Prof Yao Atteby Jean-Jacques, cancérologue : "Les écrans, les portables, c’est dangereux pour les enfants"

Prof Yao Atteby Jean-Jacques, cancérologue (Photo Bavane)
Prof Yao Atteby Jean-Jacques, cancérologue (Photo Bavane)
Prof Yao Atteby Jean-Jacques, cancérologue (Photo Bavane)

Prof Yao Atteby Jean-Jacques, cancérologue : "Les écrans, les portables, c’est dangereux pour les enfants"

Le 24/07/23 à 19:07
modifié 25/07/23 à 00:26
Professeur de pédiatrie à l’Université Felix Houphouët Boigny et chef du service oncologie pédiatrique de l’hôpital mère-enfant de Bingerville, Yao Atteby Jean-Jacques nous entretient sur le cancer chez l’enfant.

Y a-t-il une différence entre le cancer chez l’enfant et chez l’adulte ?

Le cancer en termes de définition est pareil chez l’adulte comme chez l’enfant. Ce sont des cellules qui deviennent anormales et prolifèrent de façon excessive. Elles vont se multiplier de façon anarchique avec un développement beaucoup plus rapide faisant une colonie ou une masse de cellule tumorale.

Seulement chez l’enfant, il y a quelques particularités qui font que nous arrivons à faire la part entre le cancer de l’adulte et celui de l’enfant. Dans le fond les cancers enfant et adulte présentent fondamentalement les mêmes pathologies.

Quels sont les types de cancer que l’on retrouve chez l’enfant ?

Chez les enfants, l’on retrouve plusieurs types de cancers. Tous les organes du corps peuvent être le point de départ d’un cancer. Notamment, l’œil, les poumons, les reins, le foie, la rate, les ganglions, les muscles, l’os. Tous ces organes que nous connaissons peuvent être le point de départ d’un cancer. Ce qui fait qu’il y a une multitude de cancer, mais en pratique, il y a des cancers qui sont plus fréquents que d’autres.

Quel est le type de cancer le plus rependu dans notre pays

Dans notre contexte, en Côte d’Ivoire, nous avons l’un des cancers de loin le plus fréquent parce qu’il représente presque la moitié des cancers qu’on rencontre. C’est le lymphome.

On n’a pas compris...

Le thème médical, c’est lymphome de Burkitt.

On n’a toujours pas compris professeur

C’est un cancer des ganglions et de la rate. C'est le plus fréquent ici en Côte d'Ivoire et même dans la sous-région du sud du Sahara. Chez les enfants noirs africains, c'est l'un des cancers les plus fréquents. La particularité du Burkitt quoi que ce soit un cancer des ganglions et de la rate, il se manifeste plus par une tumeur au niveau de la mâchoire et de l’abdomen de l’enfant.

A quel âge un enfant peut être atteint d’un cancer ?

A tout âge un enfant peut être atteint par le cancer. Nous avons deux groupes de cancers en pédiatrie. Il y a un groupe de cancers spécifiques chez l'enfant et chez l'enfant très jeune, qui sont des tumeurs dits embryonnaires. Parce qu’elles reproduisent un peu l'état du tissu embryonnaire de nos organes. Ces tumeurs surviennent souvent très tôt avant l'âge de deux ans et nous avons les autres cancers qui sont des cancers d'organes. Qui apparaissent sur certains éléments du corps et qui peuvent survenir parfois un peu plus tard. Donc en moyenne quand on se réfère au cancer le plus fréquent, le lymphome de Burkitt, c’est à l’âge scolaire, autour de cinq, six ans.

Le cancer chez un enfant tue en 6 mois si le patient ne reçoit pas de soin (DR)
Le cancer chez un enfant tue en 6 mois si le patient ne reçoit pas de soin (DR)



Des statistiques en ce qui concerne le cancer pédiatrique en Côte d’Ivoire ?

En Côte d'Ivoire, sur la base des registres hospitaliers nous nous sommes rendus compte qu’il y a environ 250 nouveaux cas de cancer qui ont été hospitalisés et qui sont connus dans les différentes structures hospitalières. Et dans l'épidémiologie, pour les projections nous nous sommes rendus compte que globalement les estimations faites, les cas de cancer attendus sont à peu près à 800 nouveaux cas. Mais 250 sont diagnostiqués habituellement depuis ces trois dernières années. Et dans la projection, nous nous attendons à atteindre 1000 nouveaux cas d’ici 2025.

Et cela est dû à quel facteur ?

De façon générale les cancers de l'enfant sont des pathologies que nous voyons à travers le monde. Même dans les autres continents en Europe et ici en Afrique. En Europe, c'est presque la deuxième cause de mortalité dans l'enfance après les accidents de la voie publique et autres. Le problème, c'est qu’en pédiatrie, on se rend compte qu’il y a des facteurs qui sont connus qui peuvent expliquer la survenue d’un cancer et il y a des facteurs moins bien connus. Globalement, nous avons deux groupes de facteurs dont ceux liés à une anomalie de l’individu qu’il porte dans ses gènes (anomalie génétique) qui va le prédisposer à faire le cancer. Il y a la part des facteurs qui sont liés à l'environnement dans lequel l'enfant évolue.

L’environnement ?

