Gervais Coulibaly. : “ Il faut absolument que nous sortions de cette période d’incertitude et de tension ’’

Gervais Coulibaly
Gervais Coulibaly
Gervais Coulibaly

Gervais Coulibaly. : “ Il faut absolument que nous sortions de cette période d’incertitude et de tension ’’

Votre parti a participé aux élections locales qui viennent de s’achever, quel bilan en faites-vous ?

Nous avons participé aux élections locales comme aux législatives. Le bilan est simple. Le fait de contribuer à la cohésion, à la démocratie, à la normalisation de la vie politique et sociale dans le pays est une satisfaction. Il faut absolument que nous sortions de cette période d’incertitude  et de tension. Il faut réussir à ramener les Ivoiriens sur ce qui est essentiel : la Côte d’Ivoire. Afin que l’on commence à faire de la politique. C’est pour cela que nous avons participé aux élections. Ce qui est, entre autres, l’objectif d’un parti. C’est là qu’on le voit, qu’on le connaît et l’évalue. Ainsi, on se fait des élus grâce aux suffrages des électeurs. Nous avons participé aux élections législatives et locales et nous en sommes sortis avec des élus. Un de nos militants a été élu dans la région de Bouna et nous avons conclu une alliance avec le maire Aby Raoul à Marcory. Sur sa liste, nous avons des camarades. Dans certaines localités,cela a moins bien marché. Par ailleurs, nous avons deux députés à l’Assemblée nationale. Pour un jeune parti comme le nôtre qui doit vivre d’actions politiques, nous pensons que le bilan est vraiment satisfaisant.

On enregistre beaucoup de commentaires sur le taux de participation. Quel est le vôtre ?

Le taux de participation n’est pas l’essentiel. C’est un signal. Il n’a pas été très élevé, certes. Mais de toute  façon, les élections locales n’ont jamais mobilisé un grand nombre d’Ivoiriens. Le scrutin qui a toujours mobilisé les Ivoiriens est la présidentielle. Il faut noter  qu’en Côte d’Ivoire, les politiciens que nous sommes avons réussi à décourager nos concitoyens. Ce n’est pas une affaire de partis politiques. Les Ivoiriens sont traumatisés  par les élections. Il y a un travail à faire à tous les niveaux. C’est ce à quoi s’attelle le          Cap-Udd. Tant que les Ivoiriens se diront qu’à l’issue d’une élection, il y aura des troubles, ils n’y participeront pas.

L’autre remarque qu’on fait aussi, c’est le nombre impressionnant d’indépendants élus. On dirait que les discours des hommes politiques, le choix des partis, ne sont plus très écoutés.

Les indépendants sont des politiques. C’est le langage des hommes politiques qui n’est pas bien compris. On peut parler aussi de mauvais coaching. Les gens savent très bien que le candidat de leur choix ne fait pas le poids, mais pour des raisons qui leur sont propres, ils l’imposent. A croire qu’ils s’occupent moins des desiderata du peuple. Il  faut vraiment le noter. C’est le péché des hommes politiques ivoiriens qui pensent qu’ils savent tout et mieux que la population elle-même. Ce n’est pas la vision du Cap-Udd. Quand vous décidez de faire de la politique, vous ne le faites pas pour vous-même, mais pour ceux pour qui vous dites travailler. Si vous les infantilisez, il est normal que vos choix ne soient pas les leurs. C’est ce qu’on a vu avec l’élection des indépendants. Ce sont également des erreurs de casting. Quelquefois aussi, on a l’impression que ceux qui ont choisi certains candidats font exprès. de positionner un indépendant à côté. Pour me résumer, il y a eu trois types d’indépendants : d’abord ceux qui  sont là pour montrer à leurs partis qu’ils ont fait un mauvais choix. Ensuite, ceux qui sont appelés par leurs populations. Ces derniers sont souvent membres de partis politiques. Mais n’ayant pas été désignés par ces derniers, ils partent en indépendants. Enfin, les aventuriers.

À votre avis, le Fpi, qui crie aujourd’hui victoire, a-t-il bien fait d’appeler au boycott des élections locales ?

Il ne m’appartient pas de juger les prises de position des partis politiques ou d’un parti frère. Cela ne fait pas partie des usages du Cap-Udd.Le Fpi a ses raisons que nous pouvons ne pas partager.

