentaire, non sans rappeler que la fragmentation de la Cedeao fragilise cette noble ambition.

Firmin NDri Bonfils