Oui. Surtout la pollution. La pollution industrielle, chimique ainsi que la pollution liée à tout ce qui est hydrocarbures, pesticides, désherbant, industrie chimique. Il y a tout ce qui est aussi en rapport avec le rayonnement, l'irradiation et rayonnement ionisant, en rapport avec les accidents nucléaires qu’on peut observer.

Professeur, le cancer, ça se guérit ?

En matière de traitement des cancers, la bonne nouvelle c’est que la majeure partie des cancers de l'enfant se traitent et se guérissent. En Côte d'Ivoire, il y a la possibilité de faire cette prise en charge des cancers puisque les spécialistes sont connus. Les hôpitaux également qui prennent l’enfant en charge se sont adaptés en ouvrant des structures dédiées à ces cancers. Notamment au Chu de Treichville en pédiatrie et à l’hôpital mère-enfant de Bingerville.

La prise en charge, le traitement du cancer chez l’enfant est-il couteux ?

La prise en charge d'un cancer coûte cher parce que plusieurs méthodes sont souvent associées. C’est-à-dire, il y aura ce qu'on connaît qui est la chimiothérapie qui reste coûteuse parce que les médicaments sont très chers et difficiles d'accès. Il y a d’autres méthodes qui peuvent être associées. La chirurgie même de ces cancers et la radiothérapie qui aujourd'hui existe en Côte d'Ivoire grâce au Centre national de radiothérapie Alassane Ouattara de Cocody. Quand on estime aujourd'hui le traitement d'un cancer en se référant au cancer qui est le lymphome, le plus fréquent, le traitement chez un enfant de 6 à 7 ans s'élève en moyenne à 5 à 6 millions de Fcfa. Une fois que la maladie est découverte que n’est rien n’est fait, en général le décès survient dans un délai de 6 mois.

Y a-t-il a une prise en charge chez les enfants comme il y en a chez les adultes ?

Pour les enfants le programme national de lutte contre le cancer dans son nouveau plan qui a été mis en place à partir de cette année, compte à intégrer le cancer de l’enfant. Nous pensons qu’il y a des dispositions dans ce sens pour favoriser un peu l'accès gratuit aux médicaments anticancéreux chez l'enfant. Ce qui sera une bonne politique pour soulager et soutenir ces familles qui sont dans la grande majorité démunie.

L’environnement dans lequel nous vivons aujourd’hui, est souvent source de plusieurs maladies. En ce qui concerne le cancer, y a-t-il des mesures à prendre ?

Il est difficile de penser prévention directement pour le cancer. Mais, il y a un certain nombre de mesures de soins promotionnels de la santé qui, lorsqu'elles sont appliquées vont permettre de garantir à ses enfants une bonne santé. Je le dis parce que certains facteurs sont connus mais pas tous. On peut faire des interventions. En général l'intervention se base sur la prévention. Il faudrait commencer déjà par la mère elle-même parce que prévenir une maladie chez l'enfant commence par une bonne santé maternelle depuis la grossesse.

C’est donc à la femme enceinte qu’il faut d’abord parler ?

C'est la femme enceinte qui doit bien se faire suivre au cours de la grossesse et suivre toutes les recommandations qui lui sont données en termes de bilan, de médicaments à prendre, des précautions pour ne pas s'exposer à un environnement pollué et toxique.

Et quand l’enfant nait ?

Il faut aussi faire le suivi recommandé normalement. Il faut favoriser l'allaitement maternel.

L’allaitement maternel aussi ?

Oui. L’allaitement maternel est protecteur pour l'enfant non seulement contre les maladies infectieuses mais aussi pour le cancer. Il faut donc encourager l'allaitement chez les jeunes enfants jusqu'à 6 mois au moins. Il faut encourager la vaccination parce qu’elle confère un bon niveau d'immunité contre certains agents pathogènes sachant que parmi ces agents pathogènes, il y en a le virus de l'hépatite B qui peut aussi causer le cancer du foie. Donc, une bonne vaccination sera un élément de prévention.

Il y a également l'alimentation qui de façon générale aussi va jouer sur la prévention. Donc il faut que l'enfant ait une alimentation vraiment riche qui est variée, équilibrée avec les protéines, la vitamine végétale poisson, œuf etc. Une bonne alimentation équilibrée. Que l’enfant évolue dans un environnement sécurisant. A un certain âge, ils vont fréquenter des amis, ils vont jouer, ils seront exposés à tout ce qui est polluant, déchets industriels, pesticides, désherbant dans les champs en zone rurale. Dans l'environnement moderne, il y a des précautions à prendre.

Ces écrans peuvent être des sources de cancer chez un enfant (DR)
Ces écrans peuvent être des sources de cancer chez un enfant (DR)



Quelques-unes ...

Ne pas habiter trop proche de lignes de haute tension parce qu’il y a un rayonnement. Eviter la manipulation du carburant. Eviter également d’exposer l'enfant aux écrans et autres parce que il y a tout un rayonnement GSM, 3G etc. Il y a aussi les écrans de téléphones qui libèrent certains rayonnements. Parce que ce n’est pas des facteurs cancérogènes établis, mais pour des principes de précaution, il faut quand même limiter l’exposition des enfants qui ont encore l’organisme jeune.

Interview réalisée par Jean Bavane Kouika



Le 24/07/23 à 19:07
modifié 25/07/23 à 00:26