Université Félix Houphouët-Boigny: Une crise éclate entre l’Auc et le Crou

Université Félix Houphouët-Boigny: Une crise éclate entre l’Auc et le Crou

Dans la plupart des grandes universités du monde, les activités socioculturelles et sportives occupent une place de choix chez les étudiants. Ce qui explique certainement la naissance de l'Abidjan université club (Auc), dès 1966. Malheureusement, au fil du temps, ce grand club omnisports (18 sections) qui devait aider à concilier sport et études est en proie à mille et une difficultés sur le campus. Certains dirigeants de l’université ne veulent plus la voir prospérer.

Quand d’autres veulent qu’elle s’efface au profit d’une nouvelle entité : Houphouët-Boigny université club (Hbuc) et les associations sportives des différentes Ufr (As) créées dans le cadre de la réorganisation de l’Office ivoirien des sports scolaires et universitaires (Oissu).

Le mal s’est accentué après la crise que la Côte d’Ivoire a connue. Surtout après la crise post-électorale suivie de la fermeture de l’université pour réhabilitation. « A l’ouverture, la direction du Centre des œuvres universitaires, à travers la sous-direction chargée du Sport et de la culture, sous la houlette de Ouattara Ousseyni et son adjoint d’alors, Dao Lacina, ne voulait plus sentir l’Auc », se souvient Balla Coulibaly, l’actuel président central de l’Abidjan université club. Etudiant en Master 2 de criminologie, le jeune adepte de sport, en particulier de rugby, qui a hérité du club le 23 janvier 2018, le protège comme un fétiche. Et les raisons d’agir ainsi ne manquent pas.

Une école de la vie

Pour lui, l’Abidjan université club fait partie du patrimoine de ce temple du savoir ivoirien. Un club qui a vu défiler la plupart des hauts cadres de la Côte d’Ivoire et révélé plusieurs athlètes de haut niveau. « L’Auc est une véritable école de la vie. Au-delà de l’esprit d’équipe, de la combativité, de l’abnégation et du leadership qu’il enseigne, ce club est une école de formation par excellence. En ce sens qu’il aide à développer des qualités et compétences transversales qui peuvent s’appliquer au monde du travail. Le directeur général actuel des Douanes ivoiriennes est un ancien de l’Auc. L’ex-ministre Bamba Cheick Daniel, actuel directeur général de l’Agence foncière rurale (Afor), est le fondateur de l’Auc taekwondo. Le président de la Fédération ivoirienne de taekwondo (Fitkd), l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Albert Mabri Toikeusse ; Idriss Yacine Diallo, l’ancien vice-président de la Fédération ivoirienne de football et bien d’autres sont sortis du moule de l’Auc », raconte Balla Coulibaly qui occupe un poste de choix au sein du bureau exécutif de la Fédération ivoirienne de rugby (Fir). « A l’Auc, nous apprenons déjà à assumer des responsabilités à un certain niveau », poursuit-t-il.

Abandonné à son sort

Malheureusement, l’institution qui a fait les beaux jours de l’université d’Abidjan est orpheline. « Si l’Auc respire encore, c’est bien grâce à notre engagement et à notre détermination, mais aussi grâce à quelques bonnes volontés et à des passionnés du sport universitaire. Ce sont eux qui nous aident à maintenir l’institution. La subvention accordée à l’université pour permettre aux étudiants de pratiquer le sport de haut niveau est bloquée. Du coup, parce qu’il n’y a aucun intéressement, les étudiants qui voudraient bien défendre les couleurs de l’Auc s’orientent vers d’autres clubs civils qui leur proposent un projet bien meilleur. Tout cela a concouru à la chute de l’Auc. Mais nous tenons bon », rassure le successeur de Katchénépié Yéo (2015-2018) qui voit dans l’hostilité du Crou et de la présidence de l’université, un complot contre l’Auc.

