19 septembre 2002-19 septembre 2021 : 19 ans après, le souvenir douloureux d’un septembre noir

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19 septembre 2002-19 septembre 2021 : 19 ans après, le souvenir douloureux d’un septembre noir

Le 19/09/21 à 16:12
modifié 19/09/21 à 16:12
En septembre 2002, pour la première fois dans l’histoire de la Côte d'Ivoire, un ancien Chef d’État, le général Robert Guéi, auteur du coup d’État de décembre 1999, est assassiné. Le même jour, le ministre d'État, ministre de l'Intérieur Boga Doudou est également assassiné. Dans la folle nuit du 18 au 19 septembre 2002, il faut rappeler que les Colonels Daly Oblé et Dagrou Loula respectivement commandants militaires des régions de Bouaké et de Korhogo ont été tués par les assaillants. Le président du Rassemblement des républicains (Rdr), Alassane Ouattara, actuel Président de la République va échapper à une tentative d'assassinat. Son aide de camp sera sommairement abattu sans aucune forme de procès. En cette nuit où la ville d'Abidjan est prise en tenaille le producteur, musicien et arrangeur ivoirien, Marcellin Yacé a été abattu par les assaillants. 19 ans après, Guillaume Soro qui a conduit la rébellion issue du 19 septembre 2002 estime qu’il « paie sa part de responsabilité à la société ».

Retour sur le témoignage de Mme Dominique Ouattara

Dans le quotidien "Le Patriote" du 14 avril 2003, Mme Dominique Ouattara actuelle Première dame de Côte d’Ivoire témoigne. Morceaux choisis: « J'ai reçu un coup de téléphone. Mon correspondant m'a dit: "ils ont liquidé le général Gueï, sa femme et toute sa famille, dix-neuf personnes en tout, et ils se dirigeraient vers vous". Je n'ai pas pris cette information au sérieux en me disant que nous n'étions pas concernés. J'en ai parlé à mon époux qui m'a dit qu'il ne s'agissait que de manœuvres d'intimidation.

Ensuite, il y a eu des bruits persistants. Plusieurs personnes ont appelé Alassane pour dire qu'il y avait des chars qui faisaient manœuvre vers notre résidence. Il a appelé le ministre de la Défense d'alors, et le chef d'État-Major. Il leur a fait part des informations qu'on lui a données et a demandé de quoi il s'agissait. Ils ont répondu qu'il n'y avait rien à craindre et ont proposé d'envoyer deux officiers pour s'assurer qu'il n'y avait pas de problème (...)

Vers 14 heures 45, les chars étaient devant la résidence dont un char bleu, baptisé Comoé. Ils commençaient à défoncer le portail. Et c'est à ce moment-là que la sécurité nous a dit qu'ils étaient fortement armés et étaient venus avec des airs belliqueux. La sécurité nous a donc demandé d'aller chez notre voisin, l'ambassadeur d'Allemagne. Ce que nous avons fait. C'était d'autant plus pénible qu'il ne s'agissait pas de la première fois. Nous l'avions déjà vécu en octobre 2000 (...) Entre temps, les militaires devant le portail menaçaient à nouveau d'investir l'ambassade. Il était 22 heures 30. C'est ainsi que mon époux m'a prise de côté. Il m'a dit ceci: "je sais ce qu'ils ont fait chez Guéi, ce qu'ils ont fait à toute sa famille. Je ne veux pas que la même chose vous arrive ici. Nous sommes ici 16 personnes avec l'ambassadeur et sa femme. Je préfère aller me rendre". Il voulait se livrer pour nous protéger.

C'étaient des moments très difficiles, les plus difficiles... Je me suis opposée à sa démarche. Sinon, nous partirions à deux, lui ai-je dit. Monsieur et Madame Toungara nous ont beaucoup aidés à traverser ces moments. Ils se sont interposés aussi. Eux aussi ont dit : "nous ne sommes pas d'accord. Nous restons ensemble ou c'est ensemble que nous y irons". Des moments vraiment douloureux où Alassane est carrément venu me faire ses adieux... (Elle s'arrête de parler un moment au bord des larmes, puis se reprend). Renaud Vignal, entre temps, a téléphoné pour dire: "je viens de recevoir un appel du Président Chirac. Il me demande d'aller vous chercher moi-même". Alassane a répondu simplement: "je vous en remercie. J'espère que quand vous arriverez, je serai encore en vie"... Nous étions vraiment à deux doigts du pire (...) »

La naissance d’une rébellion armée

En effet, cette tentative de coup d’État du 19 septembre 2002 qui s’est très vite muée en rébellion armée a divisé le pays. La zone sud entre les mains du gouvernement et la zone centre, nord et ouest entre les mains de la rébellion. Pour le 19e anniversaire de cette triste page de la Côte d'Ivoire, la minute de silence imposée au temps du régime Gbagbo, n'aura pas été respectée.

Dans les zones Centre, nord et ouest (Cno) le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire devenu plus tard les Forces nouvelles dirigées par Guillaume Soro sont accusées d’exactions par le camp gouvernemental. Tandis que dans la zone sous contrôle de l’Etat, les populations devront s’accommoder désormais avec les escadrons de la mort et les tueries organisées de personnalités politiques et militaires. A la recherche de la paix, la Côte d’Ivoire signera de nombreux accords, entre autres, ceux de Lomé, de Linas Marcoussis, d'Accra I et II, de Pretoria I et II et l’accord politique de Ouagadougou qui a fait de Guillaume Soro, Premier ministre de Côte d’Ivoire.

Une crise postélectorale qui a fait 3000 morts

Après une dizaine d’années de crise militaro-politique, la Côte d’Ivoire va encore sombrer dans la violence avec une crise post-électorale qui aura fait officiellement 3000 morts, selon les Nations unies. Victorieux de la présidentielle du 28 novembre 2010 contre le Président sortant Laurent Gbagbo, le candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), Alassane Ouattara, est désormais le nouveau Président de la République. Le procès de Laurent Gbagbo contre qui pesaient des soupçons de crimes contre l’humanité à la Cour pénale internationale (Cpi) à la Haye a abouti à son acquittement.

Guillaume Soro : « Je paie ma part de responsabilité à la société... »

Dans post sur sa page officielle Facebook, ce dimanche 19 septembre 2021 intitulé, « Méditation d’exil sur le 19 septembre 2002, 19 ans plus tard », Guillaume Soro qui a conduit la rébellion écrit : « 19 ans après, chaque camp peut faire le bilan. Jeter la pierre à l’autre est un vieux réflexe humain. Et chaque camp peut choisir de nous condamner, c’est leur droit et c’est plus facile! Et je l’accepte et je l’assume. Certains de mes compagnons peuvent même en avoir opportunément honte aujourd’hui et se défausser sur le baudet. Là aussi je l’accepte et je l’assume. La vie est ainsi faite. La victoire a plusieurs pères et la défaite est orpheline. »

Aujourd’hui, l’ex-président de l’Assemblée nationale estime qu’il « paie sa part de responsabilité à la société ». A l’en croire, il accomplit avec discipline sa traversée du désert.

N.B : Publié en septembre 2018, ce texte a été actualisé ce 19 septembre 2021


Le 19/09/21 à 16:12
modifié 19/09/21 à 16:12