Interdiction de fumer: La campagne de sensibilisation passe presque sous silence à Cocody

Interdiction de fumer: La campagne de sensibilisation passe presque sous silence à Cocody

 Interdiction de fumer: La campagne de sensibilisation passe presque sous silence dans les lieux publics

 

Dans les rues d'Abidjan-Cocody (Anono Village), aux environs de 19 heures, un homme tire de grosses bouffées d’une cigarette. Les  ronds de fumée qu’il expire par la bouche, se propagent dans l’air. Un passant les inhale et est secoué par une quinte de toux. Mais le fumeur ne semble pas tenir compte de ce désagrément. Des passants se retournent sur son passage, visiblement gênés par cette épaisse fumée grisâtre qu’il distille …

Night-clubs, « refuge des fumeurs»

A quelques mètres du Times Night-Club, communément appelé « bar climatisé »   à Abidjan Riviera II, tout est calme. Toutefois, l'odeur persistante de la cigarette qui se dégage aux alentours, laisse supposer que l'endroit n'est pas désert. D'ailleurs un client ouvre la porte blindée du Nigth Club. Ce qui laisse entrevoir l'ambiance bouillante du Times. Le monsieur d'un âge mûr, et à la calvitie perceptible, se dirige vers un marchand de cigarettes, installé juste à côté... C'est alors que Adou Cédric Hervé,  propriétaire et gérant du dancing club, se signale. A son apparence élancée, et à son visage radieux, on lui donnerait aisément 25 ans. Pourtant, son regard serein, dit autre chose...Toute suite, il tient à faire une précision. « Je suis certes le gérant de cet espace, mais je ne fume pas ». Les affiches de la campagne de sensibilisation anti-tabac, illustrant en grands caractères, « Interdit de fumer », sont peu visibles, a fait savoir Cédric Hervé. Avant de préciser que, la seule en sa possession n'a pas résisté à la saison des pluies. « Les clients dans leur majorité fument régulièrement au Times. Toutefois, il arrive que certains consommateurs allergiques, exigent l'expulsion des  grands fumeurs », a tenu à préciser le gérant.

Prudence Gomet, une hôtesse du bar qui jusque-là s’occupait des clients, s'éclipse pour tousser un bon coup. Son parfum, un mélange de fumé et de sueur, laisse supposer qu'elle est une consommatrice de cigarettes. C'est alors qu'au détour d'une conservation, cette adolescente, au visage noircit par endroit estime pour sa part que la campagne anti-tabac est à encourager. « Même si je ne suis pas un exemple », indique-t-elle, sourire aux lèvres. Son histoire est similaire à celle de certaines hôtesses. « C'est une amie qui travaille les nuits dans les dancings club qui m'a initiée à la consommation de la cigarette. Et depuis, je suis accroc... ».

Non loin du Night-Club "Times", un autre lieu public révèle que la campagne anti-tabac peine à produire le résultat escompté. L'« Espace 141 », un bar en plein air, est entouré de plants de cocotiers. Le cadre naturel qu'il offre serait agréable, sans cette odeur de cigarette mixée à la poussière. Ici, fusent des éclats de voix, des rires par là... Plus loin, un groupe d'amis installé autour d'une table, contemple les bouteilles vides de boissons qui traînent sur le sol...Ils sont, ou presque munis d'une cigarette. Là aussi, le gérant  du maquis, Ehoura Ouattara assure que sa clientèle est composée essentiellement de fumeurs. Pour cet ancien fumeur, « la loi interdisant de fumer dans les lieux publiques n’est pas  respectée  ».Toutefois M. Ouattara a dit, « encourager cette initiative du gouvernement. Parce que c’est un problème de santé public. Celui qui fume s’empoisonne et tue son entourage à petit feu… A défaut de fermer les sociétés de tabac, on peut demander l’interdiction de la vente de la cigarette en détail », a-t-il suggéré.

Transports publics,  « On fume pour travailler »

Un autre endroit où la campagne de lutte contre la cigarette dans les lieux publics n'est pas observée est dans les véhicules de transports publics. Même si le cas n'est pas récurrent, il arrive que certains transporteurs fument dans les véhicules communs. C’est le cas de cet apprenti de « Gbaka », rappelé à l'ordre par un passager.

« Apprenti,  arrêtez de fumer sinon je descends de votre véhicule… Vous vous croyez dans un night-club ?». C’est par cette injonction qu’un passager tente de raisonner un convoyeur de « Gbaka » qui fumait. A  Abidjan Adjamé révèle A.K, informaticien à Abidjan, les passagers sont obligés  de respirer  « le poison » que fument les conducteurs et apprentis des véhicules en commun. « On n’a pas le choix. C’est comme s’ils ignoraient les dangers de la cigarette ». Plus loin dans la même gare de transports en commun, un apprenti aux lèvres noircies par la fumée de la cigarette, se justifie, « on fume pour travailler. Sans la cigarette, comment on va avoir la force pour travailler… ».

Campagne anti-tabac, « peu visible »   

Conformément au décret pris par le Président de la République portant sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics et transports en commun. Notamment le Decret N° 2012-980 du 10 OCTOBRE 2012, le ministère de la santé et de la lutte contre le SIDA a démarré en avril dernier, une campagne de sensibilisation. Mais, l’efficacité de la campagne  est mise en  cause par certains observateurs.

Aguié Yves Marie, technicien à la radio Onuci FM  propose que le gouvernement interdise  la vente des cigarettes. «  Le gouvernement doit interdire la vente des cigarettes. Parce qu’on constate qu’il y a beaucoup de jeunes qui s’adonnent à la cigarette. On sait très bien que la cigarette est nocive ».

Quant à Koffi Marthe, un cadre dans une société de la place, il pense plutôt que «  beaucoup d’ivoiriens fument tout en ignorant les effets nocifs de la cigarette. Le gouvernement doit accentuer la campagne de sensibilisation ». La seule pancarte qui a attiré mon attention, a-t-il tenu à relever  « est affichée à l’aéroport de Abidjan Port Bouët. Quelques pancartes  sont aussi visibles dans certains bâtiments administratifs. Mais Il est préférable  d’en mettre un peu plus  dans les hôpitaux, les voitures, les bars climatisés…

«Bientôt la phase répressive", selon Raymonde Goudou

Pourtant, soutient la ministre Raymonde Goudou-Coffie, il s'agit principalement de permettre aux personnes récalcitrantes   de se ressaisir. Car, indique-t-elle, "60 jours après la campagne de sensibilisation initiée dans le cadre de la lutte contre le tabac, nous aurions dû passer à la seconde étape. Mais, après observation, nous avons voulu nous coller le plus que possible au comportement  des fumeurs, nos concitoyens, en agissant progressivement". 

Mais cet état de grâce ne durera pas éternellement, avertit la ministre de la Santé et de la lutte contre le SIDA. "Nous allons passer très  bientôt à la phase répressive", menace-t-elle.  La cigarette est comme une maladie. La loi d'interdiction ne peut pas être appliquée  trop vite et à la légère".

 

 

Isabelle Somian

isabelle.somian@fratmat.info