Kag Sanoussi: "Le seul moyen de gérer les conflits, c’est de les prévenir au maximum"

Kag Sanoussi: "Le seul moyen de gérer les conflits, c’est de les prévenir au maximum"

Les pays africains sont fréquemment en proie à des crises. En tant que spécialiste, comment pensez-vous que l'on pourrait les résoudre définitivement?

Personne n’a, aujourd’hui, la baguette de Moïse, malheureusement. Le seul moyen de gérer efficacement les crises, c’est de les prévenir au maximum. Mais il ne faut pas se voiler la face. Les crises ont existé, elles existent et existeront toujours tant que les désirs des uns seront en contradiction avec ceux des autres. Dans n’importe quelle société il y a des « forts » qui sont épris du besoin de s’approprier injustement la part des « faibles ». Le problème c’est comment organiser la société pour que ce ne soit pas l’injustice ou les muscles qui prennent le dessus. Le savant Blaise Pascal avait émis, de son vivant, un vœu qui n’est jamais simple à observer. Son vœu est que ce qui est juste soit fort et que ce qui est fort soit juste. Cette perspective semble une voie d’harmonisation des groupes humains parce qu’elle est applicable dans une société de gens raisonnables et non aux animaux. Mais toujours est-il que cette pensée de Pascal est un idéal pour toutes les sociétés du monde. Nous devons donc  tous y travailler sans relâche, sans toutefois nourrir l’illusion d’en faire une panacée.

Il nous faut outiller les acteurs dans le maniement des méthodes et techniques de prévention et de gestion des conflits, crises et risques. Ces acquis sont le fruit de l'expérience, mais surtout des formations pragmatiques. Il faut également rendre solides et crédibles nos institutions et faire en sorte qu’elles échappent aux sirènes du plus fort, du népotisme, du régionalisme, du communautarisme… bref, qu’elles suscitent confiance et respect du peuple.

Quel regard portez-vous sur les organisations de maintien de paix qui existent sur le continent ?

L’Afrique n’est pas stérile en matière d’initiatives pour le maintien de la paix ou de la sécurité. C’est d’ailleurs, au niveau international, l’un des continents les plus préoccupants  en ces genres d’initiatives. Mais c’est aussi la preuve que les stratégies en matière de gestion de conflits en Afrique ont besoin d’être repensées et réorganisées. Les échecs et les réussites des organisations qui œuvrent en Afrique, notamment les expériences cumulées dans l’espace africain et non-africain, doivent nous servir pour rebondir plus efficacement dans nos pratiques organisationnelles, surtout dans les prises de décisions de nos États en matière de conflits. L’Afrique doit rectifier certaines choses. Elle doit revoir ses stratégies en matière de combat pour le développement. L’époque des « folklores politiques » est révolue. Les initiatives « tape à l’œil » devant les caméras de télévision, les slogans de bonne volonté, rien de cela ne suffira à rassurer nos populations encore moins à bâtir le développement de nos pays. En partenariat avec les organisations nationales et internationales, nos dirigeants doivent agir avec un courage sincère pour assurer l’emploi, la sécurité et la paix à nos populations.

Vous organisez, justement, du 28 octobre au 2 novembre prochain, un séminaire sur la prévention et la gestion des conflits. Quels sont les thèmes qui seront traités ?

Seront traités au cours de ce séminaire, les pratiques en matière de communication et de circulation; la Rse/Rso; la pratique de l’éthique et de la déontologie en management; la programmation neurolinguistique; les questions autour des discriminations (régionalisme, népotisme, sexisme, etc.) comme sources potentiels de conflits; l’impact du culturel et de l’interculturel en prévention et en gestion des conflits; le développement d’une culture et d’un enseignement de paix, etc. ainsi qu’une bonne dose de mise en situation des participants.

Qui est concerné par ce séminaire ?

Tout le monde est concerné par la gestion des conflits. Nous entendons souvent dire « ce n’est pas mon domaine d’action ». Mais le conflit ne demande à personne la permission de se produire. Aussi, quelles que soient nos fonctions, nos grades, nos qualités, nous devons tous avoir à l’esprit l’importance d’être mieux outillé pour prévenir et gérer ces crises. Toutefois, nous mettons l’accent en ce qui concerne ce séminaire sur des personnes ayant des responsabilités soit d’encadrement, soit d’opinions envers la population. Il s'agit des dirigeants d’entreprises privées et publiques, des services de l’Etat, des forces de l’ordre, des leaders d’opinions et des responsables de communautés. Ce mélange est aussi une approche où les points de vue seront conjugués positivement et deviendront un enrichissement collectif.

Ces cadres et responsables formés deviennent des relais importants pour leurs organisations respectives et la société toute entière. Car, tant qu’ils contribuent à la gestion du plus petit des conflits, il contribue à une œuvre plus grande, celle de la paix et du développement en Côte d’Ivoire et en Afrique.

Quel est le rôle de l’institut que vous dirigez ?

L’Institut international de gestion des conflits (Iigc) est un espace intelligent qui crée ou aide à créer des champs de possibilités indispensables au développement maximal de nos sociétés. Il regroupe différentes compétences africaines et non africaines pour contribuer au développement social, économique et environnemental de l’Afrique.

Interview réalisée par

Jules Claver AKA