Léon Gbizié (ancienne gloire) : Comment le lion vit ses vieux jours

LEON GBIZIE (ancienne gloire) : COMMENT LE LION VIT SES VIEUX JOURS
LEON GBIZIE (ancienne gloire) : COMMENT LE LION VIT SES VIEUX JOURS
LEON GBIZIE (ancienne gloire) : COMMENT LE LION VIT SES VIEUX JOURS

Léon Gbizié (ancienne gloire) : Comment le lion vit ses vieux jours

Léon Gbizié, cet immense attaquant, qui ravageait tout sur son passage quand il était en activité, est à la retraite depuis février 2012. Nous l’avons retrouvé avec beaucoup de plaisir, dans sa coquette maison, située à Cocody/ Angré.   «Après les stades et l’administration, j’ai pris ma retraite en février 2012. Le secrétariat des services judiciaires du Tribunal d’Aboisso était mon dernier poste. Il convient de rappeler que j’ai tout perdu, en 2002, lors du déclenchement de la guerre qu’a connue notre pays. A l’époque, j’étais depuis 1994, en fonction au Tribunal de Danané. Où j’entraînais également le Ban Fc qui a raté de peu la montée en Ligue 1 en 1989. Pour l’heure, je n’exerce aucune activité particulière… », confie, le sourire aux lèvres, celui qui, de l’Asec au Stella en passant par le Sporting club de Gagnoa, avait impressionné les puristes du ballon rond, par sa rage de vaincre, ses coups de patte et de tête rageurs, ses buts splendides.

A l’âge de 67 ans, l’enfant prodige de Gorodi (S/P de Zoukougbeu) a naturellement perdu un peu de sa splendeur, sa vitalité d’antan. Cependant, cela ne l’empêche pas d’être disponible et de retracer sa riche carrière avec passion. Une carrière dont il se réjouit. «J’ai eu droit à tous les honneurs quand je jouais au football. Je suis riche de mes relations. C’est une grande satisfaction », précise-t-il.

           Parcours

Léon Gbizié commence sa carrière à l’Asec en 1967, grâce à l’entraîneur de l’époque, Sylla Mamadou (paix à son âme). Compte tenu des atouts naturels de baroudeur de son poulain, Sylla transforme Léon Gbizié en avant-centre. Le «gamin» participe à certains derbies de l’équipe seniors des Jaune et noir, en compagnie de Marc Gohi, Abdoulaye Ouattara, Souleymane Diawara, Ibrahima Ba (ex-Dg de la statistique) et autres. Très tôt, Ndri Laurent Pokou (décédé l’année écoulée), le meilleur canonnier d’alors de l’Asec, l’adopte et lui prodigue de sages conseils. Gbizié devient alors son petit complice à qui l’Empereur baoulé offre un bon nombre de buts. «J’ai disputé mon premier match avec l’équipe A des Mimos contre son homologue de Man, en quarts de finale de la coupe nationale, au Stade Félix Houphouët-Boigny. Nous avons gagné (4-2) et j’avais signé un doublé, de même que Laurent Pokou. Quand j’entrais à la 75e mn, le score était vierge. C’est dans le dernier quart d’heure que nous avions scellé le sort des Manois. Ce jour-là, Pokou, qui sortait d’une forte fièvre, a insisté pour jouer. La suite, on la connaît », indique-t-il. Avant de faire savoir que l’Asec a remporté cette coupe nationale face au Stade d’Abidjan (2-1), en 1972, à Odienné. « J’avais 17 ans, en ce moment-là. C’était ma première finale. Nous étions huit jeunes dont le gardien Marc Gohi à avoir disputé cette finale. Ce rajeunissement avait dérouté les stratégies mises en place par le coach stadiste d’alors, Luc Olivier », se souvient notre interlocuteur.

       Rivalité Asec-Africa  

Léon Gbizié a vécu et disputé les classiques Asec-Africa. Des duels sous tension qui n’étaient pas destinés à des timorés. « Il fallait être prêt sur tous les plans pour participer à ces derbies. C’étaient des matches de feu et la pression était forte », insiste l’ancien bombardier. Qui décide de partir de l’Asec à la suite du recrutement d’Unetu Santos Brown, un attaquant redoutable venu du Liberia. «Avec l’arrivée d’un tel attaquant, je n’étais pas certain d’être titulaire. Techniquement, physiquement et tactiquement, Santos Brown était fort. Il avait un sens aigu du but. La presse l’avait surnommé l’artilleur venu de l’Ouest. J’ai alors posé mes valises au Sporting club de Gagnoa. C’était en 1973 ».

   Au summum de son art

Dans la cité du Fromager, il atteint le sommet de son art. Gbizié devient un phénomène inquiétant pour tout adversaire du Sporting. A cause de lui, toutes les équipes abidjanaises redoutaient la formation gagnoalaise. Dans n’importe quelle position, Gbizié marquait des buts. En sept années de présence dans la capitale du pays bété, l’ex-Mimos offre (en 1976) le titre de champion de Côte d’Ivoire et la coupe nationale (2 fois) au Jaune et Bleu. Il dispute successivement trois finales de coupe nationale et participe à une campagne africaine (toutes sans succès). Mais, sur le plan individuel, Léon Gbizié remporte, par deux fois, la palme de meilleur artificier et une fois celle de meilleur joueur. «Mon passage à Gagnoa se passe de commentaire. Ce fut plus fort que moi », se plaît-il à dire.

