Loukimane Camara: “Sur le marché du Forum Ici, nous avons une banque de plus de 20 projets’’

Loukimane Camara
Loukimane Camara
Loukimane Camara

Loukimane Camara: “Sur le marché du Forum Ici, nous avons une banque de plus de 20 projets’’

Loukimane Camara (Sicogi) : “Sur le marché du Forum Ici, nous avons une banque de plus de 20 projets’’

 

En tant que promoteur immobilier, quel sens donnez-vous à votre participation au Forum Investir en Côte d’Ivoire?
En tant qu’Ivoirien et acteur du développement de notre pays, je voudrais saluer les organisateurs de ce Forum, notamment le gouvernement. A travers  « Investir en Côte d’Ivoire », ce sont plus de 3000 investisseurs qui sont arrivés. Cela témoigne de la confiance retrouvée et du potentiel de développement de ce pays. Le Président de la République veut nous amener à l’émergence  en 2020 et nous sommes sur la voie. C’est avec les investissements directs étrangers et toutes les formes de coopération que nous allons y arriver. Ce Forum est donc le bienvenu.

Qu’est-ce que le secteur immobilier, et particulièrement la Sicogi, peut  attendre de cet évènement?
S’agissant du secteur immobilier, le Président de la République a pris un engagement et a mis en mission l’ensemble des promoteurs immobiliers pour produire, d’ici 2015, plus de 60 000 logements. Avec le dispositif actuel, vu la capacité de production actuelle de l’ensemble des promoteurs immobiliers que nous sommes,  nous ne pouvons pas y arriver seuls. Il faut absolument des partenariats avec des investisseurs  de référence d’autres pays. Nous devons tisser des partenariats avec des gens qui ont eu les mêmes problèmes que nous et qui y ont trouvé des solutions pertinentes afin de partager leurs bonnes pratiques. Le secteur immobilier attend beaucoup du Forum et pourrait en tirer beaucoup. Dans tous les pays du monde, quand le Btp va, tout va. L’immobilier étant dans le Btp, ce sont des milliers d’emplois qui sont créés. La question de l’emploi étant une des priorités du Chef de l’Etat, la Sicogi, à travers ses programmes  immobiliers,  peut apporter sa contribution à la création d’emplois.

Avez-vous pu signer des partenariats lors de ce Forum ?
Nous avons eu beaucoup de contacts. Le Forum nous a donné l’occasion de finaliser certains partenariats. Quelques jours avant cet évènement, nous étions en Afrique du Sud. Nous avons eu des discussions intéressantes. Les différents contacts se sont poursuivis. Si l’intérêt mutuel est démontré pour chacune des parties, on aboutira à des partenariats.
Sur le marché du Forum, nous avons mis une banque de plus de 20 projets. Des partenaires sont intéressés. Nous voulons faire des mall en coopération avec la mairie de Yopougon.  Nous comptons développer des infrastructures de tourisme  avec la Sodetours à Yamoussoukro. Il y a aussi la rénovation  urbaine que nous voulons faire à Treichville, Adjamé et Cocody. Ce sont autant de projets qui  intéressent  de nombreux investisseurs étrangers.

L’année 2013 se termine avec des indicateurs au vert. Quel bilan faites-vous de vos deux années de gestion ?
Je voudrais remercier le gouvernement dans son ensemble et à sa tête, le Chef de l’Etat, qui a mis en place un cadre des affaires assaini, propice au développement de nos activités. Enfin, je remercie le conseil d’administration de la Sicogi et les ministres assurant sa tutelle  qui nous ont prodigué des conseils utiles avec des orientations claires que nous avons mis en œuvre pour atteindre ces résultats positifs : un chiffre d’affaires de plus de 18 milliards en 2013 contre 6 milliards de F Cfa  en 2012 et 3.5 milliards en 2011. La marge de progression est importante et nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin. Nous sommes passés de deux programmes pour 400 logements à fin 2011 à  dix programmes en 2013 pour plus de 10 000 logements en chantier dont 2000 seront livrés aux acquéreurs  au premier trimestre 2014. Nous serons à 20 programmes en 2014 pour 15 000 logements. Nous avons mobilisé et investi plus de 30 milliards de FCfa dans la réalisation de ces programmes. Enfin, nous sommes passés de 120 personnes en 2011 à près de 200 en 2013, soit une création nette d’emplois de plus de 60%. La Sicogi crée de l’emploi et de la valeur ajoutée pour l’économie nationale.

