Salubrité: "La Côte d'Ivoire s'inscrit dans une gestion moderne des déchets"

Salubrité: "La Côte d'Ivoire s'inscrit dans une gestion moderne des déchets"

Salubrité: "La Côte d'Ivoire s'inscrit dans une gestion moderne des déchets"

L’application du décret portant interdiction de l’usage des sachets plastiques défraie la chronique, qu’en dites-vous ?

Ce décret arrive à point nommé parce qu’il est de plus en plus démontré, à travers des études scientifiques, que ces sachets plastiques constituent une grande menace pour notre environnement. La conséquence néfaste la plus répandue est que ces sachets plastiques mettent du temps à s’autodétruire. Ils ont une durée de vie d’environ 400 ans. De plus, quand on regarde la ville d’Abidjan ou même des localités de l’intérieur du pays, ce qui frappe est principalement la vue de ces ordures et surtout des sachets qui bouchent les caniveaux et s’incrustent dans la terre. Tout ceci n’est pas sans causer des difficultés lors des travaux de réfection des routes et autres infrastructures dont notre pays a tant besoin. Pour toutes ces raisons, ce décret doit être appliqué. Il y va de la santé des populations et de la protection de l’environnement.

Vous êtes à la tête de l’Anasur depuis 2 ans, quel bilan pouvez-vous faire de vos activités ?

Nous sommes arrivée à la tête de l’Anasur dans un contexte post-crise où la gestion des ordures n’était pas très bien organisée. Pour cela, le souci premier a été de restaurer le rôle régalien de l’Etat dans ce secteur. Nous avons commencé par mener des activités de sensibilisation pour faire connaître davantage la structure. L’Anasur est l’autorité de régulation de la filière des déchets en Côte d’Ivoire, créée le 04 octobre 2007 par le décret n°587 du 4 octobre de la même année. Placée sous la tutelle technique du ministère de l’Environnement, de la Salubrité urbaine et du Développement durable, elle a pour missions la régulation du fonctionnement de la gestion de la filière des déchets de toutes natures ayant un impact sur la salubrité urbaine, la concession du service public de nettoiement et de propreté des villes, communes et Districts de Côte d’Ivoire, la concession du traitement et la transformation des déchets. Elle joue également le rôle de contrôleur du bon fonctionnement des infrastructures concédées par l’Etat à des tiers ou à la des collectivités pour le transfert, le tri et à la transformation ordures et des déchets. Elle s’occupe aussi de l’organisation et la gestion des opérations d’urgence et de la lutte contre l’insalubrité et les nuisances en milieu urbain.

A travers la Brigade de Salubrité urbaine qui est l’un de ses organes, l’Anasur lutte  contre l’occupation anarchique du domaine public et les nuisances de toutes natures.

Il y a eu de grandes opérations de déguerpissement sous la ministre Anne Ouloto. Aujourd’hui, les sites  nettoyés sont occupés de plus belle. Qu’est-ce qui ne marche pas ?

Le ministère de la Salubrité urbaine, avec Mme Anne Ouloto, a conduit des opérations de déguerpissement. Le ministère actuel de l’Environnement, de la Salubrité urbaine et du Développement durable, à travers l’Anasur, s’est inscrit dans la continuité de ces actions. Malheureusement, aujourd’hui, on constate qu’une grande partie de ces sites ont été recolonisés. L’Anasur procède au déguerpissement des personnes qui occupent illégalement le domaine public. Cela, du fait du laissez-faire des mairies qui délivrent l’autorisation d’occuper un espace, fut-ce de façon temporaire. Lorsqu’après ce travail de déguerpissement, on se rend compte que les gens reviennent s’installer en vous montrant des titres d’occupation délivrés en bonne et due forme, vous comprenez que nous sommes impuissants. Face à cette situation, l’implication effective des mairies est capitale.

En matière de compétences, d’où part et s’arrête la mission de l’Anasur et où se situe celle des mairies dans la gestion de la salubrité dans les communes ?

