
Selon Venance Konan, "Le problème que constitue notre émigration pour les Européens est que si nous ne sommes pas très nombreux, nous sommes cependant très visibles et très pauvres"
Selon Venance Konan, "Le problème que constitue notre émigration pour les Européens est que si nous ne sommes pas très nombreux, nous sommes cependant très visibles et très pauvres"
L'éditorial de Venance Konan: Peut-on empêcher l’émigration des Africains ?
Il y a deux jours, j’ai participé à un petit-déjeuner débat organisé par le bureau de l’UNESCO à Abidjan, dont le thème était « autonomiser les jeunes en Afrique, à travers les médias et la communication ». Il s’agissait en gros de voir comment la presse pourrait contribuer à lutter contre la migration irrégulière et la traite des êtres humains.
Ce fut l’occasion d’un riche débat sur cette difficile problématique qu’est l’émigration, particulièrement celle des Africains vers l’Europe. S’il est vrai que selon les statistiques, près de 85% des migrations africaines se font entre pays africains, ce sont les 15% restantes qui attirent l’attention et posent problème. Parce qu’elles se font de l’Afrique vers l’Europe, ce qui crée des tensions politiques dans plusieurs pays européens, alimente le racisme, et se font le plus souvent dans des conditions dramatiques.
Les images que nous recevons de cette migration africaine vers l’Europe nous gênent, nous Africains. Non, nous ne sommes pas fiers de voir de jeunes Africains mendier dans les rues de Casablanca au Maroc, accrochés à des grilles à Ceuta et Melilla pour tenter coûte que coûte de passer en Europe, leur « terre promise », vendus sur des marchés d’esclaves en Libye, ou morts et échoués sur des plages en Europe. Souvent, nous qui vivons plutôt bien dans nos pays, qui avons la possibilité d’aller et venir en Europe sans avoir envie d’y rester, nous ne comprenons pas pourquoi des jeunes gens bien bâtis qui auraient pu réussir dans leurs pays, selon nous, risquent ainsi leurs vies dans le désert et la Méditerranée pour essayer d’atteindre un paradis illusoire. Concernant les craintes des Européens, tous les chiffres indiquent que l’émigration en provenance de l’Afrique subsaharienne est infime par rapport à toutes celles qui déferlent sur l’Europe des autres régions du monde, et nous avons parfois du mal à comprendre ces peurs.
Le problème que constitue notre émigration pour les Européens est que si nous ne sommes pas très nombreux, nous sommes cependant très visibles et très pauvres. Et pour bon nombre d’Européens, leurs pays n’ont pas vocation à accueillir toutes les misères du monde. D’autres craignent tout simplement ce qu’ils appellent le « grand remplacement ». Pour eux, vu que la population européenne est vieillissante et vu que nous nous reproduisons comme des ...Africains (sept à huit enfants par femme, dixit Emmanuel Macron), dans quelques siècles, voire quelques décennies, la belle population blanche, blonde aux yeux bleus et laborieuse d’Europe aura été remplacée par des hordes d’Africains aux cheveux crépus, braillards et malodorants qui passent le plus clair de leur temps à danser.
Notre problème à nous est qu’en même temps que nous déplorons la fuite de nos cerveaux, cordes vocales et muscles, nous sommes bien obligés de reconnaître que les conditions de vie dans nos pays sont loin d’être parmi les plus attrayantes au monde. Peut-on reprocher à un jeune Malien, Burkinabé, Nigérien ou Nigérian, quotidiennement menacé de décapitation, d’amputation, de lapidation et de coups de fouet pour la moindre vétille, un jeune dont les voisins ont été massacrés par des djihadistes sous ses yeux, qui n’a plus rien à manger chez lui, peut-on lui reprocher de chercher à fuir son pays pour aller là où l’on dit que ça ressemble à un paradis sur terre et qu’il sera protégé ? Nous parlons de paradis illusoire, de miroir aux alouettes. Mais qu’est-ce qui peut être pire pour lui qui vivait quotidiennement l’enfer ?
Souffrir en traversant le désert ou la mer, risquer de perdre sa vie, mendier, dormir dans les rues d’Europe ? Peut-on également reprocher à un jeune Nigérien d’Arlit, là où l’on extrait l’uranium qui fournit l’électricité à la France, lui qui cependant vit dans l’obscurité, la radioactivité et toutes sortes de maladies, lui pour qui trouver de l’eau à boire est tous les jours une épouvantable corvée, peut-on lui reprocher de vouloir aller voir les lumières que produit son uranium, là où il suffit de tourner un robinet pour avoir de l’eau ? Peut-on reprocher à un jeune Ivoirien qui survit difficilement en travaillant toute la journée sous le soleil avec une machette et une daba dans une plantation de cacao de Soubré ou en gérant une cabine téléphonique à Yopougon, d’avoir envie d’aller voir le pays où l’on mange du chocolat et d’où viennent les cartes téléphoniques qu’il vend ? Là où le terrorisme ne sévit pas, ce sont souvent des dictatures qui ne sont pas moins criminelles que les djihadistes qui contrôlent les pays. Et souvent ces dictatures sont soutenues par les pays riches d’Europe, d’Amérique ou d’Asie. Quant aux peurs des Européens, qu’y pouvons-nous ? N’ont-ils pas eux-mêmes remplacé les populations d’Amérique, de Namibie, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande en les massacrant ? Chercherions-nous à aller vivre chez eux si nos matières premières étaient payées à des prix nous permettant de vivre décemment chez nous ?
