François Alla Yao (Confejes): “ Une de nos missions est d’accompagner les jeunes talents vers le haut niveau mondial ’’

François Alla Yao (Confejes): “ Une de nos missions est d’accompagner les jeunes talents vers le haut niveau mondial ’’

Vous aviez participé à un séminaire, récemment, à Abidjan. De quoi a-t-il été question ? 

On a commémoré, récemment, les jeunes cadets champions d’Afrique de football. Nous sommes heureux de les voir gagner et être honorés par la nation et le Président de la République de Côte d’Ivoire. C’est important dans l’histoire d’un pays. Notre souhait est que dans toutes les disciplines sportives, on apprenne à identifier les jeunes talents et qu’on les encadre. La politique, au niveau de la Confejes, c’est qu’à partir de l’animation sportive à la base ou de l’Eps à l’école, on puisse identifier les jeunes talentueux et qu’on les regroupe dans des centres ou écoles et qu’on les accompagne progressivement pour qu’ils puissent développer leurs potentiels sportifs. Nous avons souhaité cela et depuis deux ans, nous avons fait faire des regroupements à des encadreurs et on leur a fait faire  des détections en athlétisme. Nous leur avons distribué des documents afférents à cela. On attendait donc que certains pays mettent cela en pratique pour voir si d’ici quatre ou six ans, les jeunes qu’ils auront détectés vont être de grands sportifs. La Fédération d’athlétisme, on a pu le constater, après les Jeux olympiques, sur le plan ouest-africain francophone, n’a récolté aucune médaille.  C’est pourquoi, sur la demande de la direction de sports de compétition, nous avons associé ce stage de formation au Meeting Tiacoh.

Quel a été l’impact en associant ce stage au Meeting Tiacoh ?

Cela nous a permis de faire venir en Côte d’Ivoire deux jeunes gens (une fille et un garçon) par pays et ils se sont ajoutés à tous ces jeunes Ivoiriens qui ont été détectés. En une dizaine de jours, ils ont bénéficié de l’encadrement des entraîneurs de haut niveau de France et du Centre de Dakar. Cela a permis non seulement aux jeunes d’apprendre aux côtés de leurs aînés et à leurs entraîneurs d’apprendre aussi aux côtés des techniciens plus expérimentés. Nous avons saisi l’occasion pour former des directeurs techniques nationaux. Pour qu’ils apprennent à planifier sur le moyen et long terme comment suivre ces enfants. Nous avons fait venir également des secrétaires généraux de fédération pour leur parler de leur rôle en tant que chevilles ouvrières dans le fonctionnement des associations sportives nationales, pour qu’ils puissent véritablement jouer ce rôle. Afin de dynamiser leurs fédérations respectives. Nous espérons qu’au vu de tout ce qui a été fait sur ces dix jours, quelques -uns de ces jeunes détectés seront sur le podium lors des prochains Jeux de la Francophonie.

Pour cette détection, nous avons de petites bourses d’un montant de 20.000 F cfa par mois.  On envoie une vingtaine de bourses par an à chaque pays sollicité pour aider ces jeunes à mieux s’entraîner et à faire face à leurs besoins en équipements sportifs. Ensuite, on orientera les meilleurs vers des centres régionaux  comme celui de Lomé. Et les meilleurs de ces centres iront vers les centres de haut niveau comme celui de Dakar. Une de nos missions, est de détecter et d’accompagner vers le haut niveau mondial. C’est donc tout un processus que nous mettons en place à travers cette détection.

Comment vivez-vous vos nouvelles fonctions au pays de la Téranga ?

Elles ne sont pas nouvelles comme on peut le penser. La Confejes, c’est la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports de la Francophonie. C’est un regroupement de 43 pays de l’espace francophone (y compris le Canada, la France, la Suisse) et l’ensemble des pays de l’océan Indien. Le siège se trouve à Dakar et elle  fonctionne comme un ministère au niveau international. Là-bas, c’est le prolongement de ce que je faisais en Côte d’Ivoire. Où j’avais la direction générale des sports. Je m’occupe de la Direction des sports des pays membres de l’institution. Le programme est celui que je viens de développer. Chaque année, nous faisons adopter notre programmation avec des activités au niveau du sport et de la jeunesse. Nous nous déplaçons pour aller dans les pays qui accueillent nos actions et nous retournons, par la suite, pour dresser les bilans et relancer d’autres actions.

Vous bougez beaucoup…

Une fois par mois, nous allons dans un pays pour réaliser d’autres actions.