Cette question est très importante parce qu’aujourd’hui, lorsqu’on parle de salubrité, on pense tout de suite au ministère et sa structure opérationnelle qui est l’Anasur. C’est vrai. Toutefois, des clarifications s’imposent. Le décret portant création de l’Anasur en 2007 a bien spécifié ses attributions et celles des mairies. En effet, les attributions des mairies concernent essentiellement l’entretien des caniveaux, des voies, des lieux publics, des espaces verts et marchés. Il faut souligner que le balayage des voies constitue l’une des activités principales des mairies en matière de salubrité. L’Anasur ayant le rôle de la concession du service de collecte, de transfert et de mise en décharge des ordures ménagères.

Qui doit s’occuper des ordures entassées au bord des routes, après le balayage des rues et le curage des caniveaux ?

Cela ne relève pas de l’Anasur. S’il s’agit de voies communales, les mairies s’en chargent. Pour ce qui concerne les grandes artères, le District doit le faire. Il revient à la structure qui a balayé les routes ou qui a curé les caniveaux de ramasser ses ordures.

Aujourd’hui, le dépôt d’ordures d’Akouédo est saturé. Quelle alternative prévoyez-vous pour suppléer cette décharge ?

La décharge d’Akouédo est exploitée depuis 1965, presque 50 ans et elle a atteint ses limites. Il était prévu sa fermeture depuis le 31 décembre 2012, mais  nous avons signé un protocole de prorogation qui court jusqu’en juin 2014. Nous sommes en passe de trouver d’autres sites pour l’installation d’une nouvelle décharge. A cet effet, des études environnementales, sociales et techniques ont été réalisées pour des sites potentiels identifiés. Je précise également que la Côte d’Ivoire veut s’inscrire dans la modernité, c’est-à-dire recycler les déchets et les valoriser. Il ne s’agira plus d’enfouir les déchets comme cela se faisait jusqu’à maintenant. La nouvelle décharge va servir à accueillir uniquement les  déchets ultimes qui n’ont pas pu faire l’objet de valorisation.

Les unités de recyclage sont-elles déjà disponibles ?

Des unités de recyclage qui seront opérationnelles sous peu, permettront de faire le tri selon la typologie des déchets. Ensuite, des opérateurs privés agréés viendront récupérer les ordures à valoriser.

Et si le tri se faisait à la base dans les ménages, comme on le voit dans d’autres pays ?

Cela est inscrit dans nos perspectives. Et c’est ce qui est recommandé. Toutefois, cela engendrera des coûts que l’Etat de Côte d’Ivoire ne peut pas supporter actuellement.  Car, cela suppose qu’il faut doter chaque ménage de poubelles appropriées à chaque type de déchets. C’est pourquoi, en guise d’alternative transitoire, nous envisageons d’organiser et de développer l’activité de récupération et de tri des déchets qui s’effectue actuellement de façon informelle.

Quelle est la responsabilité de la population dans la gestion des déchets ? Quel appel avez-vous à lui lancer?

 La population joue un rôle majeur parce que la propreté est l’affaire de tous. Quels que soient les efforts que l’Etat de Côte d’Ivoire va déployer pour rendre le pays propre, si les populations n’y adhèrent pas, ce sera peine perdue. Il faut donc que les mentalités changent. Il y a un gros travail de sensibilisation à faire de manière récurrente. C’est dans ce cadre que nous avons institué l’opération ‘’balaie devant ta porte’’ qui nous permet de faire la sensibilisation de proximité. Cette opération a porté ses fruits. Cependant, nous l’avons repensée sous forme de thématiques. C’est pourquoi, j’ai participé, avec la ministre de l’Education nationale et de l’Enseignement technique, Kandia Camara, au lancement de ‘’la Journée de la salubrité à l’école’’ qui vise à instituer, par trimestre, une journée dédiée à la salubrité dans chaque établissement scolaire. Ainsi, les bonnes habitudes acquises tôt par les enfants vont se perpétuer et corriger le comportement de l’entourage immédiat.