Surtout que dans la mouvance, un nouveau club omnisports a vu le jour sur le Campus: Houphouët-Boigny université club (Hbuc). « Sinon, comment comprendre que malgré nos différentes démarches, les autorités de l’université restent fermes sur leur position ? Nous pouvons comprendre leur refus d’accompagner financièrement l’Auc, mais aller jusqu’à nous interdire l’accès à des infrastructures pendant que l’autre club bénéficie de subvention est cruel », dénonce-t-il. Avant d’évoquer le séminaire de Bingerville.

De la création d’une plate-forme commune et unique

Le 18 juillet dernier, le directeur général du Centre régional des œuvres universitaires de l'université Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan-Cocody (Crou A-1), Jean Debadea Blé Guirao et toutes les associations sportives réunies ont décidé de créer une plate-forme qui parlera désormais au nom des associations sportives. 

Les trois entités, Auc, Hbuc et les As sur le campus, bien que d’accord pour la naissance de cette plate-forme commune qui va gérer leurs intérêts, ne se sont pas accordées sur son appellation. Elles en ont débattu en présence de Mamadou Souleymane Koné, directeur général de l’Office ivoirien des sports scolaires et universitaires (Oissu).

Pour Balla Coulibaly, ce conclave visait à dissoudre son club. « Ils veulent créer une équipe de l’université Félix Houphouët-Boigny avec pour champ d’action l’Oissu et les compétitions interuniversitaires. Cette équipe ne s’engagerait pas dans les championnats nationaux civils. Du coup, la subvention de l’Etat irait à cette nouvelle structure pour les compétitions de l’Oissu. Ce que nous ne comprenons pas, l’Auc a toujours pris part aux compétitions de l’Oissu d’où sont sortis de grands champions », déclare le patron de l’Auc décidé à remettre le club sur pied.

Vers le bout du tunnel…

Petit à petit, avec les membres de son bureau, Balla Coulibaly a reconstitué les différentes sections du club. Le bilan présenté lors de l’assemblée générale, le 23 janvier dernier, note, à ce jour, 18 sections réparties en 4 catégories de sport (collectif, individuel, combat et paralympique).

Un bilan teinté d’initiatives, de rencontres et de distinctions. Avec des prix, notamment au tennis, tennis de table, badminton, judo, taekwondo, shotokan, handisports et en athlétisme. « Nous avons placé notre mandat sous le signe de la redynamisation de l’Auc et je peux vous assurer que l’Auc revient en force », lance Balla Coulibaly qui, mercredi dernier, était au siège de la Fédération ivoirienne de football (Fif) pour régler les derniers détails de la réaffiliation du club à la faîtière nationale du ballon rond.

« Dieu merci, nous y avons trouvé un de nos anciens, le préfet hors grade Jean-Baptiste Sam Etiassé. D’ailleurs, c’est lui qui s’est chargé de payer l’amende dont la section football devait s’acquitter depuis 2005, date de la dernière apparition de l’Auc sur un terrain de football », confie-t-il.

L’Auc qui était alors en D3 a dégringolé en Division d’honneur et aujourd’hui, elle doit repartir de zéro, dès fin d’août. « La section natation est également de retour, malgré des soucis avec l’administration pour avoir accès à la piscine de l’université. Nous avons constitué une belle équipe de nageurs », souligne le président Balla Coulibaly. Il rappelle que les autres sections telles que le rugby, le basket-ball, l’athlétisme, le tennis de table, le tennis et, surtout, les arts martiaux se portent à merveille.

Plus de tickets de resto et de chambres gratuits

Sans grands moyens et dans l’adversité, le président Balla Coulibaly et ses équipes n’ont que des arguments verbaux pour convaincre les étudiants de venir au sport.

« Avant, les athlètes étaient attirés par les tickets de restauration ainsi que les facilités pour obtenir une chambre d’étudiant. Mais aujourd’hui, nous sommes obligés de développer d’autres arguments. A savoir qu’adhérer à l’Auc et participer à des compétitions nationales permet d’avoir une visibilité plus large et des opportunités pour faire une carrière sportive de haut niveau. Le cas récent du footballeur Franck Kessié, qui évolue aujourd’hui au sein du mythique club italien de Milan Ac, est saisissant. Et de tels exemples sont légion », a indiqué Balla Coulibaly.

PAUL BAGNINI