Mais vous êtes bien victimes du boycott…

Ils ont appelé au boycott des élections. Mais après, le président du Fpi, Miaka  Ouretto, a lancé un autre mot d’ordre depuis l’Italie :Quand il y a,  quelque part, un candidat du Pdci qui affronte un autre du Rdr, il faut que les militants aillent voter pour celui du Pdci, parce que qu’avec ce parti, la discussion est maîtrisable’’. Alors je me pose la question : n’est-ce pas une façon de dire d’aller à ces élections ? Je ne comprends pas qu’on demande aux gens  de ne pas y participer et, en même temps,qu’on leur dise de voter pour les candidats du Pdci, notamment à Cocody. Mais Miaka Ouretto n’exhorte pas à voter les listes des candidats de la grande famille de ceux que les journalistes appellent les pro-Gbagbo. Est-ce à dire que cette grande famille que nous composons n’existe plus ? Et si tel est le cas, il faut le dire franchement. S’il faut désormais se tourner vers des adversaires, afin de nouer des alliances, ce n’est pas mauvais. Mais il faut commencer par organiser la grande famille qui en a fortement besoin. C’est la mission première que s’est assignée le Cap-Udd. Je pense que c’est un signal qui n’est pas bon. Au moment où vous allez vous remarier, ce n’est pas une raison pour vous défaire de vos parents. Sinon,vous risquez de vous retrouver esseulé.

Faut-il comprendre que vous n’êtes pas d’accord avec l’alliance future entre, le Fpi et le Pdci ?

Pour le moment, je parle de rassembler la famille ou clarifier les choses. Si la  famille pro-Gbagbo n’existe plus, qu’on nous le dise.

Vous avez  parlé de normalisation de la vie politique comme fondement du votre participation aux élections. Du Cadre permanent de dialogue (Cpd) au Dialogue direct gouvernement-Fpi censés normaliser la vie politique, quels sont les acquis, aujourd’hui ?

Le Cap-Udd, dans sa stratégie pour la normalisation de la vie politique, a décidé de discuter avec le pouvoir.

Soit on prend les armes, soit on s’inscrit dans le règlement politique. Car, pour paraphraser le Président Laurent Gbagbo, « La belligérance est terminée. Il est temps de passer au règlement civil et politique de la crise ». Ce qui signifie pour nous qu’il faut discuter. La vie politique ne se fait pas autrement que par la discussion. Elle seule peut la normaliser. Si le Cpd est né, c’est sur notre insistance. C’est un cadre de dialogue entre le gouvernement et l’opposition. Mais avant, nous avons obtenu la libération de certains de nos camarades. C’est grâce au Cpd que nous avons cette accalmie, aujourd’hui. Les gens ne s’en rendent pas compte. Regardez un peu en ville, les barrages des Frci n’existent quasiment plus. Les militaires sont rentrés dans les casernes. C’est un acquis du Cpd. Pareil pour le report des élections pour permettre aux uns et aux autres de s’apprêter. Il a  également obtenu la discussion sur la loi portant statut des partis politiques de  l’opposition ivoirienne. L’avant-projet de loi a été  débattu. Nous avons discuté et obtenu un règlement intérieur qui régit le Cpd.

C’est l’occasion de demander au gouvernement de reprendre les discussions, là où nous les avions laissées, maintenant que les élections sont terminées. C’est-à-dire au niveau de la Commission électorale indépendante (Cei). Chaque fois que nous nous rencontrons, en une heure ou deux, nous discutons franchement, sans animosité.

Le dialogue direct ne s’enlise-t-il pas ?

Ce sont onze partis qui sont regroupés au sein du Cadre permanent de dialogue. Nous avions des rencontres tous les 15 jours. Nous pensons que le Premier ministre, va nous inviter, très bientôt, à une réunion.

Vous avez dit que le Cpd a permis de libérer certains prisonniers. Où en sommes-nous, aujourd’hui ?

