Assemblée nationale: Pourquoi le Pdci-Rda exerce tant de pressions sur ses députés ?

Assemblée nationale: Pourquoi le Pdci-Rda exerce tant de pressions sur ses députés ?

L’affaire fait grand bruit. Des députés issus du Pdci-Rda ont décliné l’offre du président de l’Assemblée nationale, Amadou Soumahoro, de faire partie du nouveau Bureau de la Chambre basse du Parlement. La plus ancienne formation politique qui est entrée dans une sorte de boycott systématique des activités de l’Assemblée nationale rit à gorge déployée et crie victoire sur tous les toits. Mais à quel prix ? Et peut-on en être fière, après avoir dirigé la Côte d’Ivoire ? Peut-on en être fière, alors qu’on dit avoir pris son bâton de pèlerin en vue d’œuvrer pour davantage de cohésion entre les filles et fils de ce pays ?

Pourquoi cette politique politicienne, alors qu’on se présente aujourd’hui comme une alternative ? Doit-on confier la Côte d’Ivoire à ceux qui militent pour des rapports distendus ? Doit confier le pays à des gens qui développent des pratiques dignes de preneurs d’otages ? Des gens qui usent de menaces. Qui ne cherchent pas à convaincre, mais plutôt à contraindre.

Pourquoi le Pdci-Rda exerce tant de pressions sur ses députés qui avaient donné leur accord pour participer aux travaux du nouveau Bureau de l’Assemblée nationale et qui avaient même pris part à la première rencontre de cette structure de la Chambre basse du Parlement, le 7 mai?

Le 8 mai, deux jours après la mise en place du Bureau de l’Assemblée nationale et un jour après la première réunion de cette structure à laquelle trois députés du Pdci-Rda ont pris part, deux d’entre eux, en l’occurrence Anigo épouse, Attoungbré Affoué de la circonscription de Brobo, Mamini et Bouaké sous-préfecture et Camara Kinaya Juliette de Katiola, Fronan et Timbé commune et sous-préfecture, se sont rétractés et ont décidé de ne plus participer aux rencontres dudit Bureau.

Dans un courrier identique qui laisse clairement deviner qu’il s’agit de l’œuvre d’une officine bien établie, les deux élues de la nation demandent au président de l’Assemblée nationale de prendre attache avec le président de leur groupe parlementaire, Maurice Kakou Guikahué. Samedi, nous apprenions aussi que Likane Yagui Jean, député de la circonscription de Gboguhé et Zahibo, commune et S/P, dans le département de Daloa, annonçait aussi son départ du nouveau Bureau. Il avait également participé à la première réunion de la nouvelle structure dirigeante de l’Assemblée nationale.

Tout comme les deux dames, il souhaite que le président Amadou Soumahoro prenne attache avec Maurice Kakou Guikahué. Comment en est-on arrivé à ces revirements ? Avant de répondre à cette question, revenons d’abord sur la composition du nouveau Bureau de l’Assemblée nationale.

Après son élection à la tête de cette institution, le 7 mars, Amadou Soumahoro a commencé les consultations pour la formation du Bureau. Il a eu plusieurs rencontres avec les différents responsables des groupes parlementaires de la Chambre basse du Parlement. Notamment avec celui du Pdci-Rda qui, après le Rhdp, a le plus grand nombre de députés.

Ces négociations n’ayant pas donné les résultats escomptés, le président de l’Assemblée nationale, comme le veut l’usage en la matière, a échangé avec les députés qui, selon lui, pouvaient faire partie de son équipe, eu égard à son objectif de bâtir une Assemblée nationale plus forte et plus dynamique. C’est ainsi qu’Anigo épouse Attoungbré Affoué, Camara Kinaya Juliette et Likane Yagui Jean ont donné leur accord pour être membres du nouveau Bureau de l’institution.

Dans une parution d’un journal de la place, le député Sidibé Abdoulaye affirme, à ce propos : ‘’Les députés de l'opposition qui sont dans le bureau ont bel et bien été consultés par le président de l'Assemblée nationale. Les députées Camara Juliette et Anigo Attoumgbré ont donné leur accord. Et c'est après proposition du président, en plénière, que ces choix ont été adoptés. Plus grave même, le mercredi 8 mai, à 11h, elles ont été reçues par le président de l'Assemblée nationale. Elles ont confirmé leurs engagements. Je mets quiconque au défi de me prouver le contraire’’.

Lundi 6 mai, les députés des groupes parlementaires de l’opposition, du Pdci-Rda, de Rassemblement (proche de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro) et Vox populi ne prendront pas part au vote du Bureau de l’Assemblée nationale. Selon ces élus, il faut un Bureau en fonction du poids de chaque parti politique présent à l’hémicycle, une sorte de proportionnelle.

Pour eux, il faut s’appuyer sur l’article 100 de la Constitution qui dit : ‘’L’opposition parlementaire dispose de droits lui garantissant une représentation adéquate et effective dans toutes les instances du Parlement.’’ Dans cet article, nulle part, il n’est fait mention de proportionnelle. Aucune ligne ne le dit. Aucun théorème arithmétique n’attribue un nombre donné de poste à un groupe parlementaire.

Revenant sur le processus de formation du Bureau, le président de l’Assemblée nationale a rappelé, le 7 mai, le contexte habituel de la formation des différents bureaux qui se sont succédé : ‘’C’est le fruit d’un arrangement politique. Quand le législateur a voulu la proportionnelle, il l’a appliquée aux lois portant organisation des municipales et des régionales. En ce qui concerne l’Assemblée nationale, le même législateur a établi que son Bureau doit être le reflet de sa configuration politique. Il n’est pas fait mention de proportionnalité. Ayant participé à des formations de Bureau de l’Assemblée nationale puisque j’ai été président de groupe parlementaire, nous avons toujours obtenu l’établissement du bureau à la suite de discussions et de négociation politiques’’.

Pourquoi donc tant de frénésie pour ce qui est habituel et su de tous ceux qui sont présents à l’hémicycle ? Le Pdci-Rda, aujourd’hui, serait-il de mauvaise foi ? Dans sa nouvelle stratégie de politique politicienne, il est décidé à fouler aux pieds tous les usages, y compris ceux qu’il a lui-même créés.

Pour ceux qui ne le savent pas, le Bureau de l’Assemblée nationale n’a jamais été une affaire de proportionnelle. Un regard dans le rétroviseur et tout est clair.

Comment en est-on arrivé à ce que des députés du Pdci-Rda donnent leur accord et se rétractent par la suite ? Tout simplement parce qu’ils ont été l’objet de pressions de la part de certains caciques de cette formation politique.

Comment peut-on prétendre réconcilier les Ivoiriens si l’on empêche ses militants de côtoyer les autres ? Le Pdci-Rda n’est pas le parti de la contrainte. Il faut que très rapidement, il passe sur le billard pour une chirurgie esthétique pour que ce visage hideux disparaisse, afin qu’on retrouve le vrai visage de ce parti, celui qu’on a toujours connu, celui du rassemblement, du consensus et de la détermination de ces cadres à bâtir la nation, comme l’a enseigné le Président Félix Houphouët-Boigny.

ETIENNE ABOUA