En même temps que vous parlez de performances, certains de vos agents s’inquiètent pour leurs emplois.  Y a-t-il effectivement une menace dans ce domaine ?
Oui, c’est normal que certains s’inquiètent. Ceux qui ne travaillent pas assez. Les deux années passées, 2012 et 2013, ont été pour nous une période de mise à niveau de l’équipe. Les Ivoiriens n’ont pas été habitués à la gestion par objectifs, la culture du résultat, suite à la longue crise politique que nous avons connue ces dix dernières années. Il fallait donc remettre la machine économique en marche avec les contraintes du marché. Après deux ans de mise à niveau, ceux qui ne suivront pas seront appelés à faire valoir leurs droits ailleurs. Ceux qui vont suivre seront valorisés et rémunérés en conséquence. Nous allons embaucher des personnes qualifiées car c’est avec elles qu’on crée de la valeur. Depuis six mois, je cherche des ingénieurs TP et Bâtiment qualifiés pour intégrer notre équipe et j’ai du mal à en trouver. Vous voyez que la question du chômage est relative et fortement corrélée à la formation. J’ai demandé à mettre en place, en relation avec le ministre de la Formation professionnelle, un partenariat pour former le personnel dont nous aurons besoin pour porter et réaliser le programme du Président de la République en matière de logement. Dans un autre sens, le personnel a eu peur pour son emploi et certains collaborateurs du ministre de tutelle, par ailleurs administrateurs de la Sicogi, ont pourfendu notre société commune dans la presse, laissant croire qu’elle était en cessation de paiement. Ils ont même dit que c’est pour cela que la Sicogi n’avait pas été retenue pour réaliser des logements sociaux. Dit par des administrateurs de la Sicogi, cela a fait peur aux salariés qui n’ont pas manqué d’interpeller le conseil d’administration.

Les rapports sont-ils si tendus  avec vos administrateurs pour expliquer ces dénigrements dans la presse ?
Je n’ai pas de relations personnelles avec ces administrateurs. Je ne veux pas citer de nom.  Je ne connais pas leurs motivations. Ils ont été interpellés par le conseil d’administration. Ils ont peut-être des problèmes avec la Sicogi et son Conseil d’administration, le personnel et la population mais pas avec le directeur général de la Sicogi. La Sicogi appartenant à toute la Côte d’Ivoire, quand on a un problème avec cette société, c’est qu’on a un problème avec toute la population. Personnellement, je n’ai donc pas de problème avec ces personnes. Pour moi, elles restent des amis.

Si d’aventure, il y avait un conflit, ne pensez-vous pas qu’il  pourrait entacher le programme du Président de la République ?
Notre rôle, en tant que responsable, est de faire en sorte que l’intérêt national prime. On doit se surpasser, quelles que soient les difficultés qui peuvent survenir. Si on n’y arrive pas, nous avons un patron commun qui tranchera.

La presse se fait régulièrement l’écho de dissensions qui existeraient entre vous et votre ministre de tutelle. Quel est l’état de vos relations ?
Mes relations avec mon ministre de tutelle sont plutôt bonnes. Le ministre Mamadou Sanogo est très aimable. Il est pragmatique. Nous sommes tous deux du secteur privé et nous partageons les mêmes soucis de bonne gouvernance. Le ministre définit le cadre et l’orientation et la structure technique se charge de la mise en œuvre. Il ne peut donc pas y avoir un quelconque conflit entre la Sicogi et sa tutelle technique. Loukimane Camara, directeur général de la Sicogi, est respectueux de sa hiérarchie. C’est vrai que comme la vie, aucune  collaboration  n’est linéaire dans le temps. C’est cela qui rend agréable et passionnant la vie. La capacité des individus à se surpasser et ne regarder que l’intérêt national  quand ils sont investis d’une charge publique est la plus importante.

