Marcory-Anoumabo : Comment sont punis les vendeurs de boissons euphorisantes ?

Un jeune drogué. (Ph: Dr)
Un jeune drogué. (Ph: Dr)
Un jeune drogué. (Ph: Dr)

Marcory-Anoumabo : Comment sont punis les vendeurs de boissons euphorisantes ?

Le 21/09/23 à 09:17
modifié 21/09/23 à 17:38
La chefferie d'Anoumabo a engagé une guerre contre la vente de cette boisson énergisante dans le village.
A Anoumabo, village de la commune de Marcory, la chefferie traditionnelle mène une lutte sans pitié contre les boissons énergisantes et euphorisantes. Elle a interdit la vente du fameux «Vody» sur le territoire du village, depuis mai 2023.

Cette décision a été prise en vue de juguler les nombreux incidents déplorables liés à la consommation de cette boisson.

Au dire de Danho Pacôme, notable et secrétaire général de la chefferie d’Anoumabo, les jeunes se livrent, après sa consommation, à des bagarres interminables et à des actes de vandalisme. Et à chaque fois, précise-t-il, ces cannettes sont retrouvées sur les belligérants.

Pour réussir « cette guerre », la chefferie a, lors d’une rencontre, mis en garde les responsables de maquis, les propriétaires de dépôts de boissons et les vendeurs contre la vente du produit incriminé.

Des contrôles sont effectués régulièrement. Ceux qui enfreignent cette règle risquent une amende de 500 000 FCfa.

Certains commerçants ont compris l’intérêt de cette décision et y adhèrent. C’est le cas d’Ella C., une commerçante de boissons. Elle évite de vendre ce type de boissonS qui détruit la jeunesse. «C’est une sage décision. Il y va du bien-être de nos frères et de nos enfants», a-t-elle avancé.

Quant à Béatrice K., elle a décidé de ne plus vendre cette boisson, par peur des représailles des autorités coutumières. « Mon mari m’a défendu de vendre cette cannette alcoolisée. Et franchement, avec les contrôles villageois et municipaux, je ne veux pas payer d’amende », dit-elle.

Des contrevenants

Malgré ces mesures strictes, d’autres consommateurs trouvent des astuces pour s’en procurer, en contournant la mesure d’interdiction en vigueur.

Des jeunes, dont l’âge varie de 15 à 18 ans, utilisent des codes pour acheter cette boisson énergisante. Séraphin D., un habitant d’Anoumabo, explique le stratagème. Le client feint de demander une boisson qui, en réalité, n’est pas vendue par le commerçant. Tout de suite, ce dernier comprend qu’il s’agit de Vody.

Dès que sa cannette de Vody lui est servie, il la renverse dans une cannette vite de Cody’S energy, avant de la consommer en toute ‘’sécurité’’.

Certains consommateurs transvasent la boisson dans une bouteille en plastique. Quant à la vendeuse, pour passer entre les mailles du filet, elle demande aux jeunes acheteurs de s’éloigner immédiatement de son commerce.

Une vendeuse nommée Aya T. tient une buvette dans le village, depuis plusieurs années. Elle offre à sa clientèle une panoplie de boissons.

En bouteille et en sachet, chacun en a pour son compte et son portefeuille. Mais la responsable de cette buvette est un peu inquiète, depuis l’entrée en vigueur de la décision de la chefferie interdisant la commercialisation de Vody. Pour satisfaire sa clientèle, elle use d’astuces.

Si elle n’expose plus cette boisson, Aya T. la dissimule dans un seau recouvert avec un peu de glace. Dans un langage que seuls les initiés connaissent, elle sort la cannette et l’emballe soigneusement dans du papier pour ne pas attirer l’attention des gens.

Une autre vendeuse cache la boisson dans un sachet plastique noir, avant de la proposer. Une autre encore soutient que malgré cette interdiction, elle écoule sa marchandise en toute discrétion, en prenant d’énormes précautions.

........................................................................................................