Pas de regrets…

Non, je reste fonctionnaire de l’Etat de Côte d’Ivoire mis à la disposition de cette institution. Quand mon mandat prendra fin en 2014, je retournerai au pays. J’ai pris fonction en 2008. J’avais un mandat de trois ans. Je l’ai renouvelé et j’arrive au terme de mon deuxième mandat bientôt. Il n’est plus renouvelable.

M. le directeur, vous qui prônez une politique de formation assidue au niveau du sport, quels sentiments vous animent après le récent sacre des Eléphanteaux cadets à la Can, au Maroc ?

C’est toujours une grande joie de voir son pays remporter un trophée continental. Notre joie est immense de voir ces jeunes pachydermes bien  gérer ce tournoi du début jusqu’à la fin. C’est une des rares équipes à n’avoir jamais encaissé deux buts en un match. Les joueurs ont su gérer les acquis. Ce qui était l’un des défauts de l’équipe nationale seniors. L’on a senti une certaine maturité dans le jeu de cette formation. Nous constatons avec satisfaction que la relève se prépare parce que tout le monde pratiquement pensait que quand la génération Drogba raccrocherait, ce  serait fini pour le football ivoirien. Aujourd’hui, il y a de la bonne graine et si elle bien est suivie, on pourra espérer en des lendemains meilleurs.

Sans championnat des jeunes, ils ont confondu tout le monde pour monter sur la plus haute marche du podium. Comment expliquez-vous cela ?

Les responsables de la Fédération pourront donner plus de précision surtout pour nous qui n’étions pas au pays. Nous ne savons rien de la préparation de cette équipe.  Cependant, dans la logique de ce que nous faisons, nous devons nous rendre à l’évidence que ce n’est pas par la chance que l’on arrive au plus haut niveau. Il y a un travail rationnel à abattre pour préparer un champion. C’est heureux  de voir que déjà au niveau des cadets, ils ont appris à jouer ensemble, à être solidaires. Si l’on maintient, ne serait-ce qu’un noyau de cette sélection, on pourra avoir une équipe nationale seniors demain qui sera composée de ces jeunes qui ont déjà des automatismes, réflexes et pourront se retrouver facilement sur un terrain, quel que soit l’entraîneur ou l’environnement ; afin de pouvoir récréer ce dynamique qui leur a permis de vaincre, récemment, au Maroc.

Justement, comment suivre ces jeunes ?     

Aujourd’hui, ils sont cadets, demain, ils seront  juniors, olympiques et seniors. Ce seront les mêmes joueurs de leur génération qu’ils affronteront sans complexe d’infériorité. Sans reconnaître les visages, je n’ai pas été surpris de voir le Nigeria triompher à la Can 2013, en Afrique du Sud. La plupart des jeunes qui ont disputé la finale des Jeux olympique 2008, à Pékin, y figurent.

Du côté ivoirien, Kalou Salomon et Yao Kouassi Gervais par exemple étaient de cette campagne de Pékin et ils sont en train d’exploser. C’est donc dans la continuité. On voit les jeunes très tôt et ceux qui ont un potentiel, on les regroupe comme c’est le cas actuellement, ils développent des automatismes entre eux  et chaque fois qu’ils vont passer dans les catégories supérieures, on continue d’entretenir cette flamme entre eux pour faire en sorte que, devenus seniors, ils maintiennent leur forme de compétitivité.

Vous avez été directeur général des Sports de Côte d’Ivoire. A l’époque, sur quoi était basée la politique sportive  entre le ministère de tutelle et les fédérations ?   

Le problème est toujours le même. Les ministères ont le devoir d’impulser, de donner les grandes orientations de la politique du sport mais chaque fédération traduit cette politique en acte concret et l’exécute selon ses moyens et les dispositions qui sont prises au niveau du pays. Donc, on a vu depuis l’Académie Jean Marc Guillou que la formation à la base est un élément important. Je me souviens qu’en 2008, lorsque je partais de la Côte d’Ivoire, le recensement que la Fédération de football avait fait des centres ou structures de formation donnait  plus de 200 centres. Ce sont eux qui ont été officiellement reconnus par la Fédération. Cela veut dire qu’un travail a été fait. Aujourd’hui, il doit se poursuivre et les encadreurs de ces centres doivent avoir un profil de progression et les moyens pour qu’au fur et à mesure que le niveau de pratique s’élève, les encadreurs  soient toujours habilités à leur donner ce dont ils ont besoin pour continuer la progression. Dans la pratique du sport, il y a trois dimensions qui vont ensemble : le sportif (lui-même) et son encadreur qui doivent progresser et les infrastructures sportives sur lesquelles ils jouent qui doivent aussi progresser en fonction du niveau que les joueurs ont. Donc, la politique, ce sont ces trois entités que nous essayons de développer. Mais, on ne peut faire qu’avec ce qu’on a et on a cru que la parafiscalité, au temps du ministre Dagobert Banzio, allait aider nos fédérations à mieux structurer et s’organiser.

