La sociologie est-elle encore importante aujourd’hui ?

La sociologie est-elle encore importante aujourd’hui ?

Le 13/01/22 à 15:57
modifié 13/01/22 à 15:57
En 2014, Gnamien Konan, alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, proposa une série de réformes pour une meilleure employabilité et compétitivité des étudiants diplômés sur le marché de l’emploi.

Parmi ces mesures figurent l’apprentissage de l’anglais et l’informatique en propédeutique en première année de licence, ce qui reviendrait à faire quatre (4) ans au lieu de trois (3) ans.

En outre, il a suggéré du moins la suppression sinon la suspension de certains départements, notamment ceux des Lettres et Sciences humaines qui, pour lui, ne présentent aucun exutoire en matière d’emploi.

Bien entendu, il y eut une levée de boucliers de certains responsables de ces départements contre cette ingénierie pédagogique, qui voyaient dans les mots du ministre un pied de nez et une insulte à ce qui justifie leurs efforts intellectuels.

En janvier 2019, de retour des Etats-Unis où, grâce à une bourse d’échange du gouvernement américain, le Hubert H. Humphrey (HHH) Fellowship, j’ai pu me perfectionner en éducation pour la carrière et en développement professionnel, j’eus une rencontre très fructueuse avec l’ancien ministre pour évoquer la thématique de l’employabilité des étudiants diplômés.

Lorsqu’il sut que j’étais sociologue, il s’empressa de s’excuser pour dire qu’en son temps, il n’avait pas affirmé que le département de sociologie devrait figurer parmi les filières qu’on devait suspendre, mais qu’il voulait qu’on lui démontre qu’avec un tel champ d’études, les étudiants pourraient se faire valoir efficacement sur le marché du travail.

Bien évidemment, je n’étais nullement dupe de la réflexion de l’ex-ministre. Ce qu’il a soutenu sur les autres champs disciplinaires s’appliquent parfaitement à la sociologie. Non que la sociologie soit identique aux disciplines littéraires ou aux sciences humaines, mais la profonde méconnaissance de cette discipline des sciences sociales qui, pourtant, est d’une importance capitale dans la compréhension des sociétés, est frappante.

Dans son acception la plus générale, la sociologie consiste en « l’étude des relations, actions et représentations sociales par lesquelles se constituent les sociétés. » En d’autres termes, elle vise à comprendre comment les sociétés fonctionnent et se transforment (https://socio.umontreal.ca/departement/quest-ce-que-la-sociologie/).

Elle se caractérise par son approche des phénomènes (l’approche de la science) et par son sujet (l’interaction humaine). C’est à juste titre qu’elle est définie comme une étude scientifique de l’interaction humaine.

En tant que discipline, c’est-à-dire possédant « un ensemble de méthodes d’observation, de manières de penser et de cadres d’analyse en évolution », ses champs d’application couvrent une large gamme de domaines comme, entre-autres, l’identité et la citoyenneté, l’intégration sociale et la discrimination, la migration, les stratégies d’existences dans les pays en voie de développement, les transformations des mœurs sociales, la biotechnologie et d’autres nouvelles technologies, la renaissance de la religion, les transformations dans les conditions de travail, la santé publique, la croissance des inégalités sociales, les rapports entre le privé et le public, les vogues, la mode, la culture populaire, etc.

Ceci étant, à travers une panoplie d’outils et de méthodes de collecte et d’analyse des informations, le sociologue étudie les mécanismes régissant « les rapports entre les individus et les groupes et les relations propres à un groupe donné ».

A prendre les choses en général, « le sociologue alerte des dangers pour l’existence de la société d’un trop grand écart entre les principes qu’elle affiche et la réalité que les gens vivent. »

Il n’est pas surprenant que tout projet de développement, entre autres, doit faire l’objet d’une étude préalable de besoins en vue d’« identifier les exigences du projet et à faire le point sur les éléments attendus ».

Sous ce rapport, toute structure où il y a interaction humaine devrait avoir recours à l’expertise d’un sociologue pour non seulement rendre compte du fonctionnement de cette structure et lui donner sens, mais encore pour « prédire » son évolution par la facture d’anticipation et de changement que cette discipline imprime à ses investigations.

Dr Rémi Kouamé Oussou,

Sociologue, Enseignant-Chercheur à

l’Université Alassane Ouattara de Bouaké

Expert en développement professionnel des étudiants

Le 13/01/22 à 15:57
modifié 13/01/22 à 15:57