Me Bamba Cheick Daniel, pdt de la Fitkd : "J’ai un bail de confiance avec les taekwondo’ins"

Me Daniel Cheick Bamba
Me Daniel Cheick Bamba
Me Daniel Cheick Bamba

Me Bamba Cheick Daniel, pdt de la Fitkd : "J’ai un bail de confiance avec les taekwondo’ins"

Vous venez d’être reconduit au poste président. Quelles sont vos priorités pour ce  second mandat ?

Les axes prioritaires sont clairement définis, identifiés. Il s’agit de consolider les acquis du mandat précédent ; de ne pas partir sur du neuf pour aller à l’aventure. Nous allons consolider davantage cette union, cette cohésion au sein du groupe qui est désormais l’une des pierres angulaires de notre action.  Nous devons aussi rendre effective l’application de la grande réforme de l’enseignement du taekwondo que nous avons lancée, depuis quelques mois. Faire en sorte que tous les maîtres de salle se l’approprient. Qu’elle ne soit pas un feu de paille. Nous devons veiller à son application dans les quatre années à venir et faire en sorte qu’elle devienne un réflexe, une pratique inhérente dans tous les passages de grades, dans toutes les formations des compétiteurs ; dans toute la formation qui va accompagner le profil de carrière des enseignants du taekwondo en Côte d’Ivoire. Nous avons commencé à travailler sur la vocation de leadership du taekwondo africain qui a toujours été la place de la Côte d’Ivoire. Ayant reconquis le titre continental, au Cameroun, en 2009, et l’ayant retrouvé de manière éclatante à Madagascar, en 2012, après l’avoir perdu à Tripoli et avec le niveau mondial que nous avons, (2e à la Coupe du monde francophone), nous devons maintenant asseoir un cadre qui permette d’avoir une équipe nationale de haut niveau, des athlètes de niveau olympique.

Comment y parvenir ? 

Pour ce faire, nous avons déjà réhabilité entièrement la salle du Dojang national qui répond aux trois quarts aux normes olympiques.Nous allons mettre en place tout un processus de sélection de nos athlètes pour que cette équipe nationale demeure le fer de lance pour la conquête de certains titres. Nous avons été premiers au plan africain et deuxième plan mondial. Il nous faut aller à la conquête d’une médaille olympique. La deuxième rubrique concerne les perspectives de ce second mandat. C’est le projet olympique. Nous voulons désormais que le taekwondo ivoirien se gère avec une matrice opérationnelle visant à ne plus faire de la  figuration aux Jeux olympiques. Il y aura un tri, une sélection d’athlètes (10 jeunes filles et 10 garçons) qui seront pris en charge par des sponsors, peut-être rémunérés et suivis dans un cadre sport-études à l’Université ou dans leurs écoles respectives. Ils pourront faire le tour des Open que nous aurons identifiés et qui auront des encadreurs rémunérés. Tout cela se fera sur une projection de trois ou quatre ans. Nous allons, sur cette base, nous adresser à des sponsors pour sa réalisation. Ce projet intéresse déjà le ministère. Le plus important pour nous, c’est la construction du Palais du taekwondo qui sera dédié au grand maître Kim et bâti sur une superficie de 2ha. L’architecte Guillaume Coffie a été choisi pour sa réalisation. Nous allons à notre niveau voir comment capter les fonds, les sécuriser pour qu’au bout de ce mandat, nous puissions achever la construction et faire l’inauguration de ce bâtiment que nous voulons comme l’un des fleurons des édifices sportifs en Afrique. Nous avons les moyens de collecter les fonds à notre niveau, parce que nous sommes 30 000 licenciés. Donc nous sommes une force.

Comment comptez-vous réunir les moyens pour construire ce palais du taekwondo et à quel stade êtes-vous avec le projet olympique, puisque vous l’avez mis sur pied dès votre retour de Londres ?

Le projet olympique est prêt sur papier. En laboratoire, il est prêt. Nous allons encore le voir avec le ministre des Sports pour le rendre crédible et acceptable. Il ne faut pas faire un projet utopique qui ne soit pas à la hauteur des appuis que nous voulons demander. Ce projet est une première et donc nous attendons de voir tous les contours avec le ministère. Nous sommes très avancés au niveau conceptuel.

Où comptez-vous trouver les moyens pour le financement des travaux du palais du taekwondo, puisque chaque fois vous évoquez des difficultés financières, la non-participation des  taekwondo’ins à la vie de la fédération ?

