Polémique de la semaine : La paix et nous

Le Père de la Nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny. (Ph: Dr)
Le Père de la Nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny. (Ph: Dr)
Le Père de la Nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny. (Ph: Dr)

Polémique de la semaine : La paix et nous

Le 16/11/22 à 09:22
modifié 16/11/22 à 09:22
Chaque année, se célèbre la Journée nationale de la Paix. Partout dans le pays, jour chômé-payé, l’on a entendu dans les nombreux discours tant de bons mots qui renvoient à la paix, cette notion si chère à l’illustre défunt, Félix Houphouët-Boigny, le premier Président de ce pays. Il en avait fait un credo, mieux un principe de vie, cardinal. Dans son agir. Dans son faire. Dans son être. Sans être un spécialiste de ce que des exégètes nomment ou désignent comme étant sa philosophie, l’houphouétisme, je peux dire qu’elle vient non seulement de sa longue expérience politique, mais surtout de son bon sens paysan, de grand planteur de café, de cacao, de riz, etc.

Celui qui sème bien, récolte bien ce qu’il a bien semé. D’une expérience regrettable aussi, je veux rappeler celle que furent aux premiers âges de nos indépendances, 1963, la prison d’Assabou, le « temps des complots », faux ou vrais, les périodes de « Violent était le vent » (beau titre d’une œuvre majeure de Charles Nokan, décédé le 1er novembre de cette année).

Amadou Koné (Houphouët-Boigny et la crise ivoirienne), Koné Kodiara (Mésaventure 1963), Samba Diarra (Les faux complots d’Houphouët-Boigny, fracture dans le destin d’une nation) écrivirent sur ces durs temps d’incarcération comme d’un besoin de thérapie individuelle. Une manière pour eux, de se « soigner » du poids du silence, et de pardonner sans oublier. Devoirs de mémoire. Pour l’histoire.

Qu’en avions-nous fait, de ce bien précieux, à nous légué par le Sage ? L’a-t-on bien arrosé, pas seulement avec des mots, mais surtout avec nos comportements ? J’en doute, au regard de nos tristes actualités, après sa mort. Une date-repère : 1995. Deux ans après sa mort en 1993, le « boycott actif ».

Des morts, l’exode des populations, des violences de tous ordres, pour une élection présidentielle, la première post-Félix Houphouët-Boigny. Ce n’est pas un hasard, si le 15 novembre fut décrétée « Journée nationale de la paix » en 1996 par Henri Konan Bédié, Président de la République, un an après ce fameux Boycott, qui annonçait déjà que « violent » comme le « vent » seraient les temps électoraux, si et si nous ne nous appropriions pas, nécessairement, ce bien le plus précieux que Félix Houphouët-Boigny nous a laissé.

Qu’en avions-nous fait, pour connaître de si terribles ères (le coup d’État rétrograde de 1999, la rébellion de 2002 qui balafra le pays, la crise post-électorale de 2010 avec son lot de morts, la crise de la dernière élection présidentielle) ; sombres ères desquelles nous voulons sortir pour retrouver ce que nous avions perdu, en palabres, en divisions meurtrières ?

Cette Journée est donc une volonté affichée de rappeler le besoin d’œuvrer pour la paix. J’avais particulièrement aimé le thème de la 23e édition qui fut célébrée en 2019 sur le thème : « Au-delà des mots, agissons ensemble pour la création d’un environnement électoral apaisé ». Oui, au-delà des mots... C’était hier, comme aujourd’hui, pour le gouvernement, une occasion de plus, « de promouvoir et renforcer davantage les vertus et la culture de la paix, afin de créer un environnement social apaisé... D’impliquer toutes les couches sociales dans les actions en faveur de la paix et de la cohésion sociale à travers l’organisation d’ateliers, de prières œcuméniques, d’activités de sensibilisation ».

Cette année-là, si mes souvenirs ne me trahissent pas, un planting d’arbres fut organisé. Ces arbres ont-ils bien porté des fruits ? Ont-ils même bien poussé, arrosés par nos mots et comportements de paix ? J’en doute encore.

En 2020, à Koumassi, en prélude à la célébration de cette Journée, la ministre d’alors, de la Réconciliation et de la Cohésion sociale, Mariatou Koné, invitait l’ensemble des acteurs politiques à « accepter la main tendue du Président Ouattara » ; « à s’impliquer dans les efforts visant l’apaisement du climat social et la décrispation en privilégiant le dialogue ».

En 2021, sous le thème « La Côte d’Ivoire face au défi de la cohésion nationale et de la paix », est revenu, comme un cantique, le mot paix. Mardi dernier, il en fut de même. Il y a toujours cette image saisissante, qui se lit sur les visages des orateurs quand ils parlent de la paix.

C’était comme s’ils prêchaient, invitant tous, sans exception, à aller à cette indispensable valeur, à la cultiver avec des mots certes, mais en accord avec les actes. Il ne faut sans doute pas désespérer, même si quand je nous regarde, nous sommes encore plein de rancœurs. Or, il nous faut mener cette «guerre» sur nous, la meilleure, contre nous-mêmes et briser la mer gelée de nos rancœurs.

Hélas, ce discours de (re)construction de la cohésion sociale, et donc de composition de la paix, ne se lit sur les réseaux sociaux. Que de violences verbales destructrices ! Quand cela vient le plus souvent des jeunes, la relève, n’est-ce pas que du travail pédagogique, encore et encore, doit continuer, comme cette Journée, afin que la goutte d’eau qui tombe au même endroit perce le rocher, même le plus résistant ? Et l’exemple devrait venir aussi des parents.

On ne peut pas reprocher aux enfants d’être à l’image des aînés. Question d’exemple.


Le 16/11/22 à 09:22
modifié 16/11/22 à 09:22