   Il signe au Stella…

Mission accomplie, Léon Gbizié peut aller monnayer son talent ailleurs même si la cité du Fromager tient encore à lui. C’est le Stella club qu’il a toujours porté dans son cœur (de même que son aîné Bédé Christian, ancien capitaine des vert et blanc) qui l’accueille, en décembre 1979. Sur sa lancée, l’ex-sociétaire du Sporting marque son territoire. Le Stella est sacré champion de Côte d’Ivoire en 1980 avant de remporter, la même année, la coupe Ufoa face à l’As Police de Dakar. Il s’en souvient. « Nous avons perdu (1-3) à l’aller, au stade Demba Diop de Dakar. J’avais inscrit le but stelliste. Au match retour, à Abidjan, précisément le 18 octobre (date de l’anniversaire du Président de la République d’alors, Félix Houphouët-Boigny), nous désarmons de manière admirable les Militaires sénégalais (4-0). J’ai inscrit le but le plus rapide de la compétition (40e seconde). En l’espace de cinq minutes, le Stella menait (2-0). Nous avions une équipe de qualité avec des éléments tels que Jonas Akoupo, Nestor Biady, Maxime Onébo et jules Goro Sara. Ce fut une belle aventure », reconnaît notre interlocuteur. Qui s’est adjugé également le titre de meilleur buteur (par deux fois) sous les couleurs des Magnans d’Adjamé.

   Sélection nationale

Si en clubs, l’attaquant hargneux a brillé de mille feux, ce ne fut pas le cas en sélection nationale. Avec les Eléphants, Léon Gbizié a alterné le bon et le moins bon. Une situation qu’il explique difficilement. «Je reconnais avoir connu moins de réussite avec l’équipe nationale en dépit de ma valeur de grand attaquant. Cela arrive dans le parcours de certains grands joueurs. Dans mon cas, peut-être, le facteur chance a joué », se justifie-t-il.

Toutefois, la progéniture de Zoukougbeu garde en mémoire la qualification historique des Eléphants face aux Diables rouges du Congo en 1979, à Brazzaville. « Le mythe congolais a existé avec une autre génération. Souvent, les jeunes apportent énormément. C’est ce qu’Aka Pascal Miézan, Zahui Madou Laurent, Ignace Guidy , Gaston Adjoukoua et autres ont démontré ce jour-là. Après notre victoire étriquée (2-1) lors de la manche aller, à Bouaké, personne ne vendait cher notre peau, deux semaines plus tard, dans la capitale congolaise. Mais, avec le concours des jeunes loups, nous avons détruit le mythe congolais (3-1). Soit 5-2 sur l’ensemble des deux confrontations. A Brazzaville, Kobina Kouma, Lébry Manahoua Jérôme et moi avons inscrit les trois buts ivoiriens. Ce jour-là, il faut souligner que Moukila Sayal, le fer de lance des Diables rouges, s’est blessé, au sortir d’un duel avec Ignace Guidy, dans le premier quart d’heure de la partie. Il pleurait à chaudes larmes quand il sortait sur civière ».

Justement, parlant des Pachydermes ivoiriens, l’ancien seigneur des stades pense que leurs chances de qualification pour le Mondial 2018, existent. Pourvu qu’ils acceptent de mettre le pied à l’étrier et de se montrer disciplinés contre le Maroc. « La bataille s’annonce, certes, rude face à une formation marocaine en pleine confiance et entraînée par Hervé Renard, sacré champion d’Afrique avec la Côte d’Ivoire en 2015 ; toutefois la balle se trouve dans le camp de Gervinho et ses équipiers. L’entraîneur met un système en place, il revient aux joueurs de savoir l’animer. Mais s’ils lèvent le pied, jouent en dessous de leur valeur habituelle en sélection, le défi sera difficile à relever », avertit-il.

Par ailleurs, l’un des bourreaux des Diables rouges en 1979 est du même avis que ceux qui affirment que le football ivoirien, sur le plan local, régresse. Selon lui, cette régression date de la suppression des compétitions Oissu. «C’est le premier élément de cette défaillance. Par exemple, feu Laurent Pokou qu’on prenait en exemple, a fait ses armes à Bouaké-ville nord (une école). Le Lycée classique avec les Dié Fonéyé, Bohé Norbert François, Lacina Traoré Maxime, Eustache Manglé… et le Lycée de Bingerville avec les défunts Mama Ouattara et Pommely et autres constituaient l’équipe nationale scolaire et universitaire. Ces éléments se connaissaient déjà à l’école avant de l’être en clubs. En outre, les championnats minimes, cadets, juniors etc., n’existent plus. Cela a empiré la situation. Les centres de formation dont on parle également, n’existent que de nom. Seulement deux ou trois d’entre eux ne sont que de qualité. Il est donc temps de faire quelque chose pour mieux préparer la relève», préconise Léon Gbizié.

 JEAN-BAPTISTE BEHI