Pluies diluviennes : Cette indignation de saison

Pluies diluviennes : Cette indignation de saison

Le 12/07/23 à 13:17
modifié 12/07/23 à 13:17


Cone antienne, chaque année, au même moment, avant la saison d’hivernage qui n’a pas varié d’un iota, la même litanie, presque: «Que tous ceux, installés dans les zones à risques, déguerpissent!»

Avec ces grandes averses, les risques d’éboulement et d’inondation n’étant pas à minorer, au contraire, l’avertissement ou la sommation sonne juste. Hélas, comme chaque année, se reproduisent les mêmes résultats, avec leurs lots de morts.

Et j’entends encore, comme dans un éternel jeu morbide à recommencement assuré, les mêmes indignations; je vois le même ballet de visages affligés, qui ne dédouanent nullement personne de ses responsabilités, en premier, les autorités municipales; elles qui ont, au quotidien, la responsabilité d’offrir à leurs administrés un cadre de vie décent, sécurisant pour eux et donc pour tous.

Pourquoi donc, d’année en année, ce spectacle de vies éteintes, dans des conditions inadmissibles, rythme-t-il encore l’actualité dans ce pays qui se transforme si bellement, à la grande joie de tous ? Eh bien, tout simplement, parce que ce développement cache en ses recoins, en matière de cadre de vie, bien des choses à corriger, courageusement.

Elles ont pour noms: laxisme, laissez-faire. Sinon, quelles autorités municipales ne voient dans quelles conditions vivent ces milliers de gens venus dans la «Ville cruelle» ? Qui ne voit ces habitations précaires aux flancs des ravins, dans les bas-fonds de la mort de presque tous les quartiers de la capitale, dans des marécages à peine dragués, pleins de ces lumpen prolétaires qui subissent, le plus, toutes les contradictions de leur société? Attécoubé, Yopougon, Port-Bouët, Cocody, Deux Plateaux, etc. Qui ne le sait pas? Qui ne le voit pas ?

Attendre que les catastrophes arrivent, c’est jouer au sapeur-pompier après le ravage ; ou, ce qui revient au même, au médecin après la mort. Ce sont des tragédies que l’on aurait pu éviter, si «En attendant le vote des bêtes sauvages», on ne rusait pas avec ces gens, en tolérant qu’ils vivent dans ces quartiers précaires, côtoyant la mort, si proche, qui peut survenir à tous moments. Chaque année, passé la saison de la mort, ceux qui y vivent, sont des rescapés.

Dans quelques jours, l’on oubliera, sans aucun doute, les conséquences du laisser-faire, du laisser-aller. Comme au pays des aveugles, ces quartiers malfamés repousseront encore, de plus belle, sans qu’on les voit... Comme toutes ces constructions, modernes, certes, dans presque tous les bas-fonds de Cocody-Danga, mais si inquiétantes quant au respect de l’environnement.

Comme ces constructions, consorts, à Grand-Bassam, au mépris des voies de drainage, avec ces vastes cocoteraies fauchées, ravagées par les engins voraces des opérateurs immobiliers. Le béton, le ciment contre la verdure.

Demain, en cas de pluie diluvienne, pourquoi devrait-on s’étonner, pour avoir contrarié de toutes parts la circulation de l’eau, de constater des cas d’inondation? Le spectacle de Grand-Bassam, cité...aquatique, où certains rentrent chez eux en pirogue, ne trouve-t-il pas là une de ses explications ?

J’ai écouté, dimanche, sur le petit écran, les résolutions prises, entre autres, par l’autorité municipale de cette ville déformée en Venise. Toute habitation, construite sur des regards, sera détruite, disait-il.

Pour le spectacle, sûr, ce sera fait. Pour le reste, j’en doute avec raison. Car, tous ces morts, chaque année, disent une seule chose: le laisser-faire, le toléré, qui nous vont si bien. Et qui nous tuent. Au propre. Jusqu’à quand?

La sensibilisation tous azimuts, sans effet (des morts chaque année), indique bien qu’il est temps d’agir. Autrement et efficacement. Car, que peuvent bien provoquer comme réactions positives chez les populations qui n’ont pas d’autre choix que d’être à ces endroits, les messages du genre : «Quittons les zones à risques. Préservons nos vies», quand cette exhortation ne s’accompagne d’actions vigoureuses et de solutions adéquates?

Que peuvent-elles faire, ces petites gens, obligées malgré elles d’être à ces endroits de tous les dangers, non loin le plus souvent de leurs lieux de travail, sourdes à tous les messages les invitant à quitter les zones dangereuses? Rien que ce qu’elles font, jusque-là, en priant Dieu que le pire n’arrive.

Que peuvent-elles, les autorités, face aux «Nous pas bouger» des populations? Une seule chose: les reloger. Ce n’est pas une petite affaire, mais c’est la réponse pratique, sociale, humaniste, avant la radicale, qui consiste à casser ces habitats de survie. Mais où, dans cette capitale où le déficit en matière de logement est non seulement réel, et le coût des loyers, qui galope, galope, inaccessible aux gagne-petit?

Dans cette ville, Abidjan, qui s’étend démesurément, ces petites gens se trouvent obligées de travailler non loin de leurs lieux de travail, surtout chez la Lumpen-bourgeoisie, qui vit à Cocody, Deux-Plateaux, Marcory, Riviera, etc.

Il faut donc, au-delà des messages, que les concernés ne lisent pas, et n’entendent pas, des actions concrètes qui seront des réponses concrètes qui nous éloigneraient de nos indignations annuelles.

Demain, avec un social plus hardi, des logements vraiment sociaux, viendra la solution. Auquel cas, chaque année, le ciel national portera le deuil de nos morts ensevelis sous les eaux, la boue, les gravats des immeubles «chap-chap» et des habitats d’infortunés.


Le 12/07/23 à 13:17
modifié 12/07/23 à 13:17