Pourquoi les politiques de l’emploi en Côte d’Ivoire sont-elles inefficaces ?

Pourquoi les politiques de l’emploi en Côte d’Ivoire sont-elles inefficaces ?

Depuis le début des années 60 jusqu’à ce jour, la Côte d’Ivoire a expérimenté diverses politiques de l’emploi. On entend par politiques de l’emploi, car elles sont nombreuses, « l’ensemble des mesures mises en œuvre par les administrations publiques dans le but d’accroître l'emploi et de réduire le chômage ».

En d’autres termes, il s’agit de « l’ensemble des interventions publiques sur le marché du travail, visant à en améliorer le fonctionnement et à diminuer les déséquilibres qui peuvent y apparaître » (Gautié, 1993).


Sous ce rapport, la Côte d’Ivoire a compris que si elle voulait amorcer son développement, il fallait, dès les premières heures de l’indépendance, s’attaquer à l’épineuse problématique de la formation et de l’emploi des jeunes. Il faut ajouter également qu’au début des années 70, le pays fut pour la première fois confronté à une fronde sociale de la part de ceux qui ont été formés en France et qui ont décidé de rentrer en Côte d’Ivoire pour occuper des postes. Il fallait que le pays s’attaque de front à cette question au risque de saper les efforts de croissance amorcée.

C’est ainsi qu’une politique de l’ivoirisation des cadres fut mise en place vers la fin des années 70, avant d’être complétée plus tard par les grands projets d’aménagement du territoire, comme l’Aménagement de la Région du Sud-Ouest (Arso) et l’Aménagement de la Vallée du Bandama (Avb), par exemple.

Sans son essence, le projet d’ivoirisation des cadres qui était le premier projet d’insertion des diplômés ivoiriens d’envergure, consistait à donner la primauté aux diplômés ivoiriens, comme une manière de «...mettre un terme au monopole des non-ivoiriens sur le développement de l’économie nationale en transférant la maîtrise de celui-ci aux mains des ivoiriens ».

En outre, il y eut l’Office de la Main-d’œuvre de Côte d’Ivoire (Omoci) qui avait en charge la gestion nationale de l’emploi, depuis 1953, avant de devenir l’Agence de Promotion de l’Emploi (Agepe), le 07 avril 1993 et plus l’Agence Emploi Jeune (AEJ), en 2015.

En outre, il ne faudrait ignorer qu’il existe un Ministère exclusivement dédié à la question de la « Promotion de la Jeunesse et à l’emploi des jeunes », en plus de diverses initiatives et politiques visant à la réduction du taux de chômage. C’est, par exemple, le Programme emploi jeune et développement des compétences (Pejedec), la Plateforme des Services (Pfs), l'Agence nationale de la formation professionnelle (Agefop), le Programme national d'investissement agricole (Pnia), entre autres. C’est dire à quel point le chômage, le sous-emploi et l’emploi précaire des jeunes sont devenues une préoccupation pour l’Etat.

Pourtant, et bien que le gouvernement ivoirien situe le taux de chômage des jeunes de 14-24 ans à 13,8% et celui des jeunes de 14-35 ans à 12,2% et celui des « chômeurs découragés » à 40,3% de la population totale de chômeurs, la Banque africaine de développement (BAD) situe ce chiffre entre 70 et 90%.

Une question se pose alors: pourquoi les nombreux et divers dispositifs relatifs à l’emploi mis en place depuis les années 70 ne parviennent pas à résorber le chômage des jeunes de manière substantielle ?

L’analyse des causes du chômage des jeunes en Côte d’Ivoire fait ressortir les facteurs structurels comme raisons principales de ce phénomène.

D’abord, on pourrait citer la fameuse équation inadéquation formation-emploi qui met en jeu des offres de formation qui ne répondent pas aux besoins du secteur productif, ce qui pose l’épineux problème du contenu de la formation, voire de l’employabilité.

En outre, depuis le début des années 90, la massification de l’enseignement supérieur combinée aux faibles capacités d’accueil et le sous-équipement des huit (8) universités publiques que compte la Côte d’Ivoire, a négativement influé sur la qualité de la formation. Enfin, il y a le faible dynamisme de l’économie ivoirienne qui n’arrive pas à tirer parti ni du secteur public par manque de financement, ni d’un secteur privé apathique.

On pourrait longuement épiloguer sur les solutions pour réduire le chômage des jeunes, le premier point d’entrée est, d’abord, de changer de paradigme dans la formation non seulement dans l’élaboration des contenus curriculaires de manière à les adapter globalement aux besoins réels du marché.

Par exemple, il faut réduire les contradictions et disparités de l’économie ivoirienne en mettant l’accent sur le secteur agricole au détriment du secteur tertiaire. On sait que l’économie repose en majorité sur l’agriculture, alors il faut promouvoir et valoriser ce secteur qui a contribué, en 2018, à 28% du PIB et 40% des exportations (56% en 2012), 62%, hors pétrole.

Ensuite, en termes de qualité de la formation, il faudra veiller à former des citoyens en termes de préparation pour le marché de l’emploi en instaurant le développement professionnel par le biais du centre de carrière qui est un espace dédié où l’étudiant peut avoir une vision claire de ce qu’il veut faire plus tard et, à ce titre, il demeure « le meilleur endroit où aller pour vous renseigner sur les stages locaux et internationaux ou les possibilités de placement en milieu de travail. »

Enfin, il faudra encourager l’entrepreneuriat jeune en mettant en place des mécanismes de formation, de financement et d’accompagnement capables d’aider ceux qui ont des projets structurants à pouvoir créer de la valeur ajoutée.

En somme, pour que ces différentes initiatives puissent atteindre les objectifs escomptés, il faudrait améliorer l’employabilité des apprenants, si on part du principe qu’être employable veut dire être en mesure de trouver un emploi, de manière autonome, suite à une formation reçue.

Par Dr Kouadio Oussou Rémi

Enseignant-Chercheur à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké

Expert en développement professionnel des étudiants