Avant que le Cadre permanent de dialogue ne prenne le relais, il a fallu que des personnes discutent pour obtenir la libération de certains prisonniers. Aujourd’hui, je peux vous informer que Cap-Udd a été la seule force à prendre le risque d’aller demander la libération de nos camarades. Même quand on fait semblant de ne rien savoir, on reconnaît que les premiers prisonniers, dans ce pays, ont été relâchés grâce au combat de notre parti qui a été, malheureusement, traité de tous les noms. Même si certains de nos camarades libérés ne le reconnaissent pas, nous le faisions pour la normalisation du pays. On a atteint notre objectif. En outre, avec la Ligue du mouvement pour le progrès (Lpm), nous avons poursuivi ce travail. Au départ, les discussions se faisaient entre le Cap-Udd et le gouvernement, après, entre Lmp et le gouvernement, aujourd’hui, c’est le Cpd. Vous voyez que les choses bougent puisque maintenant,il y a onze partis et le gouvernement autour de la table. Le message passe, de négociation à négociation. Le Cap-Udd n’est pas gêné que son initiative avance. On ne demande pas qu’on nous tresse des lauriers.

Et le cas des exilés ?

Le cas des exilés est traité. Nous avons demandé au gouvernement de mettre en route une mission conjointe pour aller parler avec  nos camarades exilés. Ce que nous voulons, c’est qu’on les rassure. Mais il faut noter que certains sont sous le coup de mandat d’arrêt. Peuvent-ils rentrer au pays ? Ce n’est pas évident. Nous travaillons donc avec le gouvernement pour obtenir le retour de nos camarades. Il ne faut pas baisser les bras.

On revient à l’alliance que le Fpi veut nouer avec le Pdci. Pourquoi ne saisissez-vous  pas la main tendue du Fpi, vous qui êtes ‘’de la grande famille’’ pro-Gbagbo ?

J’ai déjà fait état du préalable. Je dis qu’avant d’aller faire la cour à d’autres partis,notamment au Pdci, qui, quoi que l’on dise, est un adversaire politique, il faut rassembler, organiser ses amis. Il importe également de réformer ce groupe que notre leader, Laurent Gbagbo, avait baptisé Lmp (La majorité présidentielle). Maintenant, une alliance Fpi-Pdci ne nous concerne pas, vu que nous ne sommes pas Fpi. Ce parti est libre de s’associer à qui il veut. Je ne sais pas si c’est opportun ou pas, mais je pense qu’ils y ont réfléchi.

Ils sont nombreux les Ivoiriens qui sont déçus qu’il n’y ait pas d’opposition forte face au Rhdp. Que leur répondez-vous ?

Je les comprends. Mais il faut qu’ils sachent aussi qu’une opposition, ce n’est pas seulement des heurts, des violences gratuites. Les Ivoiriens sont traumatisés, aujourd’hui, par tout ce qu’ils ont vécu. Je pense qu’on doit se détourner de toute voie qui en ajouterait à la souffrance du peuple qu’on prétend servir. En déhors de la prise d’armes, on peut être au Parlement pour constituer un contre-pouvoir, être élu à des niveaux stratégiques pour changer le cours des choses sans tuer, etc. Le peuple n’a pas besoin d’une opposition turbulente qui nuirait à la démocratie elle-même. On doit amener le gouvernement à créer les conditions de la démocratie, sans tomber dans des aventures périlleuses, non seulement pour soi, mais encore pour la communauté. Malheureusement, je pense qu’il y a encore des gens qui s’inscrivent dans des options de tension. Mais le Cap-Udd se fait le devoir de détendre l’atmosphère. Et les élections locales étaient une bonne occasion de le faire.

On pouvait même les dépolitiser, de sorte qu’aucun parti politique ne s’en mêle. Vous auriez vu des citoyens de tout bord qui se seraient regroupés, car on se connaît tous. On aurait eu des listes fusionnées et les argumentations politiciennes n’auraient pas marché. On ne parlerait pas de bastion d’un parti politique et les Ivoiriens seraient  sortis réconciliés. Cela aurait été un grand pas vers la réconciliation.

Le Président Alassane Ouattara a annoncé sa candidature pour 2015. Etes-vous également candidat ?

J’appartiens à un parti politique où il existe des règles que je ne peux enfreindre. Si nous devons aller aux élections et que le parti considère que je suis la personne idéale pour le représenter, on verra bien.

Etes-vous pour que l’on dépassionne le débat politique ?

En Côte d’Ivoire, tout le monde se passionne pour la politique. Mais je voudrais demander aux Ivoiriens de regarder d’abord l’intérêt du pays. Rappelez-vous les tensions suscitées par les élections locales. On personnalise trop les débats, en oubliant la Côte d’Ivoire et les populations qu’on prétend servir.

Interview réalisée par

Sylvain Namoya