Supposée dénonciation de l’orpaillage clandestin et de la fraude sur la nationalité: Ces propos de Bédié qu’il faut condamner

Supposée dénonciation de l’orpaillage clandestin et de la fraude sur la nationalité: Ces propos de Bédié qu’il faut condamner

Selon ses proches, les propos d’Henri Konan Bédié visaient juste à dénoncer l’orpaillage clandestin et la fraude sur la nationalité. Mais les termes utilisés et surtout le passé du président du Pdci- Rda, lorsqu’il était à la tête de la Côte d’Ivoire, marqué par le concept controversé de l’ivoirité, plaident contre lui.

Les propos du président du Pdci-Rda sont plus dangereux que les phénomènes qu’il veut dénoncer. C’est un véritable appel au soulèvement des autochtones contre les allochtones. Un appel à un autodafé, un lynchage en règle d’une communauté. Comment veut-il qu’on comprenne cette phrase: ‘’On fait venir des étrangers armés qui sont stationnés maintenant dans beaucoup de villages…’’ ? Ou celle-là : ‘’… Il faut simplement que nous soyons conscients, car le moment venu, nous agirons pour  empêcher ce hold-up sur la Côte d’Ivoire, sous le couvert de l’orpaillage …’’. Ou encore celle-ci: ‘’ « D’autres ont fait venir clandestinement … surtout dans la commune d’Abobo les gens rentrent, on leur fait faire des papiers …’’. Il y a aussi celles-ci: ‘’… Nous avons fait venir des étrangers dans nos plantations de café, de cacao. Ensuite, les gens se sont installés à leur propre compte et aujourd’hui, ils agressent les planteurs ivoiriens et se disputent même la propriété des terres.’’ Et celles-là : ‘’… Il faut que nous réagissions pour que les Ivoiriens ne soient pas étrangers chez eux, car actuellement, on fait en sorte que l’Ivoirien soit étranger chez lui. Mais les Ivoiriens n’accepteront jamais cela…’’ n’y avait-il pas d’autres subtilités du langage pour dénoncer l’orpaillage clandestin ou la fraude sur la nationalité que d’utiliser ces propos d’une telle nocivité, capables de déchirer le nouvel équilibre retrouvé après de nombreuses actions du gouvernement ?

Toute porte à croire que le président Bédié n’a pas encore tiré les leçons de l’histoire récente de la Côte d’ Ivoire dont il a été l’un des principaux acteurs. C’est sous sa présidence qu’il y a eu, avec le concept de l’ivoirité aux contours ambigus et obscurs, une catégorisation des Ivoiriens qui a abouti, sous le régime de Laurent Gbagbo, à une véritable chasse aux étrangers. Et l’on sait où cela a conduit le pays.

Dans de longues années de crises, avec une rébellion à la clé et comme point d’orgue, une crise post-électorale qui a fait, selon les chiffres officiels, 3 000 morts. Doit-on revivre ces épisodes douloureux ? N’y a-t-il que des étrangers qui sont dans l’orpaillage clandestin en Côte d’Ivoire ? Regardons bien avant de tirer des conclusions hâtives. Et ces étrangers qu’on met à l’index, ne contribuent-t-ils pas à l’essor de la Côte d’Ivoire, tout comme des Ivoiriens en France, aux Etats-unis en Russie, en Italie… participent à renforcer le développement de ces pays ?

Dans notre parution de samedi dernier, nous disions dans la rubrique Mes Vérités qu’Henri Konan Bédié qu’on présente comme l’héritier putatif de Félix Houphouët-Boigny avait dévié de la trajectoire du premier Président de la Côte d’Ivoire. Tous ceux qui connaissent l’histoire de la Côte d’Ivoire peuvent témoigner de la politique d’ouverture du père de la nation ivoirienne. Combien sont-ils les étrangers qui sont passés par ici, y compris dans des gouvernements ?

C’est vrai qu’il y a de l’ivraie parmi eux, comme parmi les Ivoiriens qui sont allés chercher fortune ailleurs. Mais ces délinquants sont pris en chasse par la police ivoirienne, tout comme les polices d’ailleurs prennent en chasse les Ivoiriens qui se comportent en ‘’hors-la-loi’’. Henri Konan Bédié ne doit pas ramener la Côte d’Ivoire 20 ans en arrière. Les Ivoiriens, tous ensemble, doivent condamner ce dérapage.

ETIENNE ABOUA