Le débrief: "L’otage" contre son "libérateur"

Pascal Affi N'Guessan (en costume bleu et cravate rouge) lors du dépôt de sa candidature pour la présidence du FPI.
Pascal Affi N'Guessan (en costume bleu et cravate rouge) lors du dépôt de sa candidature pour la présidence du FPI.
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Le débrief: "L’otage" contre son "libérateur"

Le débrief: « l’otage » contre son « libérateur »

Mercredi, Pascal Affi N’Guessan a déposé sa candidature pour briguer la présidence du Front populaire ivoirien (Fpi). Ex-parti au pouvoir, passé dans l’opposition après la dernière présidentielle de 2010. Quelques jours plus tôt, la candidature de Laurent Gbagbo a été déposée. A l’initiative d’un groupe de militants dont son propre fils, Michel Gbagbo.

« On est passé du duo au duel », ont commenté beaucoup d’observateurs. En effet, ceux-ci voient désormais Laurent Gbagbo et son « filleul » comme des adversaires farouchement opposés. Une opposition telle que certains n’hésitent pas à parler d’ennemis dans cette bataille pour la présidence du Fpi.

En tout cas, la bataille fait rage sur les réseaux sociaux. Dans la presse aussi. Sur ces champs, les coups semblent venir d’un seul camp. Celui de Laurent Gbagbo ou du moins de ceux qui ont suscité et conduisent sa candidature. En face, Affi N’Guessan et son groupe semblent, eux, se contenter d’esquiver les coups qui arrivent. C’est comme dans un combat de boxe: l’un des boxeurs est très offensif vis-à-vis de l’autre. Il lance beaucoup de coups, quand l’autre fait beaucoup d’esquives. Mais les feintes du second boxeur sont autant de coups portés à l’endroit du premier.

C’est ce que ressentent, en tout cas, les pro-Gbagbo. Le fait qu’Affi N’Guessan ait accepté de « se battre » contre Laurent Gbagbo, le fait qu’il soit présent sur le ring, est le signe qu’il donne des coups effectifs à celui qui est pourtant son mentor. Tout le reste, comme la référence faite à lui et à ses idéaux, n’est que « diversion et stratégies », estiment-ils. Pour eux, M. Affi travaille donc pour le pouvoir et pour Alassane Ouattara, l’actuel Président de la République, en particulier. Les mots contre lui sont parfois très durs. Certains n’hésitent même pas à lui contester la nationalité ivoirienne.

Mais Affi N’Guessan garde sa ligne,…l’esquive. Pour le moment. Se contentant de lancer un certain nombre de rappels. Des choses pour lesquelles il croit que tous les militants du Fpi sont d’accord. Il leur rappelle notamment que, pour tous au Fpi, Gbagbo est un « otage ». Et donc, « on ne peut pas demander à un otage d’organiser sa propre libération », explique-t-il. Tout en mentionnant qu’il est candidat « pour libérer Gbagbo ». Affi rappelle aussi qu’il est candidat à sa propre succession, pour dire que même quand Gbagbo était libre et au pouvoir en Côte d’Ivoire, le président du Fpi s’appelait Affi N’Guessan.

Que dit Gbagbo lui-même de cette situation et de sa candidature ? Difficile de le savoir. L’ancien Président de la République est aux mains de la justice internationale, accusé de faits jugés graves. Après une longue procédure, il n’a pu éviter le procès qu’il attend désormais. A-t-il donc le temps de s’occuper d’un parti politique, même si c’est celui qui l'a fondé ? Est-il au dessus de cette chansonnette qui dit qu’« un prisonnier n’a pas de choix? » Pour dire que le prisonnier a perdu tous ses droits, à part ceux liés directement à sa défense ? De surcroit, l’un des arguments mis en avant par la Cpi pour refuser régulièrement à Laurent Gbagbo la liberté provisoire est qu’il détient encore une « capacité de nuisance ». Lui confier le Fpi, dans un contexte politique où les contradictions s’expriment souvent par des violences serait la confirmation que Laurent Gbagbo est effectivement l’instigateur des crimes qu’on lui prête, pensent des analystes.

D’ailleurs, l’un des analystes s’interroge : « à qui Laurent Gbagbo va-t-il confier la gestion du parti, s’il est élu » ? Un autre se demande : « pourquoi vouloir que Laurent Gbagbo soit président d’un parti politique alors que ses partisans le considèrent toujours comme le président de la République, injustement mis en prison ». Cette dernière question a certainement inspiré un partisan qui, sur sa page Facebook, écrivait qu’il pensait qu’on allait tenir « le chef loin » de cette compétition interne. Ajoutant qu’il était gêné par le fait que cette candidature suive ce qu’on appel « l’appel de Mama », village de Gbagbo et qu’elle soit portée par le fils même de Gbagbo. Des choses (régionalisme et tribalisme) contre lesquelles Laurent Gbagbo s’étaient élevées, rappelle-t-il.

De fait, pour des observateurs, la candidature de Laurent Gbagbo pour le contrôle du Fpi peut s’avérer vraiment gênante. Pour son parti et pour ce qui est présenté comme sa vision de la chose publique. Dans les circonstances actuelles. Pour eux, vouloir coûte que coûte Laurent Gbagbo comme président du Fpi, c’est accréditer la thèse de « Gbagbo ou rien ». Ou encore « No Gbagbo, no peace (Pas de paix sans Gbagbo) ». Or les grands hommes sont ceux qui sont capables du don de soi, de sacrifice, pour le bonheur de la communauté. Contrairement à l’histoire du chef qui brûle tout le village parce qu’il a perdu (même injustement) son fauteuil de chef, estiment nos observateurs.

Bonne semaine à toutes et à tous !


Barthélemy KOUAME
barthelemy.kouame@fratmat.info