J’ai été élu à 100¨%. C’est une première dans les élections des fédérations et les taekwondo’ins se  sont entendus pour qu’il n’y ait pas de candidature opposée à la mienne. Même au scrutin secret, ils ont voté à 141/141 voix. C’est un bail de confiance fort. Et sur cette base-là, nous pouvons dire, avec la vision et la transparence qui ont sous-tendu ma gestion, qu’il est fort possible qu’ils adhèrent au projet. J’ai fait une petite comptabilité. Si nous sommes pessimistes, sur les 30 000 licenciés que nous sommes, supposons que le tiers participe. Cela fait 10.000 taekwondo’ins. Je demande à chacun de déposer 10. 000F chaque trimestre. Nous allons nous organiser pour que ce soit déconcentré. Si nous avons le soutien de Mme le ministre de l’Economie et des Finances et du Dg du Trésor, nous pouvons demander aux trésoriers territoriaux, départementaux du pays d’accepter, comme cela se fait dans le cadre du Hadj, que cette somme soit déposée chaque trimestre dans leurs caisses.  Cet argent sera sur un compte secret du Trésor. Comme nous sommes liés par internet, nous pouvons au bout de trois mois savoir la somme que nous avons collectée. Ça nous fera 100 millions. Nous allons demander à d’anciens taekwondo’ins plus nantis d’apporter leurs contributions à hauteur de 500000 ou 1000 000, selon leurs moyens. Si nous faisons cette collecte trois ou quatre fois dans l’année, nous serons à 300 ou 400 millions. Nous avons un panel de processus pour que cette collecte de fonds se fasse. Pour y parvenir, il faut faire la sensibilisation des taekwondo’ins et leur montrer l’intérêt du projet. Mais, ils verront la maquette ; cela pourrait les inciter à participer. Quand on est seulet qu’on a un projet, c’est un rêve. Mais à plusieurs, on peut soulever des montagnes et je suis confiant quant à la réalisation de ce projet.

A quand prévoyez-vous la pose de la première pierre de ce palais ?

Ce sera le premier en Afrique subsaharienne. J’ai d’ailleurs dit à l’ambassadeur de Corée que nous avons besoin de leur aide parce que c’est un fils de la Corée que nous voulons honorer. Ce projet  pourrait intéresser certaines marques de produits coréens, des institutions et, pourquoi pas, l’ambassade. Nous allons présenter le projet à des sponsors qui voudraient bien avoir leur logo, leur image dans ce temple. Nous avions été approchés par le grand temple dutaekwondo en Corée qui voulait faire une démonstration en Côte d’Ivoire. J’ai préféré reporter cette manifestation de six mois pour en faire un grand événement lors de la pose de la première pierre de notre palais. Nous voulons, à travers cette pose, magnifier l’amitié ivoiro- coréenne.

Vous refusez l’appellation de sport mineur alors que vous êtes classés dans cette catégorie au niveau national et continental. Que comptez-vous faire pour que l’opinion publique accepte la notion de discipline majeure ?

Le taekwondo n’a jamais été un sport mineur. Ce sont les journalistes qui ont fait cette classification. Sinon dans les communiqués gouvernementaux, il n’y a jamais eu ce genre d’appellation. C’est une notion qui est née ex nihilo dans le langage journalistique. Je ne me reconnais pas dans cette classification. Nous sommes plus de 30 000 taekwondo’ins qui dit mieux, à part le football qui est dans tous les villages ? Nous sommes un sport d’éducation à la base. Notre palmarès est le plus élogieux au niveau des médailles. Nous ne nous sentons pas concernés par ce débat. Nous sommes une discipline majeure puisque le Chef de l’Etat, le plus illustre des Ivoiriens, a accepté de porter un Dobok. C’est un signe que nous sommes une grande discipline. Sinon, il n’aurait pas accepté de nous suivre dans l’organisation de la coupe du monde francophone. Il n’aurait pas non plus autorisé nos athlètes à participer à des compétitions internationales. Nous ne nous reconnaissons pas dans ce débat.

Quelle démarche comptez-vous entreprendre pour faire admettre cela au niveau continental ?

Le taekwondo est un sport olympique. Donc il ne peut pas être un sport mineur. C’est un abus de langage. Ceux qui le disent se trompent.

Vous dites que le taekwondo est un sport olympique, pourtant il ne figure pas au nombre des disciplines des jeux de la Francophonie oùvous ne ferez qu’une simple démonstration. Qu’est-ce qui explique cela ?

A la Francophonie, chaque structure a ses exigences. La Francophonie veut s’assurer que le taekwondo est pratiquement francophone. Il y a au moins cent pays qui le pratiquent. Je ne sais pas pourquoi il ne figure pas au nombre jeux de la Francophonie. Je ne sais pas pourquoi ils ont voulu que ce soit un sport de démonstration. Il y a l’Union mondiale de taekwondo qui organise régulièrement des compétitions labélisées, elle est à sa 8e Coupe du monde. Ils viennent en observation pour voir si cette discipline est éligible aux jeux de la Francophonie. Ça va mettre du temps. Ils n’iront pas avec la même rapidité que les olympiades. Mais d’ici peu, le taekwondo rentrera dans la liste des sports à la Francophonie. C’est la France qui préside l’Union mondiale de taekwondo. Ce sont les Français qui organisent tout le taekwondo francophone. Déjà, nous sommes prévus aux jeux de la Cedeao. Le resten’est qu’une question de temps.