La Sicogi, annoncée comme maître d’œuvre de la construction des logements sociaux, s’est vu retirer le dossier. Qu’est-ce que cela change dans le déroulement de ce vaste chantier ?
Pour la Sicogi, cela ne change rien à sa stratégie de croissance. Il ne manque rien à ce vaste chantier de l’Etat. La Sicogi y est pleinement engagée de par son objet social, de par la mission que le gouvernement lui a assignée et dans un pays libéral ou les producteurs ne répondent qu’aux signaux du marché. Nous sommes la société que l’Etat a créée pour mettre en œuvre son programme de logements sociaux. Tant que nous ne sommes pas dissous, c’est à cela que nous travaillons et  travaillerons. Quand on a parlé de 60 000 logements, le ministère a confié le programme de pré-souscription  à la Sicogi. Et les Ivoiriens sont venus nombreux parce qu’ils ont confiance à la Sicogi. D’autres promoteurs se sont plaints au ministère en disant qu’ils voulaient eux aussi travailler. C’est ainsi que les cartes ont été redistribuées. Ce n’est pas un retrait, car nous sommes déjà promoteur agréé par l’Etat. Nous sommes dans une économie libérale. Tout le monde veut travailler et montrer ses capacités.

Ce  changement  a-t-il eu des conséquences sur vos activités ? Cela a-t-il nécessité une réorientation de vos priorités ?
Non, nous n’avons pas à réorienter nos priorités. Nous avons élaboré, en 2012, un business plan pour la période 2011-2015, portant sur la mise à marché de plus de 20 000 logements sur tous les segments. C’est ce business plan que nous exécutons. Ce qui veut dire que toutes les pertes antérieures auront été apurées. Nous réussirons cet autre pari si nos actionnaires le veulent.

Aujourd’hui, quelle est la part de votre structure  dans le projet de construction des logements sociaux ?
Par vocation, la Sicogi produit des logements sociaux comparativement à nos concurrents sur le marché. Nous avons fait un essai concluant sur le haut standing. Nous allons donc prendre des parts sur ce segment de marché. Le gouvernement, notre actionnaire principal, nous a demandé de réaliser au moins 25% de l’objectif présidentiel de 60 000 logements en 2015. Nous sommes à la tâche pour la réalisation de cet objectif avec le soutien du gouvernement qui  a mis en place des incitations fiscales pour tous les opérateurs du secteur qui répondent aux mêmes critères que la Sicogi.

La Sicogi travaille sur 16 programmes. Combien sont consacrés les revenus modérés ?  Combien coûtent ces maisons ?
Ce n’est pas le coût du logement qui importe, mais plutôt la capacité de l’acquéreur. Nous devons donc rendre nos logements accessibles au plus grand nombre et  c’est ce que nous faisons par un plan d’accession à la propriété avantageux pour nos clients. Nos clients paient des mensualités allant de 50 000 à 150 000 CFA en moyenne pour leurs logements de 2 à 4 pièces sur  une période de 15 à 20 ans. Nous avons un siège visible et connu de tous, nous accompagnons les acquéreurs en difficulté, mieux que tout autre promoteur. Nous avons un savoir-faire capitalisé et une expérience de plus de 50 ans ; un actionnaire de référence, l’Etat de Côte d’Ivoire. C’est cela notre force.
Nous ne faisons pas de ségrégation, les programmes sont intégrés. Dans un programme, il y a à la fois des maisons de 5millions, 15 millions ou encore de 80 millions.
Le gouvernement nous a demandé d’œuvrer à la mixité sociale. Si nous avons un programme de 30 à 40 logements sur un site donné, nous pouvons le faire à 100% au standing choisi.
Sur certains programmes, nous faisons de la péréquation interne. Lorsque quelqu’un achète une maison à 30 millions de FCfa, il faut comprendre qu’il  a payé 1 million pour celui qui est en train d’acheter sa maison à 7 millions. Le coût de production peut être de 9 millions, mais nous pouvons décider de la vendre à 8 millions. Le gap sera comblé par celui qui achète un logement à 30 millions. C’est ce que nous appelons la péréquation.

