Exposition : Bruly Bouabré "renaît" entre masques et statues au Patronat !

Dans le cadre de l’expo d’art premier qui a cours du 27 novembre au 31 décembre au siège de la Cgeci à Abidjan-Plateau, des pièces de l’iconoclaste artiste-chercheur disparu en 2014 sont remises au goût du jour.

Une exposition-vente aux enchères d’œuvres d’art premier, d’artisanat d’art et antiquités authentiques, uniques, s’est ouverte le 28 novembre dans le hall de La Maison de l’entreprise d’Abidjan-Plateau, siège de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci).  Courant jusqu’à fin décembre, le clou de cet événement est assurément l'importante dispersion des œuvres d'art du poète émérite, l'humaniste universaliste Frédéric Bruly Bouabré (1923-2014). Et ce, entre masques, statues, objets usuels, cultuels en tous genres d’art premier africain.

Selon Me Gisèle Ouégnin et Me Adèle Nanga-Akpa, commissaires-priseurs et le consultant en art premier africain, Raymond Koffi (commissaire de l’expo), organisateurs de l’expo-vente, l’intérêt serait que les 200 œuvres et objets de cet important événement remis au goût du jour, ainsi que le fruit des derniers travaux de Bruly Bouabré intègrent des collections privées. L'artiste ayant déposé ses crayons et ses cartons depuis le 27 janvier 2014, ce serait donc une sorte d’appropriation patrimoniale à quelques jours du 4^e anniversaire de sa disparition.

Par la volonté du président du Patronat ivoirien, Jean Marie Ackah, l'art premier et contemporain sont à l'honneur depuis le 27 novembre, en marge du sommet UA/UE qui a vu des sommités mondiales défiler à Abidjan et se réjouir de la présente expo. L'objectif recherché en prenant cette décision était de montrer que le Continent africain et en particulier la Côte d'Ivoire reste un pays du patrimoine culturel et que les patrons africains sont disposés à le préserver et à le promouvoir autant que possible.

Cheik Nadro : « Le Révélateur », « Celui qui n'oublie pas »

Pour en revenir à la vie et l’œuvre de Frédéric Bouabré, il est à noter que pendant la Seconde Guerre mondiale, il est engagé dans la marine. Après la guerre, il pratique plusieurs métiers avant de devenir fonctionnaire. À la suite d'une « révélation divine » qu'il reçoit en songe le 11 mars 1948, il se consacre à donner à l'Afrique une écriture entièrement africaine. Cette vision va directement influencer sa vie et son œuvre. C'est aussi à partir de ce moment-là qu'il se fait appeler « Cheik Nadro » (« Le Révélateur » ou « Celui qui n'oublie pas »).

Dessinateur et poète, libre-penseur humaniste, Frédéric Bruly Bouabré a créé un syllabaire composé de 448 signes désignant chacun une syllabe. Ce syllabaire porte le nom d'alphabet Bété, du nom de l'ethnie Bété, dont il est originaire. Il a ainsi reproduit l'ensemble des syllabes sur des petites cartes en carton. Pour la création de son syllabaire, il s'est inspiré de figures géométriques découvertes sur des pierres d'un village du pays bété. Utilisant cette écriture, il a retranscrit des contes, des textes de la tradition bété et des poèmes. Ses premières recherches ont été publiées en 1958 par Théodore Monod, explorateur et scientifique français.

Son œuvre est exposée pour la première fois en Europe en 1989 lors de l'exposition « Magiciens de la terre ». En 2006, le Mamco de Genève lui a consacré une exposition intitulée « Connaissances du Monde ». Avant que, plus tard, Yaya Savané (conservateur de musée, décédé quelques mois après lui) et pr Yacouba Konaté (philosophe et critique d’art, galeriste) ne prennent le relais de préservation, bon an mal an, son œuvre.

Les Ivoiriens et les amateurs d'art contemporain sont donc invités à se délecter de cette expo-vente volontaire, vu l'immense talent et l'aura qui entourent le personnage, ses œuvres et son écriture. D’autant plus que Bruly Bouabré a fait et continue de faire le bonheur de grands collectionneurs européens et américains et ses œuvres sont connues à travers le monde entier.

REMI COULIBALY