Le débrief: Les Africains et la CPI

Une vue du siège de la CPI
Une vue du siège de la CPI
Une vue du siu00e8ge de la CPI

Le débrief: Les Africains et la CPI

Le débrief: Les Africains et la CPI

On attendait qu’ils disent si oui ou non ils quittent la Cour pénale internationale (CPI). En bloc ou individuellement. Samedi, les Chefs d’Etat ont préféré prendre une décision qui coupe la poire en deux… Enfin, on peut croire que c’est le juste milieu trouvé entre ceux qui étaient opposés au projet initial de plier bagages et les plus hostiles à la juridiction internationale.

Mais pour certains observateurs, la décision ou ce qu’elle donne comme sentiment est plus que catastrophique. « Nous avons souligné que les Chefs d'Etat en exercice et les gouvernements en place ne devaient pas être poursuivis tant qu'ils sont en fonction ». Voici en effet la décision, telle que rapportée par le chef de la diplomatie d’un pays. Avant même qu’elle ne soit entérinée par les Chefs d’Etat.

Dire que « les Chefs d'Etat en exercice et les gouvernements en place ne devaient pas être poursuivis tant qu'ils sont en fonction » signifie, pour ces observateurs, que les Chefs d’Etat africains reconnaissent la CPI. Mieux, ils sont d’accord que la CPI fasse des poursuites, tant qu’il s’agit de personnes qui ne sont pas Chefs d’Etat ou qui n’appartiennent à aucun gouvernement reconnu.

Une « honte », commente le porte-parole du parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, pays dont le président a dit clairement reconnaître cette juridiction internationale. « La décision prise par les Chefs d'Etat est mauvaise. Elle fait le lit de l'impunité, favorise l'enracinement de la dictature et crée le cadre propice à toutes les rebellions et autres coups d'Etat », affirme en effet le porte-parole du RDR. Et il explique ainsi sa position: « le Président en exercice d'un pays est autorisé à tuer tous ses opposants de manière massive. Il peut faire violer des milliers de femmes, jeter des bombes sur des populations civiles innocentes aux mains nues. Il est autorisé à utiliser des armes chimiques pour détruire ceux qui ne sont pas du même groupe ethnique ni de la même obédience religieuse que lui. Le faisant, il ne peut être poursuivi par la CPI tant qu'il reste au pouvoir. Alors comme il sait qu'il sera probablement poursuivi, s'il quitte le pouvoir, il fera tout pour s'y maintenir. Ainsi, il tripatouillera à souhait la Constitution de son pays pour rester Président à vie. Il ne quittera le pouvoir qu'à sa mort. Les opposants et le peuple n'auront d'autre choix que de se soulever pour mettre fin à son règne ou de faire un coup d'Etat ».

Mais au fait, on croit savoir que ce qui a amené les Chefs d’Etat de l’Union africaine à débattre de la question de la CPI est qu’ils estimaient que la CPI ne poursuit que des Africains et que des dirigeants occidentaux méritaient eux aussi d’être poursuivis. Alors d’autres observateurs conseillent ce qui suit: les Chefs d’Etat africains auraient pu démontrer que les poursuites engagées sont infondées. Ou encore, avec un peu plus de courage, ils auraient pu dénoncer les Chefs d’Etat occidentaux qui méritent, à leurs yeux, de passer devant la CPI. Comme le font d’ailleurs les dirigeants desdits pays face à leurs homologues africains qu’ils jugent « criminels ».

D’autres observateurs n’hésitent pas à rappeler l’histoire de la cour. La CPI, qui est entrée en vigueur en 2002, est née des expériences des TPI (Tribunal pénal international, pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda), indiquent-ils. La compétence de la CPI devrait être plus large que celle des TPI, limitées dans le temps et dans l’espace. Ce qui amène ces observateurs à dire qu’il n’y a pas que des Africains qui sont poursuivis par une juridiction internationale. Radovan Karadžić, dirigeant des Serbes de Bosnie durant la guerre de Bosnie et accusé de crimes de guerre et de génocide à deux reprises, n’est pas Africain. Après plusieurs années de fuite, son arrestation est annoncée par la présidence serbe et confirmée par le Tribunal pénal international le 21 juillet 2008. Slobodan Milošević fut président de la Serbie de mai 1989 à octobre 2000 et de la République fédérale de Yougoslavie de juillet 1997 à octobre 2000. Accusé par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, tribunal basé à La Haye (comme la CPI) pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, est mort en prison le 11 mars 2006 à Scheveningen, Pays-Bas. Lui non plus n’était pas Africain.

Que cette semaine vous apporte la paix et la justice.

Barthélemy KOUAME
barthelemy.kouame@fratmat.info