Ce fut le cas ?

Peut-être, oui. Mais, dans la constatation, on a eu plutôt une démultiplication de fédérations, des conflits à l’intérieur de certaines fédérations au lieu de se servir de cet outil pour mieux  formaliser ce qu’on avait à faire. Mais, je crois que la direction des sports est en train de travailler la dessus. Je sais que la parafiscalité est un outil très intéressant et si on continue d’améliorer sa gestion, il n’y aura pas beaucoup de pays africains qui auront cet atout. En tout cas, ce sera une bonne chose pour le développement du sport ivoirien.

A l’époque, sous Banzio, vous avez géré rigoureusement cette parafiscalité. A telle enseigne que les fédérations qui utilisaient les fonds à d’autres fins étaient sanctionnées. Maintenant que cela ne relève plus de vos compétences, comment appréciez-vous sa gestion ?

C’est très difficile de porter un jugement. La seule chose que je sais, c’est que jusqu’à un passé récent, des fédérations continuaient d’en bénéficier. Nous avons eu le plaisir pendant notre session de formation à Abidjan, de visiter la fédération de taekwondo. Dans son organisation et sa structuration, c’est un exemple à suivre, un modèle du genre que nous avons présenté aux secrétaires généraux d’athlétisme ayant participé à cette réunion.  Même si toutes les fédérations n’ont pas pu l’utiliser comme on le souhaitait, il y a des exemples qui sont là et qui peuvent servir de modèle.  Au fait, c’est un travail de longue haleine. Il n’y a pas que le ministère. Il faut aussi de la bonne foi tant au niveau de la tutelle, des fédérations qu’au sein du mouvement sportif en général pour qu’on arrive à asseoir quelque chose de solide pour de nos jeunes.

Dans la gestion du sport, en général, quel type de rapport doivent entretenir  le ministère de tutelle et les Fédérations ? Quelles sont les limites de l’un et l’autre?

Il revient au ministère de donner l’orientation politique. Parce que l’éducation physique et la pratique du sport font partie des devoirs régaliens de l’Etat. Il revient également au ministère de créer les conditions de telle sorte que la promotion du sport se fasse sur toute l’étendue du territoire et que tout citoyen du pays ait accès à l’éducation physique et au sport.  Quand le ministère définit ses orientations, nous avons plusieurs schémas de mise en œuvre. Il y a le mouvement sportif à travers les fédérations sportives nationales qui s’appuient sur ce schéma pour fonctionner. Il y a également l’éducation physique et sportive à l’école  qui doit permettre à tous les jeunes qui sont à l’école d’avoir accès à l’éducation physique.  Mais, il y a aussi l’animation sportive dans les quartiers. C’est le rôle que le ministère peut jouer en collaboration avec les collectivités territoriales de sorte que dans chaque commune, quartier et même village, il puisse avoir des organisations qui prennent l’activité sportive comme fondement dans leur action. Pour une collectivité territoriale, le sport peut être un bien-être social. C’est l’ensemble de tous ces éléments que les services déconcentrés de l’Etat essaient de coordonner sur le territoire et c’est l’ensemble qui est remonté au niveau national. Et tout cela avec l’appui du Comité national olympique (Cno) qui œuvre non seulement  pour le développement du sport mais aussi  pour la promotion de cette discipline qu’on a globalisée dans la Charte olympique, l’éthique du sport.

Vous parlez de la Charte olympique au moment où, ces derniers temps, l’on reproche à la tutelle son ingérence dans la gestion de certaines fédérations, notamment le handball.  Quelle est votre position par rapport à la crise que connaît cette fédération ? 

En tant que directeur général des Sports, j’ai eu à vivre pareilles situations. De loin, j’ai suivi, à travers des émissions sportives, ces événements. Mais il est difficile, de loin,  de les apprécier fondamentalement. Je voudrais lancer un appel aux uns et aux autres. Quel que soit le problème Il n’y a pas de crise qui ne trouve pas de solution. Ce qu’il faut mettre au devant, c’est le bien-être du handball ivoirien. Où se trouve cette discipline qui a rapporté tant de lauriers à la Côte d’Ivoire ?  J’ai eu à gérer, à un moment donné, ces crises. Nous sommes montés jusqu’à la primature avec l’affaire Boh Séamba et autres. A un moment donné, je me disais que c’est parce que je gérais mal qu’il y avait les crises mais elles demeurent dans les mêmes fédérations après mon départ. Il est temps que chacun se demande ce qu’il apporte à cette fédération ou aux fédérations en entretenant ces crises. Quand on parle de discipline, qui voulez-vous qu’il aille mettre son argent dans la promotion de ce sport alors que les dirigeants sont tout temps à couteaux tirés ?  Quelles que soient les blessures que les uns et les autres pensent avoir subies, il faut qu’on s’asseye un jour et qu’on mette en avant ce qui peut faire avancer cette discipline ou ces disciplines. Je ne veux pas accuser Paul ou Pierre, mais je constate que la crise au niveau du handball, par exemple, est montée jusqu’aux instances internationales.

