Ecole confessionnelle musulmane: Un spécialiste de l’islamisme attire l’attention sur l’intrication du politique et du sacré

Ecole confessionnelle musulmane: Un spécialiste de l’islamisme attire l’attention sur l’intrication du politique et du sacré

Ecole confessionnelle musulmane: Un spécialiste de l’islamisme attire l’attention sur l’intrication du politique et du sacré

L’introduction des écoles confessionnelles dans le système scolaire ivoirien et l’orientation d’élèves issus de l’enseignement général vers ces écoles a été l’objet d’une étude publiée, le 25 août 2018 par le Centre4s. Cette étude menée par Lassina Diarra, spécialiste de l’islamisme en Afrique subsaharienne francophone, a porté sur la radicalisation islamique dans la ville de San Pedro, au sud-ouest de la Côte d’Ivoire.

C’est dans une démarche axée sur un recueil de propos tirés d’entretiens avec des agents des forces de Défense et de sécurité, de praticiens du culte, de fonctionnaires et de journalistes que le chercheur a mené cette étude  du 15 au 22 décembre 2017.

Selon l’étude « l’un des dévoiements les plus étonnants réside dans l’orientation d’élèves vers des établissements confessionnels d’obédience ‘‘wahhabite’’ ». Des enquêtes n’ont pas été menées en amont ni sur le contenu de l’enseignement, ni sur le degré de mixité des sexes, ni sur le financement de ces écoles. Pour le chercheur, « la décision du ministère de l’Education nationale repose sur une lecture biaisée des objectifs du développement. » Alors qu’elle aurait dû « associer la vigilance au lien potentiel et empirique entre extrémisme religieux et violence ».  Et non se concentrer sur les indicateurs quantitatifs d’alphabétisation et d’accès à l’emploi.

L’étude fait remarquer qu’une « bonne partie des 200 écoliers affectés dans cet établissement au titre de l’année académique 2017-2018 a refusé d’y aller  ». Et indique, par ailleurs, que le ‘‘wahhabite’’  local de San Pedro est sensible aux discours communautaristes et identitaires.  « Cela crée une passerelle et une solidarité entre les groupes ethniques, qu’ils soient ou non de même nationalité. Il y a lieu de l’admettre désormais, les postures, à motivation religieuse, contre l’Etat et ses politiques publiques, ressortissent  aux indicateurs de radicalisation », remarque-t-il.

Il faut noter qu’il ressort de cette étude l’intrication du politique et du sacré comme en témoigne les propos des personnes interrogées. « Une femme vêtue en burqa noire sous un soleil de plomb, nous répondait à quelques pas de la mosquée Kanté : ils veulent détruire l’Islam. Nos dirigeants sont complices du complot contre l’Islam. Nous avons l’obligation de le défendre, même s’il faut y laisser la vie. C’est d’ailleurs ce qui a été demandé par Dieu ».

A sa suite, une autre en burqa, approchée dans le cadre de cette enquête a abondé dans le même sens : « Nos sœurs qui n’ont pas encore compris le bien-fondé du port de la burqa sont encore dans la mécréance. Elles exhibent, exposent leurs corps aux hommes,  alors que Dieu l’a interdit. Nous pensons qu’elles ne sont pas musulmanes. L’Islam a interdit cela. Chaque jour, nous sensibilisons nos camarades, afin de leur éviter l’enfer, au jour de la résurrection ».

Selon l’étude, le salafisme de San Pedro ne promeut pas encore le recours à la violence pour s’imposer. Comme le salafisme ivoirien, dans sa globalité, il tend à la radicalité sociale et, s’il demeure minoritaire. Cependant, la hausse ininterrompue de son influence commande de commencer à en circonscrire la portée.

A cet effet, l’auteur de ‘‘La Cedeao face au terrorisme transnational : mécanismes et stratégies’’  publié aux éditions L’Harmattan 2016, préconise, vu l’urgence, de tout mettre en œuvre pour préserver la laïcité de Côte d’Ivoire. Cela pourrait se faire, entre autres,  à travers la légitimité académique ou empirique, acquises durant de longues années de terrain, des parcours intellectuels et personnels variés, des méthodologies et des convictions diverses.

Salif D. CHEICKNA

salifou.dabou@fratmat.info