Bondoukou :Autorités et cadres engagent la lutte contre l’exploitation des jeunes filles par les ménages abidjanais

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Bondoukou :Autorités et cadres engagent la lutte contre l’exploitation des jeunes filles par les ménages abidjanais

Mettez vos filles à l’école pour que demain, le Gontougo ait des femmes directeurs, députés, préfets, ministres… » Gnambgi Victor, secrétaire général de la préfecture de Bondoukou, s’adressait ainsi aux populations  le 26 mai dernier, à l’occasion de la fête des mères. Il n’a pas manqué de dénoncer l’attitude de certains parents qui déscolarisent leurs filles pour les donner en mariage ou les envoyer exercer le métier de servante, communément appelée, ‘’bonne’’, à Abidjan. C’est que le District du Zanzan est connu, en Côte d’Ivoire,  pour être la zone pourvoyeuse de filles de ménage  particulièrement dociles avec le label ‘’Bonnes de Bondoukou’’.

Une réputation, bonne ou mauvaise (c’est selon), que certains cadres de la région dont Sié Kobenan, ancien président du conseil général de Bondoukou, veulent voir disparaître. « Je vous encourage à engager des actions de développement qui prennent en compte la lutte contre la sous-scolarisation des filles, la lutte contre l’excision(…), contre le départ excessif des jeunes filles, parfois des mineures, vers les métropoles du sud pour exercer le métier de bonne», a-t-il lancé, il y a quelques mois, aux femmes réunies au sein de la Fédération des associations et mouvements féminins du Gontougo (Fagefeg).

L’artiste Sié Charles, bien connu dans le Zanzan, a, pour sa part, décidé d’initier une campagne de sensibilisation à l’exode rural. « En tant que leader d’opinion, je veux jouer ma partition dans ce combat en vue d’éviter à d’autres sœurs des mésaventures aux conséquences parfois graves», soutient-il. Pour Mme Ouattara Salimata, présidente d’un mouvement féminin, c’est la grande pauvreté des ménages qui est à la base de cette situation. C’est pourquoi, elle souhaite que des actions concrètes soient entreprises au profit des jeunes filles  pour les aider à se prendre en charge sur place. 

Le D. K. Hélène, que nous avons rencontré dans la localité de Laoudi-Bah, à 35 km de Bondoukou, revenue pratiquement bredouille d’une expédition abidjanaise, raconte : « J’ai passé près de 10 ans à Abidjan (Yopougon et Port-Bouët)  à faire le travail de bonne. Quand je suis tombée enceinte, puis malade, je ne pouvais plus travailler et j’ai dû utiliser toutes mes économies. J’ai été obligée de revenir au village sur insistance de  ma mère. »

Selon elle, c’est par l’entremise d’une  tante à Yopougon qu’elle s’est engagée, en 2003, dans ce métier où elle a connu de durs moments de labeur. Tout ce qu’elle en a retiré, c’est une fillette de 20 mois que le père n’a pas reconnu. Dans plusieurs villages du Zanzan, d’autres victimes  tentent de reconstruire leur vie avec des fortunes diverses. C’est le cas de Adjara M. qui, dans son village (Dabokitira), dans la sous-préfecture de Boahia  (département de Koun-Fao), a ouvert, en 2011, son atelier, de couture, ‘’Mamie-Couture ‘’. Elle se réjouit de ce que, en 2012, à la faveur de la fête des mères, un cadre de la localité lui a offert deux machines à coudre. « Maintenant, je me débrouille avec mon atelier qui m’aide beaucoup», affirme-t-elle.

Par ailleurs, des témoignages recueillis auprès de certaines communautés montrent que des jeunes filles fiancées font le travail de ‘’bonne’’ durant une certaine période afin d’avoir les moyens pour mieux préparer leur mariage (achat d’ustensiles de cuisines, de bijoux, pagnes…). « C’est une question d’honneur pour elles», nous a expliqué  Ouattara Anzoumana, couturier à Bondoukou et originaire de Sandégué. Pour les initiateurs de la campagne de sensibilisation, il s’agit surtout d’attirer l’attention de tous sur les effets néfastes de cet exode massif vers la capitale ivoirienne.  « Généralement, elles reviennent d’Abidjan avec des grossesses non désirées, des maladies, des tatouages  et des comportements reprouvés dans nos traditions tels l’irrespect. », déplore l’artiste Sié Charles, déterminé à poursuivre la lutte contre ce phénomène, en accord avec tous les fils et filles du Zanzan. Pour soutenir cette action, il vient de sortir un album ‘’Boussi’’  (il faut t’abaisser en koulango). Une invitation à l’humilité  et à une prise de conscience de la gravité du problème qui n’épargne aucune localité des régions du Gontougo et du Bounkani. L’auteur de la chanson partout fredonnée dans le Zanzan, ’’Ama Dongo’’ sortie en 2008, aborde d’autres thèmes dont la lutte contre le Sida.                                                                  

 

Marcel Benie

 

Correspondant régional