Pensez-vous que le ministère de tutelle a le droit de s’ingérer de façon profonde dans la gestion d’une ou des fédérations ?

Il y a deux choses. Les fédérations sportives sont comme des organisations non gouvernementales. Elles ont leur autonomie, mais celle-ci a des limites.   La naissance d’une fédération se fait en un lieu régi par des règles. Aucune fédération ne se crée en se coupant des règles du pays par exemple. Même la Fédération internationale de football (Fifa) est obligée de tenir compte des règles du pays siège. Cela veut dire que pour le fonctionnement d’une fédération, il y a deux règles principales. Il y a celles du pays et celles de l’institution sportive internationale qui régit l’activité. C’est sur ces deux principes qu’une fédération se crée. Elle ne peut  pas se créer en se passant d’une des deux règles. Quand dans l’organisation et la gestion d’une fédération, elle enfreint aux règles de l’organisation internationale dont elle dépend, cette dernière suspend (elle n’exclut pas)  cette fédération de ses activités. Mais si la fédération,  dans sa gestion, ne respecte pas les lois d’un pays,  ce dernier peut  lui retirer son agrément. Donc chacune des entités, à un moment donné, a un droit de regard sur le fonctionnement d’une fédération et peut prendre des décisions si ses lois ne sont pas suivies. Bref, quand il y a conflit, il faut utiliser les voies de recours autre que celles de la  violence.

Revenons à la Charte olympique que la Côte d’Ivoire a signée. Quelle est sa valeur ?

Nous parlions tantôt du statut de la fédération et de la constitution d’un pays. Mais la Charte, c’est la boussole. C’est l’orientation de l’olympisme. Et dans cette Charte, il y a deux éléments fondamentaux : la valeur de l’homme. Tout ce que nous faisons doit tourner autour du développement de l’homme. Donc de l’épanouissement de sa promotion. C’est pourquoi la Charte olympique fait tout pour veiller à l’éthique du sport. La Charte demande aussi que les associations sportives ne soient pas des organisations qui  ne soient pas sous emprise de l’Etat. Parce qu’elles sont apolitiques. Cette autonomie n’est pas une indépendance, une rupture. Un exemple : on a parlé de la parafiscalité. Dans n’importe quel domaine au monde, vous ne pouvez pas demander à une structure, à l’Etat de vous donner de l’argent et lui interdire d’avoir un droit de regard sur la gestion de cet argent. Mais quand il regarde et  constate que ce qu’il a donné est mal géré, il peut le dénoncer et demander à celui à qui il a donné de rectifier le tir, de revoir son mode de gestion. Malheureusement quand l’Etat exerce son droit de regard, l’on trouve qu’il y a ingérence. Une fédération peut élire un président. Mais si, au niveau du ministère de l’Intérieur, on constate qu’il ne jouit pas de ses droits civils, le ministre peut le démettre.  

La Fédération internationale a demandé au Comité national olympique (Cno) de Côte d’Ivoire dont le patron est le général Lassana Palenfo, d’organiser l’Assemblée générale élective du handball. Comment appréciez-vous cela ?

C’est le Comité national olympique qui a créé le Tribunal international du sport. Dans nos pays, on peut avoir une commission juridique du comité national olympique qui gère ces choses- là. C’est sous notre gestion que la direction de la règlementation  qui était un service avant, a été créée. Un directeur des sports n’est pas là pour gérer chaque fois des crises. A un moment donné, nous avons pensé que ce n’était pas notre rôle de gérer, chaque fois, des crises. C’est pourquoi la direction de la règlementation a été créée. Mais, dans ce genre de problème, si la Commission juridique du Cno se saisit de l’affaire, cela décharge non seulement l’Etat mais en plus, cette commission devient une structure neutre dans le mouvement. Je ne vois donc aucun inconvénient à ce que le Cno se saisisse du dossier pour organiser cette élection.

Interview réalisée par

Jean-Baptiste Behi