Bruly Bouabré et Yaya Savané: Enchaînement imprévisible

Le doyen Bruly Bouabré (à droite) en compagnie de son curateur Yaya Savané
Le doyen Bruly Bouabré (à droite) en compagnie de son curateur Yaya Savané
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Bruly Bouabré et Yaya Savané: Enchaînement imprévisible

Bruly Bouabré et Yaya Savané: Enchaînement imprévisible

Le patriarche Frédéric Bruly Bouabré et son curateur Yaya Savané ont été portés en terre, le 3 mai dernier, à Daloa. Dans un enchaînement imprévisible ces deux hommes  se sont donnés rendez-vous dans l’au-delà.

Le grand baobab de l’art contemporain s’était couché, le mardi 28 janvier, aux environs de 6 heures du matin, à son domicile d’ Abidjan-Yopougon-Gesco. Très affligé par cette disparition, celui qu’il appelle affectueusement son « fils », le conservateur Yaya Savané, nous a indiqué hélas, « le vieux s’en est allé ».

Yaya Savané ne savait peut-être pas qu'il avait lui même rendez-vous avec la mort dans la nuit du 25 au 26 avril 2014, en France, où il avait été évacué.

Curateur de la collection Frédéric Bruly Bouabré, Yaya Savané était le grand absent,  le jeudi 24 avril dernier, à la table ronde en hommage à Bruly au musée des civilisations de Côte d’Ivoire, à Abidjan-Plateau.

Né en 1950 à Daloa, Yaya Savané est diplômé de l'Université d'État de Leningrad (Russie) où il a fait un Master of art en Histoire. Il est également le collaborateur scientifique et artistique de la Collection d'art africain contemporain (Caac) de Jean Pigozzi. Le Pr. Savané affectueusement appelé "le Russe" était également membre de l'Académie des sciences, des arts, des cultures et des diasporas africaines (Ascad).

M. Savané est aussi le directeur adjoint et curateur de la Rotonde des arts contemporains à Abidjan (un espace de rencontres et de développement culturel) dirigée par le Pr. Yacouba Konaté.

Savané, celui que le vieux Bruly Bouabré présentait comme son "premier fils", part au moment où la communauté des arts s’apprêtait à porter en terre, Frédéric Bruly Bouabré, le 3 mai prochain, dans son village natal à Zéprégühé, à une dizaine de kilomètres de Daloa.


Bruly Bouabré.  Artiste à multiples facettes tant par sa création écrite que picturale, Bruly Bouabré a été un véritable monument vivant comme en témoigne sa participation à la ‘’Documenta de Kassel’’ (Allemagne 2002), la plus importante rencontre des arts plastiques sur le plan international. Inventeur de l’alphabet bété de 448 pictogrammes monosyllabiques, philosophe, scientifique, artiste, on ne tarit pas d’éloges pour ce savant qui a inventé un alphabet universel, recensé et expliqué les scarifications, la comptabilité africaine et les poids Akan à peser l’or.

Bruly Bouabré est un homme singulier qui sera le témoin d’un fait d’ailleurs singulier, le jeudi 11 mars 1948, au Sénégal où il était en fonction au service de sécurité de l’Afrique occidentale française (Aof). « J’ai été témoin d’un fait singulier. J’ai observé le disque solaire qui changeait de couleurs. Il était divisé horizontalement en deux parties. La partie inférieure était plus blanche que la partie supérieure. Progressivement tout le disque a viré totalement au blanc pour ensuite donner sept couleurs. C’est alors que le jaune a explosé et a consumé toutes les autres couleurs. Dans la soirée, je suis entré en transe », raconte Bruly Bouabré pour expliquer d’où il est parti.

Suite à cette transe, il a été interné. Pendant cette période, Bruly mettait sur papier toutes les pensées qui lui venaient en rêve. C’est de là que « Le livre des lois divines dans l’ordre des persécutés » tire son origine. Un véritable trésor. On y trouve toute la tradition, la thérapie, la pharmacopée. « Ce livre mérite d’être enseigné dans les facultés de philosophie », soutient Yaya Savané, conservateur de musée.

Ce livre qui renferme plus de 500 pensées, constitue un code de comportement et une philosophie. C’est ce qui fait dire que Frédéric Bruly Bouabré est  aussi le fondateur d'une religion. Celle de « l’ordre des persécutés ».

CHEICKNA D. Salif
salifou.dabou@fratmat.info