Sport ivoirien : CES EXPATRIES QUI ONT ENVOÛTE LES ESPRITS

Sport ivoirien : CES EXPATRIES QUI ONT ENVOÛTE LES ESPRITS

  Sport ivoirien : CES EXPATRIES QUI ONT ENVOÛTE LES ESPRITS  

 Le sport ivoirien, à l’image de celui de bien d’autres pays, n’évolue pas en vase clos. Il accueille régulièrement, des joueurs venus d’autres contrées de l’Afrique. Cette politique a fait son effet pendant plus de trois décennies.  

Du Libérien Santos Brown au Guinéen Koivogui Alhassan en passant par le Guinéen Sam Turray alias Cissé Aliou, le Camerounais Joseph Antoine Bell, les Sierra-Léonais Brima Camara et Ismaël Dyfan, les Nigérians Rashidi Yékini, Okolossi Gabriel, Thompson Oliha, Stephen Keshi, Henry Owusu, Ibé Johnson, Tarila Okorowanta, Akeem Ogunlade Akoko (que nous appelions affectueusement la Tulipe noire), John Zaky, les Ghanéens James Smith, Ebo Mends, Justice Moore, Dan Foster Kodjo, Samson Lamptey, Kofi Badu, Albert Asase, les Togolais Tommy Sylvestre et Ali Alassani, les Congolais Brice Samba et Sylvain Mounkassa. Sans oublier les handballeuses Olivia Auta (Nigeria), Nadia Loubacky, Mbon Chantal, Bouity Béatrice, Traoré Fanta (Congo-Brazzaville), Mbah Ursule (Cameroun) et Mwasessa Christiane (République démocratique du Congo) tous ont marqué de leur talent et de leur classe, l’histoire du sport ivoirien durant trente ans (1975-2005).  Partout où ils se sont produit avec leurs clubs respectifs, ces étrangers ont enthousiasmé le public. Par des gestes spectaculaires, des buts décisifs, leur personnalité, leur comportement exemplaire sur le terrain et en dehors, ces artistes ont été de dignes ambassadeurs de leurs pays respectifs en Côte d’Ivoire. Dans les années 70, 80 et 90, ils se sont particulièrement distingués. Enrôlés à prix d’or, ils ont su jouer leur partition. Le rendement de certains a même dépassé les espérances de leurs employeurs.

  Santos Brown, Sam Turray … ouvrent le bal 

  L’international libérien, Santos Brown recruté par l’Asec en 1975 pour essayer de combler le vide laissé par Laurent Pokou (l’Empereur baoulé), parti monnayer son talent à Rennes (France) a convaincu. Grâce à sa force de pénétration, sa frappe lourde des pieds, son excellent jeu de tête et son sens du but, il fut un danger permanent pour les défenses adverses. Santos a laissé une bonne image à la grande famille des Jaune et noir.

 Le Guinéen Sam Turray, arrivé à l’Africa en décembre 1976, par ses dribbles étourdissants, sa vitesse phénoménale et son goût du risque, mettait tout le monde à ses pieds pour inscrire des buts d’une rare beauté. En compagnie des Miézan Pascal, Lébry Manahoua Jérôme, Kuyo Téa Narcisse et bien d’autres, le filiforme attaquant venu de Conakry fut le bonheur des Aiglons durant deux saisons avant de poursuivre sa carrière en France où de vilaines blessures l’ont contrarié dans son évolution. Nostalgique, des sportifs ivoiriens se souviennent encore de son premier match de championnat (en 1976) contre le Gonfreville Alliance club (Gac) de Bouaké (devenu Ascb); qui comptait dans ses rangs des éléments confirmés tels que Kobena Kouma, Zogbo Tapé Sévérin, Séry Henri et Mompoho Jean-Baptiste. Ce jour-là, Sam Turray, à lui tout seul, avait marqué quatre des cinq buts de son équipe. Kobena et ses coéquipiers avaient riposté à trois reprises (5-3).

«Je ne connaissais pas ce Cissé Aliou devenu plus tard Sam Turray. J’avoue que ce jour-là, il nous en a fait voir de toutes les couleurs. Rien ne pouvait l’arrêter. Je ne l’oublierai jamais. Dommage pour l’Africa que cet attaquant redoutable y soit parti tôt!», témoigne Mompoho Jean-Baptiste, le défenseur central de charme d’alors de l’équipe bouakéenne.                        

 La personnalité de Bell, Brima-Dyfan, le duo infernal

  Le Camerounais Joseph Antoine Bell, en plus de son talent et de son intelligence avait de la personnalité. De sa ligne de but, il dirigeait toute l’équipe. Gardien de but de grande classe, «JO » était également un spécialiste des penalties. Une qualité qui lui a permis de terminer parmi les meilleurs canonniers de la saison 1981-1982 avec huit buts. Sa présence a permis aux Aiglons de réussir une belle campagne en Coupe d’Afrique en 1982 en atteignant les quarts de finale. L’Africa fut éliminé par l’Arab Contractor’s d’Egypte.

