Greffe rénale: Une trentaine de cas opérés avec succès en Côte d’Ivoire

Greffe rénale: Une trentaine de cas opérés avec succès en Côte d’Ivoire

Greffe rénale: Une trentaine de cas opérés avec succès en Côte d’Ivoire

Réaliser une greffe rénale semblait utopique, il y a quelques années. Mais depuis septembre 2012, ce n’est plus le cas. Deux patients « se sont jetés à l’eau » avec succès. De cette période jusqu’en septembre 2016, 30 patients ont été opérés avec succès, selon Clément Ackoundou N’Guessan, professeur de médecine rénale et transplantation. Il a fait le point sur la situation, au cours des journées scientifiques sur la greffe rénale, récemment, à Yamoussoukro.

Les interventions chirurgicales sont réalisées à l’Institut de cardiologie, en collaboration avec les urologues. Les patients se portent « comme un charme », toujours selon l’intervenant qui ne manque pas d’insister sur la nécessité d’un suivi régulier et de disposer de moyens financiers. Car les traitements sont dispensés à vie. Autrement, le malade s’expose à la mort.

La transplantation rénale coûte environ 12 à 13 millions, au dire du praticien qui souligne que le don de rein est gratuit. Il se réserve aux personnes vivantes ayant atteint la majorité jusqu’à 70 ans.

Pour l’heure, il ne se limite qu’au cercle familial. En conséquence, ne peuvent donner leur rein que le frère, la sœur, le neveu, la tante, etc. Amis, connaissances ou tout autre donneur sont exemptés.

Tout comme les personnes en état de mort cérébrale, chez qui la pratique semble moins aisée, selon le chef du service de néphrologie du Chu de Yopougon, Pr Gnionsahie Apollinaire. Parce que « quand vous prélevez le rein d’un tel sujet, il faut le maintenir en vie. Ce qui veut dire le perfuser, le conserver et le transporter parce que le donneur et le receveur ne sont pas toujours au même endroit. Cela nécessite des conditions techniques plus sophistiquées ».


Le donneur pas plus exposé

Si donner son rein consiste à sauver une vie, faut-il pour autant s’exposer à des risques ? Clément Ackoundou rassure. Pour lui, le donneur n’est pas plus exposé que le patient. « Des études ont montré que des personnes à qui on a enlevé un rein, pour cause de cancer ou de traumatisme dû à une arme, n’ont pas développé, après un recul de plus de trente ans, plus d’insuffisance rénale ou d’hypertension artérielle que la population en général.

En clair, le fait d’ôter un rein à quelqu’un ne le conduit pas forcément à une insuffisance rénale. Il est vrai qu’il n’existe pas de risque zéro, mais c’est d’ailleurs pour cette raison que nous réalisons un bilan prégreffe, afin de savoir si le donneur est en bonne santé ».

Dans tous les cas, un consentement éclairé est fait aux donneurs, selon lui. A savoir que des informations sur les complications qui pourraient survenir, mais aussi les avantages liés à ce don leur sont communiqués préalablement. C’est donc en connaissance de cause qu’ils donnent leur rein. Les patients transplantés sont suivis, une à deux fois l’an, pour détecter les problèmes qui pourraient survenir du fait de l’ablation d’un rein.

De l’avis du Pr Gnionsahie, il faut agir en amont. Développer au maximum la prévention pour éviter que la maladie survienne. De sorte que les professionnels qu’ils sont puissent s’occuper des personnes qui, malgré tout, contracteraient la maladie, avec le peu de moyens dont ils disposent. « Mais si on laisse faire, les moyens ne seront jamais suffisants pour s’occuper de tout le monde. Les pays développés ont initié des politiques de prévention parce qu’ils savent que la prise en charge coûte cher », dit-il.


