"Destitution" du Roi de Moossou: Nanan Assoumou prône l’apaisement, pas de machine arrière pour les dissidents

Le siège du Ryaume Moossou (Photo Véronique Dadié)
Le siège du Ryaume Moossou (Photo Véronique Dadié)
Le siège du Ryaume Moossou (Photo Véronique Dadié)

"Destitution" du Roi de Moossou: Nanan Assoumou prône l’apaisement, pas de machine arrière pour les dissidents

Le 21/07/23 à 16:28
modifié 21/07/23 à 16:28
Moossou est un village situé entre Bonoua et Grand-Bassam en bordure de lagune. Ce village appartient aux Abouré Êhê. Il est dirigé depuis le 4 mai 1991 par Sa Majesté le Roi Nanan Kanga Assoumou qui est le 21e souverain.

Dans ce paisible royaume, il s’est produit un malheureux incident le samedi 14 juillet 2023, au sein de la Paroisse Saint Antoine De Padoue. Où pendant que le Roi Nanan Kanga Assoumou assistait à la messe de requiem de l’un de ses notables, l’une de ses chaussures lui a été retirée des pieds de force par des membres de la génération Bloussoué. Signe de destitution selon les Us et coutumes de ce peuple.

Après ce malheureux incident, la vie dans le Royaume est paisible. Les populations vaquent librement à leurs occupations. Les maquis (buvettes) et autres points de joie sont ouverts avec des clients qui ne manquent pas de danser pour certains, et de consommer de l’alcool, manger de la viande, pour d’autres. Pour les amoureux, draguer ou causer autour d’un verre.

Les haut-parleurs du village distillent de la bonne musique. Les commerces et autres lieux de vente sont ouverts. En somme, la vie a bel et bien repris et le royaume connait sa paix et son calme d’antan.

Mais, en dessous de cette bonne ambiance et la vie qui a repris, le feu couve. Celui que les dissidents appellent « destitution » du Roi depuis que l’une de ses chaussures lui a été retirée de force.

C’est le constat fait les 19 et 20 juillet 2023 sur le terrain après avoir échangé avec les deux camps. Notamment le clan du Roi et celui des dissidents.

Watta Bogui, protocole du Roi de Moossou (Photo Véronique Dadaié)
Watta Bogui, protocole du Roi de Moossou (Photo Véronique Dadaié)



« Les dents et la langue se disputent souvent. Les dents mordent la langue. Est-ce pour autant que la langue sort de la bouche ? Pour dire qu’il peut avoir des incompréhensions. Mais il ne faudrait pas qu’elles prennent le dessus sur la cohésion sociale », a lancé Watta Bogui, directeur de protocole de sa Majesté Nanan Kanga Assoumou. Il parlait au nom du Roi. Il lui a été demandé de savoir si la paix est revenue dans le royaume. Surtout que bientôt le sol de Grand-Bassam accueillera la célébration de la fête de l’indépendance.

Evitant de se prononcer réellement sur le sujet de la crise au sein du Royaume, le protocole de Nanan Kanga Assoumou s’est évertué, au nom du Roi, à appeler à la paix, à la cohésion sociale. Avant de demander pardon au peuple Abouré Êhê à qui, il prie de laisser tomber la colère.

« Quelles que soient les incompréhensions qui peuvent naître, au nom du Roi, je lance un appel de tolérance, de pardon, car il est dit dans les saintes écritures, il n’y a pas de perfection ici bas. Quelles que soient les incompréhensions ou les épreuves que les uns et les autres pourraient subir, il faut regarder à Dieu, mettre en avant l’intérêt de la communauté et de la Nation pour la préservation de la paix dans notre royaume. Surtout que nous recevons la célébration de la fête de l’indépendance », a-t-il exposé.

Et d’insister sans vouloir toucher le fond du problème qui a engendré la crise. « Quels que soient les griefs, je demande à tous d’apaiser leur cœur. Quel que soit le degré de colère, sachons surmonter cela et faire passer l’intérêt de la Nation car une fête de l’indépendance n’est pas une fête de génération. Donc sachons saisir cette occasion et nous unir pour recevoir nos frères et sœurs qui viendront de l’extérieur », a-t-il insisté sans vouloir répondre à la question de la suite de l’incident après la rencontre des deux parties avec Mme le Préfet.

Boissooh Fernand N'Dah, porte-parole des gérérations dissidentes (Photo Véronique Dadié)
Boissooh Fernand N'Dah, porte-parole des gérérations dissidentes (Photo Véronique Dadié)



Si M. Watta Bogui n’a pas voulu se prononcer de façon claire sur la crise qui secoue le royaume, le camp adverse n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. « Il n'y a pas lieu de faire machine arrière. Nanan Kanga Assoumou n’est plus le Roi de Moossou depuis le 15 juillet », a déclaré Boissooh Fernand N’Dah, chef de la génération Bloussoué de Moossou, chef de Moossou Bégnéré, par ailleurs porte-parole de la dissidence.

C’était le dimanche 20 juillet, après une rencontre qu’il a appelée réunion de « crise » avec les chefs des générations, des clans et des familles. La réunion s’est tenue dans la cour de celui qui fut un grand guerrier du royaume, Akeblé Amon (Il n’est plus).

