Prendre le taureau par les cornes

Prendre le taureau par les cornes

Prendre le taureau par les cornes

De plus en plus d’Européens se demandent s’ils osent encore manger de la viande, tellement ils sont assaillis d’informations leur expliquant que la viande est mauvaise pour la santé, donne le cancer, entre autres maladies, est truffée de pesticides et d’OGM... Elle serait aussi responsable de la déforestation, de l’émission d’une bonne partie de ces fameux gaz à effet de serre qui plombent la planète et accélèrent le changement climatique, entre autres calamités.

Du coup, certains n’hésitent plus à franchir le pas pour devenir végétariens, renonçant ainsi à toute consommation de viande. D’autres vont même plus loin, et renoncent à manger y compris des œufs, du lait, et tout produit venant des animaux : ce sont les « végétaliens ». Pourtant, aussi loin qu’on remonte, depuis que le monde est monde, l’homme a toujours chassé des animaux pour les manger avec délice… Alors quoi ? Devons-nous dire adieu à notre saucisson, nos steaks frites, et autres gigots de mouton ? Ils sont nombreux à refuser de sacrifier leurs hamburgers sur l’autel du « végétarisme ». Et dénoncent avec vigueur cette nouvelle mode « vegan » qui impose ses diktats, y compris dans les restaurants, de plus en plus nombreux à bannir la viande de leur carte, pour fidéliser cette nouvelle clientèle.

C’est vrai qu’en Europe, la viande est souvent devenue une chose bizarre, qui ne ressemble plus à rien. Personnellement, je trouve qu’il faudrait organiser des voyages gastronomiques en Afrique, destinés aux Européens et autres Occidentaux qui ne connaissent plus le vrai goût du poulet, du mouton, du bœuf. Ce qui cause problème, ce ne sont évidemment pas les veaux, vaches, cochons, couvées, qui paissent et picorent librement dans les campagnes. Non, c’est bel et bien l’élevage industriel qui menace santé, environnement, mais aussi la production des petits éleveurs, concurrencés par ces montagnes de viande industrielle subventionnée déversées sur les marchés. Des subventions colossales : en 2013, les pays de l’OCDE ont distribué 53 milliards de dollars aux éleveurs et l’Union européenne a versé 731 millions de dollars à la seule industrie du bétail. A l’arrivée, des produits industriels de piètre qualité, qui déstabilisent les petits éleveurs ici et ailleurs.

Tout cela est documenté dans un rapport passionnant que vient de publier l’organisation internationale GRAIN, intitulé « Pour sauver le climat, il faut prendre le taureau par les cornes ». Ce rapport recommande, entre autres, de réduire drastiquement la production industrielle de viande et de produits laitiers, pour se tourner plutôt vers une production locale. Ce rapport jette aussi une lumière crue sur le monde souvent méconnu, sans pitié, du commerce mondial de la viande industrielle, où tous les coups sont permis.

Ainsi, la FAO avait-elle été violemment critiquée par l’industrie de la viande après avoir publié en 2006 un rapport attribuant à l’élevage 18% du total des émissions de gaz à effet de serre. « Vous ne pouvez pas imaginer les attaques que nous avons subies »,  témoigne Samuel Jutzi, directeur du département Production et Santé animale à la FAO. L’organisation onusienne a finalement collaboré avec les différents groupes de pression de l’industrie de la viande pour réévaluer avec eux les émissions émanant de l’élevage...

Même si un nombre croissant de pays souhaiterait revenir à une production locale de viande, ceux-ci sont désormais liés par les méga accords de libre-échange, tel le CETA, que viennent de signer l’Union européenne et le Canada, malgré une forte résistance ; ou encore le très contesté TTIP, négocié avec les Etats-Unis, actuellement gelé par Donald Trump. Ces accords rendent illégal le « consommer local », la préférence pour les fournisseurs ou produits locaux. Cela relève pourtant du simple bon sens pour pouvoir compter sur une viande de meilleure qualité et lutter contre le changement climatique. Particulièrement préoccupant : une fois que ces méga accords ont été signés, il est impossible de faire machine arrière…

Catherine Morand