Nécessité d’une nouvelle loi

En Côte d’Ivoire, le dispositif médico-juridique date de 1993. Au dire des deux praticiens de la greffe rénale, les Pr Gnionsahie et Ackoundou, il ne permet pas de cerner entièrement la maladie rénale. Un décret créant un Epn prenant en compte toutes les étapes, notamment depuis le dépistage, la prise en charge des patients par la dialyse et la transplantation, a été signé en 2011.

Par contre, l’arrêté de mise en application ne l’est pas encore. « Nous voulons refaire la loi pour élargir le cercle des donneurs potentiels vivants, notamment aux amis ou à tout donneur, ainsi que cela se fait dans les pays développés.

Outre cela, la loi, telle qu’elle est libellée, ne favorise pas le don à partir de cadavres, parce que la personne, de son vivant, doit donner son accord.  Vous connaissez l’Afrique avec ses préjugés. D’aucuns penseront qu’en s’inscrivant sur une liste de donneurs, la mort frappera très vite à leur porte.

Par conséquent, personne ne voudra le faire. Il faut donc inclure dans la nouvelle mouture la notion de consentement présumé. Cela veut dire que si de son vivant, quelqu’un  n’a pas marqué son désaccord, implicitement il est d’accord », affirme Pr Ackoundoun.

Toutefois, renchérit Pr Gnionsahie, des garde-fous seront pris, en ce sens que la possibilité sera donnée aux parents de se prononcer, pour les individus qui ne l’auraient pas fait. Une fois encore, l’homme préconise la sensibilisation de la population, pour faciliter le prélèvement d’organes. Car la culture et la religion pourraient constituer des freins.


L’insuffisance rénale, une maladie en croissance

Plus la population augmente, plus le nombre de personnes exposées à l’insuffisance rénale croît, selon le chef du service de néphrologie. Les causes sont liées à l’hypertension artérielle, le diabète, le Vih, des maladies en nette croissance, et les infections bactériennes mal traitées.

En ce qui concerne l’hypertension artérielle, l’insuffisance rénale survient en raison de l’inaccessibilité aux médicaments. Pour le Vih et le diabète, il s’agit d’un diagnostic tardif ou de la négligence du traitement qui aboutit à une complication.

Cas spécifique des séropositifs

Des études révèlent que la prévalence du Vih en Afrique de l’Ouest et du Centre est de 7 à 15%. Le malade n’est pas pour autant exempt d’une greffe rénale, à condition qu’il ait « une charge virale impeccable, qu’il prenne bien ses médicaments et qu’on ne trouve plus de virus dans son sang ».

Dans un couple séro discordant (l’un des conjoints est atteint), le conjoint sain peut donner son rein à l’autre, si la charge virale du malade est négative depuis au moins 3 ans.


Situation de la dialyse

Pr Gnionsahie, en charge, par ailleurs, du centre de dialyse de Cocody, affirme que la situation de la dialyse a bien évolué. En effet, en avril 1988, la Côte d’Ivoire n’avait qu’un seul centre d’hémodialyse pour dix postes. Aujourd’hui, on en compte 6 : 4 à Abidjan et 2 à l’intérieur (Yamoussoukro et Bouaké). Trois sont attendus au premier trimestre de l’année 2017 à Korhogo, Daloa et sûrement San Pedro.

Démarrée il y a une décennie, la politique de décentralisation consiste à rapprocher les centres de traitement des populations de l’intérieur. L’homme reconnaît toutefois que les besoins demeurent toujours énormes, parce qu’il y a plus de patients que de postes.

En effet, les 560 patients pris en charge chaque semaine se disputent les 6 centres publics. Environ 250 à 300 figurent sur une liste d’attente. De 2500, le coût de la dialyse est tombé à 1750Fcfa en 2011. Dans le privé, il oscille entre 60 et 80.000Fcfa.  La maladie rénale est d’autant grave qu’elle finit pas démunir la victime. En cela, le service social constitue un appui important pour certains patients qui ne peuvent pas s’acquitter des frais, rassure le chef du service de néphrologie du Chu de Yopougon, Pr Gnionsahie.

Marcelline Gneproust