Lutte contre le paludisme: Les progrès marquent le pas, faute de financement

Le paludisme tue en Afrique
Le paludisme tue en Afrique
Le paludisme tue en Afrique

Lutte contre le paludisme: Les progrès marquent le pas, faute de financement

Lutte contre le paludisme: les progrès marquent le pas, faute de financement  09:30 25/04/2013


Le paludisme tue tous les ans 660 000 personnes dans le monde. Toutes les minutes, un enfant meurt du paludisme. C’est pourtant une maladie évitable. A l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le paludisme, ce jeudi 25 avril, l’OMS et ses organismes partenaires mobilisent donateurs, chercheurs, stars et volontaires pour éradiquer la pandémie.



Institué par les Etats membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le 25 avril est célébré chaque année comme la Journée mondiale de la lutte contre le paludisme. 2013 ne dérogera pas à la tradition ! L’OMS a décidé que le thème pour cette année et les années suivantes sera « Investir dans l’avenir, vaincre le paludisme ».



Cette nouvelle thématique s’inscrit dans la prise de conscience que le paludisme est une maladie évitable et dont on guérit, mais que la prévention et la lutte contre cette maladie qui a beaucoup tué dans le monde (voir « Paludisme : quelques repères »), nécessitent un investissement sur la durée et un engagement politique sans cesse renouvelé. Telles sont, affirment les experts, les conditions sine qua non de l’éradication définitive de la maladie qui paraît aujourd’hui réalisable, à plus ou moins moyen terme.

« Mary et Martha »



La célébration parisienne de la lutte contre le paludisme a débuté par la présentation d’un film poignant du Britannique Richard Curtis consacré à la pandémie. Cette projection a été suivie d'un débat organisé à l'initiative de l'ONG ONE, qui travaille sur des questions de la pauvreté et des maladies en Afrique.



Curtis est le réalisateur des films comme Quatre mariages et un enterrement, Notting Hill ou Good Morning England qui ont fait sa notoriété auprès du grand public. Son nouvel opus Mary et Martha, inspiré d’une histoire vraie, met en scène les deux personnages éponymes, l’une Américaine et l’autre Anglaise, dont les fils ont été foudroyés par la malaria, lors d’un voyage en Afrique. Le film raconte la douleur de la perte, mais comment ces deux « mères courage » renouent avec la vie en se consacrant à la lutte contre la maladie. Deux femmes au foyer, elles réussissent à attirer l’attention des pouvoirs publics dans leurs pays sur la tragédie de la malaria qui emporte chaque année en Afrique entre 600 000 et 1 million de personnes, l'équivalent de la population d’une ville moyenne européenne. Elles finissent par obtenir du gouvernement américain que celui-ci augmente sensiblement son aide financière pour la lutte contre la malaria, car ces enfants africains qui meurent par milliers, comme le clament les deux mamans endeuillées, « sont aussi nos enfants ».



Le nerf de la guerre contre le paludisme, c’est… l’argent !



Le film de Curtis a le grand mérite de rappeler l’importance de l’argent dans la guerre contre le paludisme. Selon les experts, le coût de cette guerre s’élève à un peu plus de 5 milliards de dollars par an. Or les fonds nationaux et internationaux disponibles aujourd’hui représentent moins de la moitié de ce montant.



Selon le rapport 2012 de l’OMS sur le paludisme, les progrès énormes réalisés dans la lutte contre le paludisme au cours de la dernière décennie (réduction d’un tiers des décès dus au paludisme en Afrique, 53 % des ménages possédant des moustiquaires imprégnées d’insecticides contre 3 % en 2000, augmentation d’accès aux thérapies de prévention) sont aujourd’hui menacés à cause de la stagnation du financement mondial de la prévention et de la lutte antipaludique.



Pour le Dr Fatoumata Nafo Traoré, directrice exécutive du Partenariat Roll Back Malaria (« Faire reculer le paludisme »), organisme multilatéral qui coordonne l’action mondiale contre le paludisme, la crise financière que traversent en ce moment les économies développées pèse lourdement sur l’aide au développement pour la santé. Elle compromet sérieusement les acquis en matière de lutte contre le paludisme.



Les spécialistes craignent plus particulièrement que le manque de fonds empêche de réduire de 75 % d’ici à 2015 le taux d’incidence du paludisme et d’atteindre ainsi les cibles fixées par le Partenariat RBM et l’Assemblée mondiale de la santé. Tout d’un coup, cette bataille qui pour citer Richard Curtis semblait winnable (gagnable) a le goût d’un Waterloo à venir !

Joanne Yirrell : «Ma passion, ma mission»



Depuis la mort de son fils victime de la malaria, Joanne Yirrell s’est engagée corps et âme dans la lutte contre cette maladie évitable. Le film de Richard Curtis Mary et Martha est inspiré de la vie de Jo.



« En 2005, mon fils aîné, Harry, s’est porté volontaire pour aller enseigner dans une école du Ghana. Il n’a pas dormi sous une moustiquaire, ou il n’avait plus de cachets contre la malaria. Il enseignait dans une école et il voyait l’effet dévastateur de la malaria sur les enfants et il leur a donné ses cachets. Il pensait être assez grand et fort pour ne pas être inquiété par la maladie et il a essayé de protéger les enfants. C’était stupide, courageux et généreux, et sa bonté lui a coûté la vie.



Je donnerais n’importe quoi pour retrouver Harry, mais comme c’est impossible, je dois faire ce qu’il aurait voulu : m’engager. Je m’engage contre la malaria. Je m’engage envers les 660 000 enfants que la malaria enlève de ce monde chaque année. Je m’engage à côté des mères et des pères qui souffrent de la perte de leur enfant et souvent de leurs enfants. Aucun parent ne devrait perdre un enfant, en particulier quand il s’agit d’une maladie évitable. Aussi la malaria est devenue ma passion, ma mission. Aucune mère, aucun père ne devrait perdre son enfant à cause d’une maladie qu’on peut soigner et éviter, et cela coûte moins qu’une tasse de café !



Depuis 2009, quand je me suis engagée contre la malaria, les statistiques britanniques n’ont pas beaucoup changé. À l’époque, un enfant mourait de malaria toutes les 30 secondes. Aujourd’hui, en 2013, un enfant meurt chaque minute. Des progrès ont été réalisés, et c’est fantastique, mais il est vital que nous passions à la vitesse supérieure. Il est nécessaire de poursuivre les efforts et de débarrasser le monde de cette maladie. 660 000 enfants qui meurent chaque année, c’est comme si l’on perdait la population de Bordeaux, de Lyon et de Rennes chaque année. Ce ne serait pas acceptable, alors pourquoi cela l’est-il en Afrique ? Ce n’est pas acceptable pour moi, et je poursuivrai ma mission avec passion et avec l’espoir de voir la malaria éradiquée de la surface de la terre au cours de ma vie, et je laisserai ainsi un monument à mon fils bien-aimé, Harry. »



Traduit de l’anglais par Jean Guiloineau


RFI