De nombreux pays d’Europe font de gros efforts pour aider les jeunes Africains à rester chez eux. Mais cela restera des mesures cosmétiques tant que l’on n’aura pas traité les grosses questions structurelles, qui sont d’ailleurs interconnectées, que sont l’insécurité, nos dictatures, la mauvaise gouvernance, et le sous-développement continu de nos pays induit par nos matières premières achetées à vils prix par les pays du nord.
Peut-on empêcher l’émigration des Africains ?
Les images que nous recevons de cette migration africaine vers l’Europe nous gênent, nous Africains. Non, nous ne sommes pas fiers de voir de jeunes Africains mendier dans les rues de Casablanca au Maroc, accrochés à des grilles à Ceuta et Melilla pour tenter coûte que coûte de passer en Europe, leur « terre promise », vendus sur des marchés d’esclaves en Libye, ou morts et échoués sur des plages en Europe. Souvent, nous qui vivons plutôt bien dans nos pays, qui avons la possibilité d’aller et venir en Europe sans avoir envie d’y rester, nous ne comprenons pas pourquoi des jeunes gens bien bâtis qui auraient pu réussir dans leurs pays, selon nous, risquent ainsi leurs vies dans le désert et la Méditerranée pour essayer d’atteindre un paradis illusoire. Concernant les craintes des Européens, tous les chiffres indiquent que l’émigration en provenance de l’Afrique subsaharienne est infime par rapport à toutes celles qui déferlent sur l’Europe des autres régions du monde, et nous avons parfois du mal à comprendre ces peurs.
Le problème que constitue notre émigration pour les Européens est que si nous ne sommes pas très nombreux, nous sommes cependant très visibles et très pauvres. Et pour bon nombre d’Européens, leurs pays n’ont pas vocation à accueillir toutes les misères du monde. D’autres craignent tout simplement ce qu’ils appellent le « grand remplacement ». Pour eux, vu que la population européenne est vieillissante et vu que nous nous reproduisons comme des ...Africains (sept à huit enfants par femme, dixit Emmanuel Macron), dans quelques siècles, voire quelques décennies, la belle population blanche, blonde aux yeux bleus et laborieuse d’Europe aura été remplacée par des hordes d’Africains aux cheveux crépus, braillards et malodorants qui passent le plus clair de leur temps à danser.
Notre problème à nous est qu’en même temps que nous déplorons la fuite de nos cerveaux, cordes vocales et muscles, nous sommes bien obligés de reconnaître que les conditions de vie dans nos pays sont loin d’être parmi les plus attrayantes au monde. Peut-on reprocher à un jeune Malien, Burkinabé, Nigérien ou Nigérian, quotidiennement menacé de décapitation, d’amputation, de lapidation et de coups de fouet pour la moindre vétille, un jeune dont les voisins ont été massacrés par des djihadistes sous ses yeux, qui n’a plus rien à manger chez lui, peut-on lui reprocher de chercher à fuir son pays pour aller là où l’on dit que ça ressemble à un paradis sur terre et qu’il sera protégé ? Nous parlons de paradis illusoire, de miroir aux alouettes. Mais qu’est-ce qui peut être pire pour lui qui vivait quotidiennement l’enfer ?
Souffrir en traversant le désert ou la mer, risquer de perdre sa vie, mendier, dormir dans les rues d’Europe ? Peut-on également reprocher à un jeune Nigérien d’Arlit, là où l’on extrait l’uranium qui fournit l’électricité à la France, lui qui cependant vit dans l’obscurité, la radioactivité et toutes sortes de maladies, lui pour qui trouver de l’eau à boire est tous les jours une épouvantable corvée, peut-on lui reprocher de vouloir aller voir les lumières que produit son uranium, là où il suffit de tourner un robinet pour avoir de l’eau ? Peut-on reprocher à un jeune Ivoirien qui survit difficilement en travaillant toute la journée sous le soleil avec une machette et une daba dans une plantation de cacao de Soubré ou en gérant une cabine téléphonique à Yopougon, d’avoir envie d’aller voir le pays où l’on mange du chocolat et d’où viennent les cartes téléphoniques qu’il vend ? Là où le terrorisme ne sévit pas, ce sont souvent des dictatures qui ne sont pas moins criminelles que les djihadistes qui contrôlent les pays. Et souvent ces dictatures sont soutenues par les pays riches d’Europe, d’Amérique ou d’Asie. Quant aux peurs des Européens, qu’y pouvons-nous ? N’ont-ils pas eux-mêmes remplacé les populations d’Amérique, de Namibie, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande en les massacrant ? Chercherions-nous à aller vivre chez eux si nos matières premières étaient payées à des prix nous permettant de vivre décemment chez nous ?
De nombreux pays d’Europe font de gros efforts pour aider les jeunes Africains à rester chez eux. Mais cela restera des mesures cosmétiques tant que l’on n’aura pas traité les grosses questions structurelles, qui sont d’ailleurs interconnectées, que sont l’insécurité, nos dictatures, la mauvaise gouvernance, et le sous-développement continu de nos pays induit par nos matières premières achetées à vils prix par les pays du nord.
Peut-on empêcher l’émigration des Africains ?