 Quant aux Sierra-Léonais Brima Camara et Ismaël Dyfan, ils se distinguaient respectivement par leur efficacité et leur aisance technique. Brima était une machine à buts et Dyfan, un artiste qui, par sa technique racée, savait diriger la manœuvre vert et rouge. Monguéhi Guéhi François, ancien défenseur international de l’Asec et de l’Africa (devenu entraîneur) en sait quelque chose. «Brima m’a marqué. Il fut un grand attaquant qui savait se faire oublier et surgir au moment opportun pour faire mouche. Quand nous jouions contre l’Africa à l’époque, Guy Gnoan (impitoyable milieu défensif) était commis à la «destruction» de Brima. Malgré ce traitement de choc, l’attaquant sierra-léonais s’en sortait. Il possédait une frappe limpide du pied et un excellent jeu de tête. Nonobstant son sens du placement. C’est l’attaquant étranger qui m’a le plus impressionné».

Pour Ori kpassokro Richard, l’ancien milieu infatigable de la défunte AS Eeci et du Séwé Sports (Mondialiste avec les Eléphanteaux en 1983), c’était un régal de voir Ismaël Dyfan jouer. Il était très élégant balle au pied et savait garder ou lâcher le ballon».           

 La légion nigériane

 Les Nigérians ont été les plus nombreux des expatriés ayant évolué dans le sport ivoirien. Selon les observateurs émérites, Rashidi Yékini, Okolossi Gabriel,Thompson Oliha (Africa), John Zaki, Akeem Ogunlade, Tarila Okorowanta (Asec) et Stephen Keshi (Stade) auront été les plus en vue. «Mais, Rashidi Yékini fut le plus constant et décisif. «Ces atouts étaient la force de pénétration, un tir meurtrier et la discipline dans le travail. La Constance est la qualité essentielle d’un joueur de haut niveau. Et Yékini a été très régulier pendant son parcours à l’Africa (1988-1990). Un adversaire qui n’avait pas la hargne de Yékini craquait. Le Nigérian était omniprésent sur le front de l’attaque des Aiglons et pesait constamment sur les défenses adverses », appréciait Benjamin Djédjé, conseiller spécial à la Fif et ancien entraîneur.

Gabriel Okolossi et John Zaki, c’étaient le culot et l’efficacité et Thompson Oliha et Akeem Ogunlade, l’inspiration, l’intelligence et la technique. Stephen Keshi, capitaine du Stade d’Abidjan (1985-1987) avait de la personnalité et de la classe à revendre.

  James Smith-Justice Moore-Dan Foster, le trio de rêve venu du Ghana

  Le premier a évolué à l’Africa de 1988 à 1995. Dribbleur de charme, Smith savait aussi maîtriser le cuir comme un pinceau. Ses centres ou retraits étaient impeccables. Il fut, avec les Thompson Oliha, Gabriel Okolossi, les grands artisans des sacres de l’Africa en Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe (baptisée Coupe de la Confédération) et en Supercoupe d’Afrique respectivement en 1992 et 1993.

« Notre président d’alors Simplice Zinsou savait nous motiver. Nous étions choyés et cela a permis à l’Africa de gagner de grands combats, de régner sur le plan africain. Pour ma part, je ne regrette pas d’être passé par l’Africa », soutient, avec nostalgie, le Nigérian Gabriel Okolossi (un des buteurs patentés de l’équipe, à l’époque), de passage, récemment, à Abidjan.

 Justice Moore émerveillait par son calme olympien et sa technique dans le bastion défensif de l’Asec de 1979-1980. Ses tacles appuyés et à la limite de la régularité soulevaient les foules. Quant à Dan Foster Kodjo, il brillait par son abattage, son souffle inépuisable et par son efficacité sur les balles arrêtées. Durant son passage à l’Asec, le milieu ghanéen a pleinement joué sa partition.

 Enfin, l’arrivée d’Ali Alassani au Stade d’Abidjan dans les années 1979-1981, a fait énormément de bien à ce club. Il a mis en relief ses grandes qualités d’attaquant moderne, sa puissance et son habilité. De même que son compatriote Tommy Sylvestre, un gardien talentueux.

 En somme, ces ambassadeurs ont laissé une bonne image dans le sport ivoirien. Ils y ont apporté un plus et donné le goût du travail bien fait aux nationaux. «Avec eux, il fallait se battre pour gagner sa place. La concurrence était vive et loyale. Ceux qui affirment que la présence de ces étrangers retarde l’éclosion de nos jeunes joueurs se trompent. Que tu sois jeune ou adulte, il faut te battre pour mériter la confiance de ton entraîneur. Si tel n’est pas le cas, c’est peine perdue», conseille Koné Perreira, entraîneur de football qui vient de poser ses valises dans le championnat béninois de ligue 1.

 Il faut donc rendre hommage aux dirigeants qui ont recruté ces expatriés de valeur. Oui, de valeur. Car certaines recrues étrangères dont l’arrivée a été annoncée en grande pompe ont simplement déçu. Comme c’est le cas de bon nombre ces dernières années. «Nous avons affaire à des touristes maintenant. Les oiseaux rares ne courent plus les rues », regrette Perreira.

                                                                                               JEAN-BAPTISTE BEHI