Tapage nocture/ Maquis, bars, night-clubs: A qui la faute ?

A Yopougon, la décision d'autorisation d'ouverture des boîtes de nuit a est ressenti comme une soulagement pour les maquis et autres débits de boissons pourtant autorisés depuis le 14 mai 2020. (PHOTO D'ILLUSTRATION)
A Yopougon, la décision d'autorisation d'ouverture des boîtes de nuit a est ressenti comme une soulagement pour les maquis et autres débits de boissons pourtant autorisés depuis le 14 mai 2020. (PHOTO D'ILLUSTRATION)
A Yopougon, la décision d'autorisation d'ouverture des boîtes de nuit a est ressenti comme une soulagement pour les maquis et autres débits de boissons pourtant autorisés depuis le 14 mai 2020. (PHOTO D'ILLUSTRATION)

Tapage nocture/ Maquis, bars, night-clubs: A qui la faute ?

Le 20/10/23 à 12:28
modifié 20/10/23 à 12:28

Yopougon-Niangon. Maquis-bar Diesel. Deux cents mètres environ du carrefour Texaco. Il est 23h15, ce samedi 25 juillet 2020. Il y a du beau monde comme tous les soirs à cette heure de la nuit. Un cargo et un 4x4 double cabine de la gendarmerie – c’est inscrit sur les véhicules – s’arrêtent devant le maquis. Une demi-douzaine d'agents mettent pieds à terre. Kalachnikovs en bandoulière, ils entrent dans le maquis. Deux minutes plus tard, ils sortent avec l’un des employés qu’ils font monter calmement dans leur véhicule.

On se dit qu’ils vont certainement ordonner la fermeture du maquis. Rien de cela. Ils font plutôt des allers-retours entre leurs véhicules et le maquis.

Ce jeu dure environ 5 mn. Puis les deux véhicules partent. Et reviennent juste deux minutes plus tard. Ils garent devant le maquis-bar. L’employé du maquis est toujours coincé à l’arrière du cargo.

Un gendarme descend et se met à tirer des photos à l’aide de son téléphone. Le curieux shooting dure environ 5 mn. Puis c’est encore le départ. Mais au moment de démarrer, deux agents descendent brusquement du cargo et foncent vers le Dj à qui ils intiment l’ordre d'arrêter la musique.

23h27, les deux véhicules disparaissent enfin des lieux emportant avec eux l’employé du maquis.

23h29. Le Dj relance la musique. Le bar reprend de plus belle comme si de rien n'était. D’ailleurs, il n’y a pas la moindre panique ou une quelconque nervosité, ni chez les employés du bar, ni chez les clients. Tout le monde demeure serein pendant le déroulement de cette scène qui intrigue pourtant.

En fait, les responsables du maquis et les habitués du coin savent que les forces de l'ordre n'iront jamais plus loin que ces petites perturbations. « Ils viennent juste pour nous racketter. C’est tout. Ils ne peuvent rien faire d’autre », soutient un employé avec un air moqueur.

Les responsables du maquis-bar sont d’autant plus tranquilles que leur espace n'est pas un bar clos. C'est autorisé. " C'est ce que le Conseil national de sécurité a décidé, le 14 mai 2020, lorsqu’il a décidé de la réouverture des maquis et des restaurants."

D’ailleurs, le Dj ne cesse de dire aux clients de ne pas s'inquiéter. Il donne des assurances que l’employé embarqué par les gendarmes reviendra dans quelques instants. Il ne cesse de répéter que « l'ambiance ne fait que commencer ».

23h51. Un pickup double cabine de la police marqué Pk17 stationne devant le maquis. Trois agents en descendent et se mettent à soulever les barrières métalliques disposées par les responsables du maquis en guise de garde-fous pour la sécurité des clients. Des employés se ruent vers eux. Après juste deux minutes d’échanges, les policiers redéposent les barrières et retournent calmement à leur véhicule.

23h59. Deux employés vont vers eux et leur remettent quelque chose. Les policiers quittent immédiatement les lieux. Il s’agit juste de « 5 mille francs que nous leur avons remis », révélera, plus tard, l’un des responsables du maquis. S’agissant de l’employé embarqué par les gendarmes, il indique que le gérant a pris de l’argent pour aller le libérer.

En fait, le jeune homme qui n’est autre que l’un des deux Dj, a été embarqué parce que le gérant n’était pas en place pour payer « la taxe ».

00h10. Un autre pickup double cabine de police estampillé CCDO arrive. Il ralentit au niveau du même maquis et s’arrête juste à 50 mètres après. Aucun agent ne met les pieds à terre. Le jeune homme qui venait de payer les 5 mille aux policiers, va vers eux à 00h13. Après une brève entrevue, le véhicule repart immédiatement.

00h15. Le Dj embarqué par les gendarmes n’est toujours pas de retour. Qu’à cela ne tienne. L'ambiance ne faiblit pas. Le deuxième Dj assure.

« C’est comme ça tous les jours, depuis qu’il y a cette affaire de Covid19. Chaque nuit les corps habillés passent pour rançonner », explique, amusé, un jeune client. Il dit s’appeler Mel Materre. C’est un habitué des lieux.

Effectivement, les témoignages des gérants des maquis sur ce phénomène ne manquent pas. Au quartier Youpougon-Maroc, rue de la mosquée, haut lieu des grands maquis, le monde est soulagé, depuis que la décision gouvernementale du 30 juillet est tombée. Tous les types de débit de boissons sont désormais autorisés.

ALAKAGNI HALA

ENCADRE

C’est fini... peut-être !

Ce n’est pas nouveau. C’est connu de tous. A chaque fois qu’il y a une crise et que les autorités prennent des mesures de restriction, certains agents des forces de l’ordre en profitent pour racketter.

Je me souviens de l’histoire écœurante de Mme F. G, une tenancière de restaurant bien connue dans la commune de Katiola. Championne des sauces succulentes à la viande d’agouti, de pintades sauvages et de divers petits ruminants. Lorsque les autorités de l’Etat ont interdit la consommation de la viande de brousse à l’époque de la crise de la maladie à Ebola dans certains pays d’Afrique, elle a été piégée par des clients, des gendarmes. Ceux-ci lui ont extorqué une forte somme d’argent qui l’a sérieusement ébranlée.

Je me souviens aussi de ce petit vendeur de poulet braisé à Yopougon-Niangon, qui, dès le lendemain de la décision de fermeture des restaurants dans le cadre de la lutte contre la Covid19, a été attristé pars des policiers. Ils lui ont pris 15 mille francs. Ils ne lui ont pas interdit de vendre sa viande – puisque qu’il ne s’agit pas d’un restaurant. Mais le jeune homme et ses frères ont compris qu’on venait de leur imposer une taxe qu’ils allaient devoir payer désormais, tous les jours. Ils ont donc suspendu immédiatement leur activité.

En tout cas, aux premières heures des mesures contre la Covid, il y a eu de nombreux amalgames savamment orchestrés par des hommes en tenue. Même les vendeuses et vendeurs d’attiéké au poisson n’ont pas été épargnés.

Chaque fois qu’une mesure de restriction est prise par le gouvernement, les agents l’élargissent à des entités non concernées... juste pour de l’argent.

La levée totale de l’interdiction d’ouverture des boîtes de nuit libère tout le monde. Notamment ceux qui étaient autorisés depuis le 14 mai 2020. A savoir, les restaurants et les maquis. Mais, certains tenanciers restent mesurés dans leur soulagement. Ils attendent encore pour voir.

A HALA

Le 20/10/23 à 12:28
modifié 20/10/23 à 12:28