L'éditorial de Venance Konan : Et maintenant...

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L'éditorial de Venance Konan : Et maintenant...

Le 21/06/21 à 11:26
modifié 21/06/21 à 11:26
Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique.

Et la voix prononce que l’Europe nous a, pendant des siècles, gavés de mensonges et gonflés de pestilences, car il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie, que nous n’avons rien à faire au monde, que nous parasitons le monde, qu’il suffit que nous nous mettions au pas du monde. Mais l’œuvre de l’homme vient seulement de commencer et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre, éclairant la parcelle qu’a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite ». Aimé Césaire (Cahier d’un retour au pays natal). Et nous voici nous aussi, Ivoiriens, les cheveux crépus ou défrisés dans le vent, avec nos petites mains dans le poing énorme de notre pays, dans l’attente de la réalisation de nos rêves. Nos héros sont tous là, bien fatigués par le poids des années et des épreuves. Mais c’est d’eux que nous attendons les mots de la délivrance. Parlez, dites seulement un mot, une parole et nous serons guéris. Pendant ce temps, la relève piaffe d’impatience. Certains cherchent à brûler les étapes et se brûlent les ailes. Grillés. Pour longtemps ? Pour toujours ? Pour un certain temps en tout cas. Il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur. Mais il faut savoir conquérir. Nous rêvons nous autres, pour le moment, très modestement, de nous réconcilier. Chaque peuple a ses ambitions. Depuis dix ans, nous étions fâchés. Parce que l’un des nôtres qui avait refusé de reconnaître sa défaite avait quelques ennuis avec la justice internationale. Mais par la grâce de Dieu, il est de retour parmi les siens. « Alléluia ! Kyrie eleison...leison...leison, Christe eleison...lei-son...leison », Aimé Césaire (Cahier d’un retour au pays natal). Oh que grande fut la ferveur ! Qui retomba aussitôt. Maintenant on fait quoi ? Nous avions tout suspendu dans l’attente de ce retour mythique. Il est venu. Et après ? Sommes-nous toujours fâchés ? Si oui, pour combien de temps encore ? Si non, que doit-on faire ? Nous avons intérêt à nous dépêcher parce que ça urge. Les terroristes islamistes sont déjà dans notre pays et le décompte macabre a commencé. Et quand on voit dans quel français écrivent nos enfants et la moralité de bon nombre d’entre eux, il ne faudrait pas s’étonner qu’ils choisissent de devenir des djihadistes, parce qu’ils trouveraient cela plus rentable. L’argent en vitesse, avec une flopée de femmes vierges en perspective. Mettons-nous debout ! Mettons nos petites mains dans le poing énorme de notre pays et allons, nous aussi, au rendez-vous de la conquête. Il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie. Commençons par nous libérer. Libérons nos femmes de la tyrannie du mortier et du pilon. Petite conquête peut-être, mais ce sera une grande victoire pour l’Afrique tout entière. Libérons aussi nos parents paysans de la dictature de la machette et de la daba. Il existe des instruments plus modernes et moins épuisants. Où êtes-vous, ingénieurs africains formés à grands frais ? Où êtes-vous, inventeurs africains ? Cessez, bon sang, de réinventer ce que les autres ont déjà inventé. La voix dit qu’aucune race ne possède le monopole de l’intelligence. Qu’avons-nous fait de la nôtre ? Qu’attendons-nous pour adapter notre école à nos besoins ? Pourquoi nous entêtons-nous à former à grands frais nos jeunes gens dans des filières qui, nous le savons pertinemment, ne leur fourniront aucun emploi et surtout dont nous n’avons pas besoin ?Depuis bientôt trente ans, nous nous sommes focalisés sur le mot réconciliation. Nous avons régulièrement organisé de grandes messes pour la retrouver. Mais elle n’est pas venue au rendez-vous. Peut-être parce que ce n’est pas d’elle que nous avons le plus besoin. Peut-être parce que notre vrai problème se trouve ailleurs et s’appelle simplement conquête du pouvoir. A chaque peuple ses ambitions.



Le 21/06/21 à 11:26
modifié 21/06/21 à 11:26