Nombreux sont les acquéreurs qui s’inquiètent pour la qualité des maisons qui seront livrées.  Quelle entité va assurer le contrôle qualité ?
Le contrôle qualité est du domaine de l’Etat, donc du ministère en charge de la Construction et du Logement. Nous, nous avons un système interne de contrôle par la sélection rigoureuse de nos prestataires, par le contrôle sur le terrain par nos équipes et par le contrôle externe par les bureaux spécialisés. Nos partenaires privilégiés sont les laboratoires de contrôle (Lbtp ; Bnetd). C’est la qualité que nous vendons à nos clients. La qualité s’apprécie par la qualité des matériaux ; la qualité de l’environnement et du cadre de vie.

Parlant justement de qualité, depuis quelque temps, on assiste au phénomène  des immeubles qui s’effondrent. En tant que constructeur immobilier, quelle lecture faites-vous ?
C’est vrai qu’aujourd’hui, des immeubles entiers s’écroulent et les usagers sont en droit de s’inquiéter. Cela n’arrivera jamais avec la Sicogi. Nous respectons les standards et les normes définis par les pouvoirs publics. En cela, nous sommes une entreprise citoyenne. La pression de la demande ne doit pas nous amener à sacrifier la vie des usagers. J’interpelle tous les promoteurs et surtout ceux qui sont en auto construction sur le respect des normes de construction. L’Etat aussi doit se montrer vigilant sur la question des permis de construire, des certificats de conformité ou des autorisations de programmes. La longueur des procédures n’est pas synonyme de qualité dans le processus de production administrative. Cela pousse plutôt les usagers à contourner les règles.

L’engagement des banquiers est-il suffisant pour soutenir les ambitions que vous vous êtes fixées et surtout pour accompagner l’Etat dans sa volonté  d’offrir un toit à chaque Ivoirien ?
Non, évidemment. Il faut l’aide de l’Etat pour que nous puissions régler le problème pour les demandeurs qui ne peuvent payer que des loyers. Tout le monde ne demande pas à être propriétaire. Nous devons faire nos preuves dans un cadre plus contraignant. Et dans ce cadre, les banques sont nos partenaires privilégiées. Elles nous accompagnent avec souplesse et professionnalisme. Je rends hommage au système bancaire ivoirien qui accompagne tous les promoteurs du secteur. Si après cela, nous proposons une alternative viable à l’Etat, nous ne doutons pas que nous serons bien accompagnés par celui-ci par des prêts rétrocédés ou des garantis qui nous permettront de faire de la location-vente ou même de la location simple. Il s’agit donc de créer la confiance avec nos clients, d’une part et avec l’Etat, d’autre part. Et cette confiance s’obtient par la preuve de nos performances économiques, techniques et financières.

Votre premier livre « Marchés, gouvernance et pauvreté, le cas de la Côte d’Ivoire » vient de paraître. Quelle est la conviction que vous voulez partager ?
J’ai dédié ce livre au Président Alassane Ouattara avec qui nous avons été familiarisés, pour la première fois en 1990, avec les notions de bonne gouvernance. C’est alors que je me suis intéressé à cette question. J’ai compris que c’est le facteur clef de succès d’un individu, d’une entreprise ou d’un Etat dans la compétition mondiale.  Comme nous voulons aller à l’émergence avec lui, j’ai, à mon humble niveau, essayé de rappeler les conditions de l’émergence et la part de responsabilité que chacun d’entre nous (individus, collectivités publiques, décideurs privés ou publics) doit assumer pour que nous y parvenions à l’horizon 2020. Ma conviction est donc que la richesse se crée par le savoir,  le travail et toujours le travail soutenu par une éthique forte dans la conduite des affaires publiques.

interview réalisée par
Germaine Boni et Sethou Banhoro