Le débrief: Blé Goudé et son transfèrement…

Charles Blé Goudé, ex-leader de la "galaxie patriotique" a été transféré à La Haye.
Charles Blé Goudé, ex-leader de la "galaxie patriotique" a été transféré à La Haye.

Le débrief: Blé Goudé et son transfèrement…

Le débrief: Blé Goudé et son transfèrement…

Parti samedi matin d’Abidjan, Charles Blé Goudé a passé ses premières nuits à La Haye, au Pays-Bas. A la Cpi (Cour pénale internationale), là où se trouve Laurent Gbagbo depuis plus de deux ans. « M. Blé Goudé est arrivé au quartier pénitentiaire de la Cpi », a indiqué à l’Afp Fadi el Abdallah, le porte-parole de la Cour. Ajoutant que cette arrivée a eu lieu « un peu avant une heure du matin ».

Jeudi, à l’issue du Conseil des ministres, le gouvernement a révélé qu’il a accepté de le transférer à La Haye. Conformément à la demande de la Cpi. Un communiqué du ministère de la justice, daté du même jour, en a donné des précisions. Morceau choisi: « la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale a rejeté le lundi 3 mars 2014 la requête du gouvernement, en vue de surseoir à l’exécution de la demande d’arrestation et de remise de M. Charles Blé Goudé et a demandé une réponse dans les meilleurs délais ».

Dès vendredi, la Cpi a exprimé sa satisfaction quant à cette issue de sa demande. Samedi, la procureure Fatou Bensouda a estimé que
la remise de Charles Blé Goudé à la juridiction internationale est une « nouvelle étape dans la recherche de la vérité » en Côte d’Ivoire. « Nous avons franchi une nouvelle étape dans la recherche de la vérité dans l’un des épisodes les plus sombres de violences commises à grande échelle ces dernières années », a-t-elle poursuivi. Pour la procureure, « ceux qui ont recours à la violence et commettent des crimes à grande échelle contre des civils pour obtenir le pouvoir doivent rendre des comptes ». Comme pour dire aussi que « les enquêtes vont se poursuivre ».

M. Blé Goudé est poursuivi pour au moins quatre chefs d’accusation:
meurtre, viol, persécution et autres actes inhumains, commis entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011. Le mandat d’arrêt le visant a été rendu public fin septembre-début octobre 2013. Les autorités d’Abidjan avaient donc été priées d’exécuter ledit mandat. Et leur demande de ne pas le faire, ne serait-ce que pour un temps, « a été rejetée ». Comme elles le reconnaissent elles-mêmes.

Le transfèrement de Charles Blé Goudé suscite évidemment diverses réactions. Plusieurs associations des droits de l’Homme se sont réjouies de l’exécution du mandat d’arrêt. Tandis que pour le Front populaire ivoirien (Fpi), il ne s’agit ni plus ni moins que d’une « rupture du dialogue » instauré entre le gouvernement et l’opposition dans le cadre du processus de réconciliation.

Justement pour de nombreux autres observateurs, il faut faire cohabiter le processus de réconciliation et la justice. Mardi matin, préalablement informé ou pas du cas Blé Goudé, le premier conseiller de la Délégation de l’Union européenne à Abidjan n’a pas manqué de rappeler que les autorités ivoiriennes doivent coopérer dans le cadre des « mandats d’arrêts existants ou à venir », émis par la Cpi. Au cours d’un petit-déjeuner de presse, le diplomate européen a évoqué une sorte de dette qu’il faut payer vis-à-vis des victimes... « de tous les camps ».

Le gouvernement ivoirien n’aurait donc pas eu d’autres choix que de transférer l’ancien leader des « jeunes patriotes » à la Cpi. Dans un contexte international ou la justice est un critère de poids pour bénéficier des meilleurs programmes de développement et d’intégration économique. « L’amnistie générale n’est pas bénéfique pour la Côte d’Ivoire », avait déclaré à juste titre le diplomate européen.

La pression serait aussi venue de Charles Blé Goudé lui-même, estiment d’autres analystes. Dans un article publié sur un site camerounais, le 12 mars (soit un peu plus d’une semaine avant la décision du gouvernement) l’auteur estime que les récentes publications de photos de Charles Blé Goudé à moitié nu s’inscrivent dans « une campagne » orchestrée par le prévenu lui-même afin que son transfèrement à la Cpi se fasse. Et un article en ligne publié par la radio Rfi, plusieurs mois plus tôt, plus précisément en septembre de l’année dernière (c’est-à-dire avant la publication même du mandat d’arrêt) accrédite cette thèse. Selon la radio,
Nick Kaufman, un avocat international de Charles Blé Goudé, a déclaré: « mon client a plusieurs fois proposé à l'ancien procureur de la Cpi de venir s'expliquer devant les juges, ce qui n'a jamais été accepté ».

Bonne semaine à toutes et à tous !

Barthélemy KOUAME
barthelemy.kouame@fratmat.info