Un cocktail dangereux

L'association de gélules de tramadol à la boisson "Vody" donne un cocktail détonnant dénommé "Kadhafi". (Ph: Dr)
L'association de gélules de tramadol à la boisson "Vody" donne un cocktail détonnant dénommé "Kadhafi". (Ph: Dr)



Les boissons euphorisantes et énergisantes fortement alcoolisées font beaucoup de dégâts, ces derniers temps, chez les jeunes. En témoignent les nombreuses vidéos sur les réseaux sociaux.

Celles-ci mettent en scène des adolescents en état de semi-inconscience sous l’effet de « Kadhafi », un cocktail de « Vody » et de comprimés contenant du tramadol. Le tramadol est un antalgique (antidouleur) mis au point par la firme allemande Grünenthal Gmbh. Il est destiné à calmer, entre autres, les maux de tête, les douleurs dentaires et articulaires. Quand la molécule est prise à un rythme accéléré, elle peut engendrer une dépendance chez le patient.

Plusieurs médicaments à base de tramadol sont sur le marché pharmaceutique. Au nombre desquels, trabar fabriqué en Suisse, tramacetal en Inde, tracedol des Émirats arabes unis, tramapa en Espagne.

C’est un médicament de palier 2 administré sous ordonnance, en fonction de l’âge, du poids, etc. Il y a trois classes d’antalgiques. Premièrement, les paracétamols; deuxièmement, le trabar (ou tramadol) et la codéine et troisièmement, la morphine. Cette molécule peut agir comme un stupéfiant et peut plonger, celui qui l’ingurgite dans un sommeil profond. La marque à laquelle les jeunes accèdent plus facilement chez les vendeuses de médicaments de rue est le tramaking. Ils mélangent les comprimés dosés à 250 mg et la cannette de « Vody » (18 % d’alcool). L’effet recherché étant celui des drogues dures. D’où l’intervention de la direction de la police des stupéfiants et des drogues, à travers une opération de saisie, récemment.

........................................................................................................

La recherche du gain à tout prix

De plus en plus de jeunes s'adonnent à la consommation de substances euphorisantes. (Ph: Julien Monsan)
De plus en plus de jeunes s'adonnent à la consommation de substances euphorisantes. (Ph: Julien Monsan)



Aïcha K. est une commerçante bien connue dans la belle cité d’Anoumabo. Pour s’approvisionner, elle se rend dans un grand magasin situé au forum d’Adjamé où elle achète en gros la plupart de ses produits. Parmi ceux-ci, l’on retrouve notamment des cartons de Vody, une boisson alcoolisée et énergisante.

Elle a révélé que le prix du carton de Vody varie de 10 000 à 11 000 FCfa et qu’il contient 24 cannettes. Aïcha K. revend cette boisson au prix de 600 FCfa l’unité, ce qui lui permet de réaliser un bénéfice oscillant entre 3 000 et 4 000 FCfa par carton. « Si tu arrives à écouler un carton par jour, c’est satisfaisant. Cependant, ce n’est pas toujours le cas. Généralement, ceux qui boivent cette boisson n’excèdent pas deux cannettes », explique-t-elle.

Quant à Solange P., elle gère une buvette où elle vend la même boisson, mais à un prix légèrement inférieur, en l’occurrence, 500 FCfa l’unité. Avant l’interdiction, cette boisson alcoolisée et énergisante se vendait très bien dans sa buvette.

Cependant, Solange P. ne partage pas l’opinion de certaines personnes qui estiment qu’elle a des effets néfastes sur les jeunes après sa consommation. Pour elle, il s’agit d’une boisson comme les autres et elle pense que l’effort devrait plutôt être dirigé vers la sensibilisation aux dangers des comprimés, plutôt que de cibler les vendeurs de cette boisson.

Ces deux tenancières et bien d’autres continuent de vendre cette boisson dans leurs établissements respectifs, malgré son impact sur la santé des jeunes.



Le 21/09/23 à 09:17
modifié 21/09/23 à 17:38