Dr Abdallah Albert Mabri Toikeusse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique: “La concertation nationale est proportionnelle à nos ambitions pour la Côte d’Ivoire’’

Dr Abdallah Albert Mabri Toikeusse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique: “La concertation nationale est proportionnelle à nos ambitions pour la Côte d’Ivoire’’

M. le ministre, qu’est-ce qui motive l’organisation d’une concertation nationale sur l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique ?

Nous voulons, par cette concertation nationale, faire le diagnostic de notre système d’enseignement supérieur et de Recherche scientifique pour identifier les bases d’une politique nouvelle et ambitieuse proposant des offres de formation qui tiennent compte du bassin de l’emploi et des besoins de la Côte d’ivoire en termes de ressources humaines compétentes. Notre objectif également, c’est de mettre véritablement, par des résultats efficients de la recherche, le binôme enseignement supérieur et recherche scientifique au service du développement économique, social et culturel de notre pays.

Pour cela, nous avons invité des experts d’ici et d’ailleurs pour mener des réflexions au cours de la présente concertation nationale qui commence ce lundi et s’achèvera le 19 juin. Cette concertation nationale aboutira à l’élaboration d’une politique nationale de l’enseignement supérieur qui apporte des réponses adéquates aux problématiques du secteur et qui trace des orientations claires et cohérentes pouvant guider l’action des différents intervenants et assurer l’efficacité de l’action publique en la matière.

On imagine la crème du monde scientifique qui sera certes présente à ces assises mais la crainte que ce soit une concertation de trop dont les résultats iront dormir dans les tiroirs …

Bien sûr, nous aurons beaucoup d’experts. la crème du monde scientifique, comme vous le dites si bien, sera à nos côtés. Il ne s’agit pas d’une rencontre scientifique de plus et je puis vous rassurer que nous n’initions pas ex nihilo ces réflexions. Nous avons comme fond documentaire les différentes lois et différents décrets enregistrés par les différents gouvernements ainsi que les conclusions de nombreuses initiatives prises par mes prédécesseurs depuis 1995, dans l’optique d’améliorer la qualité de l’enseignement supérieur et la performance de notre système de recherche scientifique.

Nous avons donc pris en compte les recommandations des états généraux de la recherche scientifique tenus en mai 1999 à Yamoussoukro, celles du séminaire de relance de la recherche scientifique organisé à Grand-Bassam en février 2004, etc. la nécessité d’organiser cette concertation nationale est proportionnelle aux ambitions de la Côte d’ivoire en termes de développement, et de ce point de vue, vous comprendrez que les résultats de nos réflexions serviront plutôt à redynamiser le système de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, deux secteurs qui doivent permettre à notre pays de répondre aux défis de la mondialisation.

Au cours d’une émission radiophonique, vous avez dit que le gouvernement a consenti d’énormes efforts en faveur du département que vous dirigez. Et pourtant la recherche scientifique semble être le parent pauvre… Oui, le gouvernement a, en effet, consenti d’énormes efforts au profit de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, même si nous sommes encore en deçà de la proposition faite en janvier 2007, lors d’un sommet de l’Union africaine (Ua) à Lagos, par les Chefs d’état des pays de l’Ua de consacrer, d’ici à 2020, au moins 1 % de leur produit intérieur brut à la recherche et au développement.

Nos chercheurs, je l’avais dit également, sont des chercheurs ingénieux dont les compétences touchent tous les domaines  : agronomie, santé, mécanique, construction, etc. Cela dit, les difficultés auxquelles nous sommes confrontés se résument essentiellement à la valorisation et à l’industrialisation des résultats de la recherche et c’est pourquoi nous invitons le secteur privé, en plus des efforts du gouvernement, à nous aider à valoriser nos chercheurs.

La Côte d’ivoire a de quoi s’enorgueillir en matière de recherche scientifique et pour ne citer que ces exemples, nous avons un Centre de calculs doté d’un supercalculateur, le deuxième du continent après celui du Cap en Afrique du Sud, et nous sommes en train d’achever les travaux d’un laboratoire de haute sécurité et plus précisément un laboratoire de niveau 4 appelé p4 (Ndlr: les microbes sont classés sur une échelle de dangerosité qui va de 1 à 4. Fièvre typhoïde 1, tuberculose 3 et ébola 4) à l’institut pasteur de Côte d’ivoire. Tout cela vaut à notre pays l’honneur et la reconnaissance internationale d’abriter la Biobanque de la Cedeao qui a coûté 2,2 milliards de F Cfa. le gouvernement y a investi 5,6 milliards financés sur le budget national et ce laboratoire p4 devrait être disponible dans le courant de cette année 2019.

Nous avons aussi le programme ouest- africain d’épidémiologie virale ou West african Virus epidemiology (Ndlr, Wave acronyme en anglais) financé par la Fondation Bill et Melinda Gates qui concerne 12 pays africains et dont la coordination est assurée par la Côte d’ivoire. C’est un programme de recherche et de formation axé sur la sécurité alimentaire dont l’objet est l’augmentation des productions agricoles par un contrôle coordonné des infections virales.

En outre, le Fonds national pour la science, la technologie et l’innovation (Fonsti), d’un montant de cinq milliards de Fcfa, vise, en accord avec les partenaires suisses liés au Programme d’appui stratégique à la recherche scientifique (Pasres), au renforcement du système national de recherche et d’innovation par la valorisation scientifique et économique des résultats de la recherche. et dans cette perspective, nous accordons une place de choix aux femmes-chercheurs. Bref, la recherche n’est pas le parent pauvre mais elle nécessite un soutien plus accru du secteur privé et une contribution encore plus grande du gouvernement.

A vous entendre, cette concertation nationale, vient jeter les bases d’un enseignement supérieur et d’une recherche scientifique comme moteurs du développement de la Côte d’Ivoire ?

Tel est notre objectif  ! Vous savez, la responsabilité incombe au système éducatif de former un capital humain doté de compétences appropriées pour répondre aux besoins actuels et futurs de l’économie en prenant en compte tout le champ social, culturel, diplomatique, politique, etc. Et si la Côte d’ivoire affiche, depuis 2012, des résultats économiques performants avec une forte croissance, il lui reste cependant à améliorer sa contribution à la croissance mondiale par le truchement, entre autres, de ressources humaines de qualité.

C’est l’une des missions dévolues au ministère de l’enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et nous n’allons pas nous y dérober. Les résultats de la Concertation nationale sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique seront présentés à un conseil présidentiel que le président de la République convoquera à l’effet de jeter les bases d’un système performant au service de la société et de notre développement.

Interview réalisée par
Germaine Boni