Essy Amara: ‘‘Andrew Young a une ambition pour l’Afrique’’

Essy Amara: ‘‘Andrew Young a une ambition pour l’Afrique’’

Essy Amara : ‘‘Andrew Young a une ambition pour l’Afrique’’

Témoins de la distinction décernée par l’Etat de Côte d’Ivoire, le 8 octobre à Atlanta, à l’une des plus hautes personnalités américaines, l’ambassadeur Essy Amara, rappelle quelques valeurs d’Andrew Young.

Que vaut l’honneur de votre présence à la double cérémonie de lancement de la fondation de l’université de Grand Bassam et de la décoration de l’ambassadeur Andrew Young, à Atlanta ?

Effectivement, je suis venu pour lui. Andrew Young est un grand ami. C’est une personnalité diplomatique non seulement aux Etats unis mais également en Afrique. Il a été le premier noir à être représentant  permanent des Etats unis aux Nations unies. C’est un poste très important dans la diplomatie américaine. Un poste stratégique, parce que l’ambassadeur des Etats Unis aux Nations Unies est membre du Conseil de sécurité qui est l’instance de décision du président des Etats unis. A ce titre, il reçoit ses instructions directement du président des Usa. En réalité, Andrew Young est le noir qui a occupé le poste le plus important dans la diplomatique américaine.

Quelle emprise avait-il dans  les relations internationales entre les Etats Unis et les autres pays?

Il a réussi à façonner l’image des Etats Unis vis-à-vis de beaucoup de problèmes africains et arabes. C’est quelqu’un qui a le contact très facile. Par exemple, il avait rencontré, au cours d’un cocktail donné par l’ambassadeur de Koweït aux Nations Unies, le délégué de l’Olp de Yasser Arafat. Ce qui était impassable à l’époque. Mais avec le lobby juif, il a démissionné. Cependant, il a montré aux Etats unis que quel que soit la divergence, on peut parler aux uns et aux autres. Cela nous a tous marqué de savoir qu’un ambassadeur, malgré les instructions de son pays, a pu élargir les contacts avec tout le monde, notamment avec les africains, les latino-américains, les asiatiques.

Sa démission aux Nations unies a-t-elle impacter les relations internationales entre les Etats unis et le reste du monde ?

Pas du tout. Bien au contraire. N’étant plus aux Nations unies, il a toujours répondu aux sollicitations, notamment du groupe africain qui avait beaucoup de problèmes, quelquefois avec les délégués américains sur les questions du nouvel ordre économique. J’étais ambassadeur aux Nations unies et nous luttions pour un ordre économique plus juste et plus équitable. Le groupe africain me désignait,   d’aller voir Andrew Young à Atlanta pour lui demander de nous aider à régler nos problèmes avec les délégations américaines. Et il le fait. Il mérite donc cette décoration, surtout qu’il a une ambition pour l’Afrique et il faut l’encourager. Des personnalités de sa trempe aux Etats Unis constituent un important support dans toutes les activités que l’Afrique entreprend aux Etats Unis. Je suis donc fier d’assister à cette cérémonie de décoration pour lui rendre hommage.

Qu’est-ce qu’il a fait concrètement pour la Côte d’Ivoire ?

Il y a ce qu’on voit et ce que l’on ne dit pas. J’étais ambassadeur à Genève et Andrew Young était l’ambassadeur des Usa aux Nations Unies. Il a rencontré longuement le président Houphouët-Boigny pour avoir sa vision sur certains problèmes africains. C’était très important, parce que les Usa avaient une vision manichéenne de la politique, c’est-à-dire qu’en Afrique, il y avait des bons et les mauvais. Le président Houphouët-Boigny qui était bon avec sa politique libérale pro-occidentale et les autres comme Mathieu Kérékou et les autres qui étaient des communistes et des méchants. Mais le président Houiphouët-Boigny lui démontré qu’il n’y avait aucune différence entre nous. Et qu’on avait les problèmes et mais chacun les exprimait selon ton tempérament. Le président l’assurait qu’il n’y avait pas un communiste qui ravageait l’Afrique et qu’il fallait recentrer les choses. Il lui a dit que nous avons tous un problème, celui du développement. Parce que les prix des matières premières café, cacao fixés par les bourses à Londres, à Paris à Chicago ne couvrent même pas le coût de production. C’est le véritable problème de l’Afrique. Donc le président lui a fait savoir que si les Etats Unis  veulent combattre le communisme, c’est de faire en sorte que les pays africains prospèrent en travaillant. On ne peut pas produire plus et gagner moins. C’est la meilleure façon de combattre le communisme.

Ce message du président Houphouët-Boigny a-t-il été entendu ?

Oui. Le message a été bien compris. Parce que la Côte d’Ivoire a été le seul pays africain au sommet de Cancun en 1981, portant sur la coopération internationale et le développement. C’est donc c’est donc à travers ces genres de discussions qu’on a réussi à harmoniser certaines vues entre nous et les Etats Unis et surtout  cela a amené une certaine vision des Etats unis sur les problèmes africains et Andrew Young en a été le plus grand artisan.

Il a des ambitions pour l’Afrique, vous l’avez dit. A quoi peut-on s’attendre dans les jours à venir en Côte d’Ivoire, par exemple ?

 Nous sommes venus pour la fondation de l’université internationale de Grand-Bassam qu’il a contribué à mettre en place.  Je félicite le Pr Saliou Touré et son équipe qui ont compris la politique américaine en matière de développement. Les fondations sont très importantes aux Etats Unis. Quand on s’intègre dans cette logique, si on a les personnalités de premier plan qui donnent la crédibilité à la fondation, un boulevard s’ouvre en ce qui concerne la recherche des fonds. Je crois qu’avec Andrew Young et toutes les personnalités américaines venues à cette cérémonie, on peut espérer avoir des sommes substantielles pour donner des bourses à nos étudiants brillants qui malheureusement n’ont pas les moyens financiers pour rentrer dans les universités américaines qui coûtent cher. Avec cette fondation, on pourra former des cadres de très haut niveau. Des personnalités comme Andrew Young, l’ambassadeur Alice Dear qui a été représentante des Etats Unis à la Banque africaine de développement, connaissant tous le milieu financier, vont permettre de mobiliser les fonds au profit de la fondation de l’Uigb. L’avenir est donc très promoteur pour l’université de Grand-Bassam.

Entretien réalisé à Atlanta par Germaine BONI