Des entreprises de ramassage d’ordures se plaignent souvent de factures impayées. Cela donne l’impression que vous ne travaillez pas, puisque les déchets sont souvent abandonnés dans les rues…

Le secteur des ordures est en grande majorité financé par le budget de l’Etat à travers le trésor public. Nous sommes donc tributaires des entrées du trésor et cela explique effectivement que les opérateurs en charge de la gestion des ordures accusent parfois des mois d’impayés. Cela impacte négativement les prestations. 

Ce secteur nécessite de la liquidité financière pour faire face aux charges liées au carburant, au personnel, à l’entretien des camions. Néanmoins, le gouvernement actuel s’efforce de respecter ses engagements vis-à-vis des opérateurs du secteur.

Est-ce une des raisons de la mise en place du Fonds national de financement des programmes de salubrité urbaine ?

Ce fonds existe depuis 2009. Il a pour objectif majeur de collecter des ressources aux fins de financer toutes les opérations de salubrité.  Mais, dans les faits, nous restons encore tributaires du Trésor public.

Dans toutes les villes du pays, les populations vivent un calvaire lié aux nuisances sonores. Que fait l’Anasur concrètement sur le terrain pour les réduire ?

La Brigade de la salubrité urbaine, un des organes de l’Anasur, a pour objectif essentiel de lutter contre tous les types de nuisances et contre l’occupation anarchique du domaine public. Concernant les nuisances sonores, nous sommes saisis des plaintes de riverains. La brigade se rend sur les lieux et distribue, dans un premier temps, des mises en demeure. A l’expiration de ces mises en demeure, la Brigade procède à l’enlèvement du matériel de sonorisation, mais ne va pas jusqu’à fermer la structure concernée. A ce niveau, ses compétences sont limitées par la loi en vigueur.

C’est le lieu de relever la responsabilité des mairies et de la Brigade mondaine qui délivrent des autorisations d’installation de débits de boissons et de ‘’maquis’’ sans tenir compte de la préservation de la quiétude des populations riveraines. Une synergie d’actions entre ces structures et l’Anasur peut contribuer à régler la question des nuisances sonores.

Souhaiteriez-vous avoir plus de pouvoir de répression?

Oui, nous le souhaitons. Mais pour l’heure on ne peut aller au-delà de la simple saisie du matériel de sonorisation. Il en est de même pour les pré-collecteurs que nous conduisons au commissariat et à qui nous faisons payer une amende, avant de les libérer.

Quelles sont les perspectives de l’Anasur? La Côte d’Ivoire sera-t-elle propre un jour ?

Les perspectives sont de plusieurs ordres. Il s’agit d’abord de conférer à l’Agence son caractère national. Aujourd’hui, 80% de nos activités sont concentrées dans le District d’Abidjan, parce qu’après la crise post-électorale, cette grande métropole, de surcroît la capitale économique, avait besoin d’une toilette conséquente. Après quoi, nous nous sommes attaqués aux villes de l’intérieur. Aujourd’hui, nous avons des opérateurs à plein temps dans 3 grandes villes du pays, Yamoussoukro, Bouaké et San Pedro.  Nous envisageons d’en installer à Korhogo, Man et Daloa. Il est évident que pour des raisons budgétaires, nous ne pouvons pas en avoir en permanence dans toutes les villes de la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi le Programme présidentiel d’urgence a offert, récemment, à 169 localités de l’intérieur, du matériel de salubrité dont des tracteurs et des bennes selon la superficie et la démographie de la localité concernée. Tout cela pour que les maires puissent assurer la salubrité dans les villes.

Au total, nous envisageons de nous inscrire résolument dans une gestion moderne des déchets en mettant fin aux dépotoirs  sauvages des ordures et en  développant des activités de recyclage et de valorisation.

Interview réalisée par

GERMAINE BONI

Coll : Casimir Djézou