Le ministre a décidé de mettre fin à la parafiscalité en instituant un fonds de développement du sport. Comment comptez-vous trouver les moyens et où allez-vous les trouver pour faire tourner votre fédération ?

Le ministre n’a jamais dit qu’il mettait fin à la parafiscalité. Il dit qu’il réorganise la parafiscalité. Elle est prévue dans la loi. Il est en train de réfléchir au mode d’organisation de la parafiscalité, pour que, selon ses objectifs, elle soit mieux gérée. Et qu’elle puisse impacter le développement du sport. Il n’a pas dit qu’il la retire. Sinon pourquoi annoncerait-il qu’il multipliait par trois la somme allouée au taekwondo. Comment peut-on multiplier par trois ce qu’on a supprimé ? Ne nous faites pas peur en nous disant cela. Il veut qu’elle profite véritablement au sport et qu’elle ne serve pas à s’occuper uniquement des dirigeants de fédérations. Il veut faire un tri entre les fédérations véritablement représentés sur le terrain, et ayant un palmarès qui les rendent éligibles à ce denier public. Il veut, en somme, faire un travail de restructuration. Il ne parle pas de suppression.

Comment faites-vous pour financer vos activités en dehors de la parafiscalité ? Est-ce sur cette seule manne que vous comptez pour fonctionner ?

Pas du tout ! Le taekwondo est vieux de 40 ans. Il n’y avait pas de parafiscalité quand le taekwondo a été vice-champion du monde. Cela a été un plus. Nous avons la cotisation des clubs, les licences payées par les athlètes. Il y a les passages de grades sur lesquels la Fédération a un pourcentage. Nous avons l’appui de certains sponsors et jusqu’à présent, c’est l’état qui finance les participations aux compétitions internationales. Au stade où nous sommes, nous avons besoin d’avoir des sponsors et ceux-ci ne peuvent pas être captés par un seul sport. Je ne citerai pas de nom. Il faut qu’on apprenne maintenant à apporter la preuve que certains sports peuvent être de belles affiches pour les sponsors. Nous devons nous battre pour avoir des sponsors en dehors de la parafiscalité. Chaque fois que nous organisons des compétitions, nous faisons en sorte d’avoir des sponsors. Ce n’est pas facile. Les présidents de fédérations sont des mécènes qui financent les activités quelques fois sur fonds propres ou avec l’aide de certains amis. C’est la confiance que vous inspirez aux gens qui permet de vous aider de manière ponctuelle. C’est le parcours du combattant du dirigeant sportif en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas le cas ailleurs comme au Japon, en Corée, aux Etats-Unis, etc., où, on aide spontanément ces sports.

Lors de l’assemblée générale, vous avez évoqué certaines difficultés financières. Quelles sont les raisons, malgré ces difficultés qui vous ont amené à briguer un second mandat ?

C’est la pingrerie !Les maîtres de salle sont restés avec de vieilles thèses selon lesquelles on doit toujours payer 20000F/an. Je leur ai dit que cela n’est plus possible parce qu’il y a de l’argent au taekwondo. J’ai été maître de salle et je sais de quoi je parle. Je les ai informés de ma volonté de claquer la porte en cours de mandat, s’ils ne suivent pas mon élan. Nous aurons un séminaire sur la question du financement. Si chaque club paye 10000F/mois, sur 220 clubs, on peut avoir 2,2 millions/mois si je ne l’abuse. Si on multiplie cela par 12 mois. Ils ont ri. Mais je leur ai dit qu’ils sont habitués à donner peu. Nous allons passer en revue tout cela. Si nous voulons attendre d’avoir de l’argent, en Afrique, des présidents ne viendraient pas à la tête de pays pauvres. C’est ce que je m’évertue à leur expliquer. C’est un combat à mener. Il ne faut pas baisser les bras. On sent, aujourd’hui, qu’ils ont envie. La preuve, tout le monde s’est mis en Dobok pour l’assemblée générale. C’est une première. Il y a un mouvement, une dynamique qui est née.

Etes-vous convaincu d’avoir apporté véritablement quelque chose au taekwondo ?

Je ne vais pas me lancer des fleurs. J’ai été taekwondo’in, j’ai vu les mandats passés. Ce que je vois actuellement n’existait pas. La salle n’existait pas autrefois. On ne parcourait pas autant de pays pour participer aux compétitions. Ils n’étaient pas aussi équipés. Beaucoup a été fait. C’est la raison pour laquelle ils m’ont donné leur quitus. Et l’assemblée générale a démontré ce que nous avons fait.

Interview réalisée par

Élisabeth Goli”