Josiane Moulod :“ Nous faisons une assistance complète et intégrée en faveur des femmes marginalisées ’’

Josiane Moulod Adoubi
Josiane Moulod Adoubi
Josiane Moulod Adoubi

Josiane Moulod :“ Nous faisons une assistance complète et intégrée en faveur des femmes marginalisées ’’

La Banque africaine de développement (Bad) vient d’être distinguée par le Trésor américain à travers le Projet d’appui institutionnel multisectoriel à la sortie de crise (Paimsc) que vous dirigez. Pouvez-vous présenter ce projet qui est à la base de ce prestigieux Prix ?

Le Projet d’appui institutionnel multisectoriel à la sortie de crise (Paimsc) est né de la volonté du gouvernement  ivoirien d’accélérer la sortie de crise. Grâce au concours de la Banque africaine de développement (Bad) qui en a assuré le financement à hauteur de 15 milliards Fcfa. Ce projet, centré sur les actions d’urgence, vise à restaurer le fonctionnement normal de l’administration dans les ex-zones Centre, nord et ouest (Cno). Il est assis, d’une part, sur les secteurs de l’éducation, de la santé et du développement rural, et d’autre part,   sur les actions en faveur des femmes victimes de violence basée sur le genre.

Qu’est-ce qui a permis de faire la différence au niveau du jury, vu qu’il y avait  des dizaines de projets présentés par beaucoup d’autres banques multilatérales de développement de différents pays sélectionnés dans le cadre de la compétition ?

Je pense que c’est l’assistance que nous avons apportée aux femmes victimes de violences liées au genre qui a fait la différence. C’est un volet important de notre projet. Dans cet appui, en effet, nous ne nous sommes pas contentés d’un seul aspect. Nous avons fait une assistance complète et intégrée qui va de l’appui médical, psychosocial,  la réinsertion économique à l’appui juridique. Cela a porté des fruits d’autant que les bénéficiaires sont sorties de cette posture de victime et ont pu être insérées dans le tissu économique. Aujourd’hui, elles se prennent en charge.

Comment s’est articulée, sur le terrain, la mise en œuvre de ce volet du projet qui est censé toucher la réhabilitation des services sociaux de base, l’appui aux groupes vulnérables ? Précisément, quels sont les projets vers lesquels vous avez orienté ces femmes ?

Nous les avons orientées vers des projets de toute nature, selon leurs propres desiderata. Cela s’est fait soit à travers des groupements ou des coopératives, soit à travers des individus promoteurs d’activités génératrices de revenus. Il n’y a eu aucune restriction. Les secteurs d’activité sont variés. On peut citer, entre autres, la coiffure, l’agriculture, la transformation, le commerce. Cependant, il y en a qui sont allées vers de petites unités industrielles telles que la transformation de l’anacarde. Pour optimiser notre efficacité sur le terrain, bien que nous ayons l’unité de coordination mise en place pour la gestion du projet, nous avons travaillé avec l’Unfpa, comme maître d’ouvrage délégué. Nous nous sommes appuyés aussi sur les organisations non gouvernementales qui ont une meilleure maîtrise du terrain.  Elles ont, dès le départ, réussi à sensibiliser à la prise en charge des victimes. Nous avons bénéficié de l’assistance des structures d’encadrement agricoles telles que l’Agence nationale d’appui au développement rural (Anader) pour la conception et le suivi des différents microprojets. Par ailleurs, nous avons mis en place des cadres de concertation dites plateformes de lutte et de prise en charge des victimes de violence basée sur le genre. Chaque personne victime de ce type de violence en est d’office membre.  Mais, on y retrouve également l’assistante sociale, le médecin, le gendarme, le policier, la société civile, les structures d’encadrement, etc. Ces plateformes, créées dans dix localités de la zone d’intervention du Paimsc, sont présidées par les préfets des villes concernées. Et tous ces acteurs qui ont un droit de regard sur le profil, sur le choix de l’intégration économique demandée par les victimes, contribuent au montage des microprojets  que nous finançons.

En matière de communication, nous avons produit, avec le soutien de nos partenaires, un film de sensibilisation sur la lutte contre les violences faites aux femmes ; et je puis vous dire que cette fiction intitulée ‘’Le Défi de Fifi’’ qui campe bien la problématique des violences basées sur le genre dans notre pays a eu beaucoup de succès auprès de tous les publics : féminins comme masculins.

On imagine que ce Prix remporté par la Banque africaine de développement rejaillit aussi sur la Côte d’Ivoire. Quels sont les dividendes que le pays peut tirer de la distinction et quelle sera votre nouvelle approche de la gestion du projet ?

D’abord, c’est une satisfaction. Cela montre qu’il y a eu une certaine maîtrise de la gestion de ce projet. Ensuite, c’est un encouragement pour notre équipe à persévérer dans cette voie.

Au delà de l’équipe projet, nous pensons que c’est la Côte d’Ivoire qui est honorée à travers ce Prix reçu par la Bad, d’autant que parmi plusieurs projets soumis, seulement  le Paimsc et un projet en Ouganda ont bénéficié de cette distinction.

Enfin, nous souhaitons que l’expérience de ce projet puisse faire tache d’huile dans tout le pays. Nous attendons que la Banque inaugure de nouveaux projets à travers une deuxième phase. Depuis 2011, elle a manifesté son désir de se réengager avec le gouvernement ivoirien,  dans une deuxième phase pour laquelle une requête de financement qui lui a été adressée a reçu un avis favorable.

Si la requête est déclarée recevable et que vous êtes éligibles, où allez-vous orienter les financements, vu que les femmes ne sont pas le seul centre d’intérêt de votre projet ?

 Les actions de reconstruction de notre pays sont nombreuses, notamment au niveau du développement rural, la réhabilitation des écoles, des centres de santé, la promotion des activités génératrices de revenus… Certes, cette première phase nous a rapporté un Prix, mais il nous faut ouvrir d’autres chantiers pour le bonheur du plus grand nombre de nos populations, tout en consolidant les acquis de la première phase et permettre ainsi une pérennisation des actions menées.

Entretien réalisé par

Lancine Bakayoko