Selon lui, bien avant leur rencontre, Mme le Préfet a sollicité les villages Abouré, notamment Ebra et Bonoua. Elle voulait comprendre comment les choses se passent chez le peuple Abouré en matière des us et coutumes. Surtout dans ce cas de figure qui a provoqué une crise dans le Royaume de Moossou.

« Nous avons fait savoir à Mme le Préfet qu’une fois que cette cérémonie est faite, il n’y a plus lieu de faire machine arrière. Parce que si nous revenons sur notre décision, c’est toute une génération qui mourra. Il est mieux qu’une seule personne parte, qu’une génération meurt. Nous avons demandé à Mme le préfet si elle ne veut pas avoir des morts sur sa conscience, qu’elle lui demande de partir. Nous avons donc donné jusqu’au samedi 22 juillet pour qu’il quitte le palais », a soutenu M. Boissooh Fernand N’Dah.

Aussi a-t-il relevé que le préfet et le sous-préfet étant leurs patrons, quand ils les convoquent, ils ont l’obligation de répondre. « Nous avons été clairs. Nous avons donné notre position. Nous ne pouvons pas revenir sur la décision qui, d’ailleurs, n’est pas de nous. C’est le respect des us et coutumes pour tout Akan », a-t-il souligné.

Et de rassurer que la célébration de la fête de l’indépendance va bien se dérouler à Grand-Bassam. Mais que Nanan Kanga Assoumou ne représente plus rien pour le peuple Abouré Êhê de Moossou.

Cause de la crise et gestion des terres

A en croire Boissooh Fernand N’Dah, chef de la génération Bloussoué de Moossou, chef de Moossou Bégnéré, par ailleurs porte-parole de la dissidence, Nanan Kanga Assoumou est à la base de tout ce qui arrive au royaume en ce moment. Surtout son entêtement de vendre les terres du royaume.

Selon lui, le Roi a bradé presque toutes les terres du royaume de Moossou. Pourtant, il n'en est pas le propriétaire. Il en est juste le garant. Les terres appartiennent aux sept familles du royaume, a laissé entendre Boissooh.

Ce qui a fait déborder le vase, outre l’affaire de terrain avec la société Escaf où le Roi a été débouté par la justice, ainsi que 9 ha pris chez les Nodjou qui a divisé cette génération, ajouté à cela plusieurs autres affaires de terre, Nanan Kanga Assoumou, le 19 mars 2023, a pris de force sur une parcelle de 22 ha appartenant à la génération Bloussoué, 2,80 ha. Qu’il a promis à un opérateur économique. Sans en informer la génération Bloussoué, le roi a marqué sur l’attestation de propriété coutumière : NB : Parcelle cédée par la génération Bloussoué. Chose que la génération ne reconnait pas, précise M. Boissooh.

Il poursuit et dit que sur les mêmes 22 ha, le Roi, en plus des 2,80 ha déjà pris, il a encore morcelé 2 autres ha. A la suite de l’opposition de la génération, Nanan Kanga Assoumou est allé proférer des malédictions sur les 22 ha.

Cet acte, pour les villageois était de trop selon Boissooh N’Dah. C’est de là est partie la résolution de destituer Nanan Kanga Assoumou. « Il a trop causé du tort au village. Quel est ce Roi qui est tout le temps convoqué devant les juridictions pour des affaires de terre qui ne lui appartient pas ? Nous sommes fatigués, il n’est plus notre Roi. C’est terminé », a-t-il insisté.

L'attestation des 22 ha
L'attestation des 2,80 ha



Catégories, générations et gouvernance à Moossou

Le Royaume de Moossou compte 4 générations. La génération des pères, et la génération des fils à Koumassi (1er quartier). La génération des pères et des fils à Bégnéré (2e Quartier). Chaque quartier est dirigé par un chef.

Dans une génération, il y a 4 catégories. Notamment les Attiblé, les Baoulé les Djamanmanlibé et les Djamiens.

Chez les Abouré Ehé, le Rois règne, ne gouverne pas. Ce sont les générations qui gouvernent. Le Roi reçoit des honneurs, les civilités en tant que Roi.

Pour les prises de décisions concernant le village, ce sont les générations qui s’en chargent, a laissé entendre Boissooh N’Dah. C’est pourquoi les générations gèrent le village par alternance. Une génération a le pouvoir pendant 15 ans. Ensuite elle cède à une autre.

A Moossou, ce sont les Noudjou qui sont au pouvoir. Ils sont assistés par les Bloussoué. Les Bloussoué servent d’opposants. Dans la gestion des Noudjou, quand il y a des manquements, les Bloussoué ramènent les Noudjou à l’ordre. Les Noudjou aux affaires actuellement céderont le pouvoir le 1er janvier 2025. Ce sont les Bloussoué qui le prendront.

A leur tour, ils vont gérer pendant 15 ans. Ensuite la gestion reviendra chez les fils des Noudjou, les N’nowé. Pendant ce temps, les Noudjou qui ont cédé le pouvoir, deviennent des (aihmans) conseillers du Roi.

La famille Samandjê est la famille royale. Au sein de cette grande famille, il y a deux clans. Il y a celle appelée Samandjè liblé (Samandjê noir), dans laquelle il est choisi le Roi. Et les Samandjê Miplé (Samandjè clair) dans laquelle les chefs de génération et chefs notables sont issus.



Le 21/07/23 à 16:28
modifié 21/07/23 à 16:28