Fonctionnaires

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Fonctionnaire ! Que charges négatives. Que de visions apocalyptiques d’une vie administrative linéaire. Que de perspectives besogneuses. Être fonctionnaire aujourd’hui en Côte d’Ivoire, quel parcours ! Travailleurs dont les mérites ne sont pas toujours reconnus, les fonctionnaires n’ont pas toujours eu la vie facile.

Entre les crises économiques et les crises socio-politiques, entre les plans d’austérité et les politiques d’ajustement structurel, entre les gels de salaires et la réduction des avantages sociaux, entre la succession de régimes politiques et de Lois, les fonctionnaires se sont retrouvés coincés dans des carrières qu’ils n’ont pas toujours choisies et qui pourtant constituent leurs seuls moyens de survie.

Fonctionnaire… L’usager du service public ne sait sûrement pas ce que ce terme recouvre pour l’individu qui est devant lui et qui lui fournit divers services administratifs. Il ne devine pas la peine de cet agent public tant décrié mais toujours présent au poste. Il n’a pas idée des doutes qui l’envahissent chaque fois qu’il doit changer d’administration.

Et pourtant, si la Côte d’Ivoire est aujourd’hui debout, si elle accomplit les progrès actuels, si elle est Côte d’Ivoire, c’est bien grâce à la bravoure et à la conscience professionnelle des fonctionnaires. Souvent affectés dans des zones où il n’y a ni routes, ni électricité, ni eau potable et où ils servent comme sous-préfets, instituteurs, infirmiers, agents d’agriculture, militaires, policiers, gendarmes, agents des eaux et forêts, et autres, ils sont toujours à la tâche pour que fonctionne l’État et pour que ne s’arrête pas le service public.

Dans les décombres des archives nationales négligées, dans les poussières des rayons des bibliothèques vidés, dans les tonnes de paperasses utiles mais jamais relues, dans la pile de registres d’État-civil aux feuillets jaunis, ils sont là.

Fonctionnaires obligés, si préoccupés et passionnés par leur travail, qu’ils n’ont même pas remarqué qu’ils utilisent la même machine à écrire depuis 30 ans en pleine ère de la révolution numérique. Ils ne réalisent pas que leurs registres ont jauni et que la poussière est en train de constituer une barrière entre eux et leur rendement.

Oui, les fonctionnaires, ce ne sont pas que les bakchichs furtivement glissés sous une table; ce ne sont pas que les hommes et les femmes aux chaussures troués et aux habits défraîchis; ce ne sont pas que les personnes sur qui pèsent tous les soupçons. Ils sont l’ossature de notre pays, ils sont l’armée de notre administration; ils sont les ouvriers qui ont permis à notre pays de ne pas s’écrouler; ils sont les fourmis qui ont donné à notre pays cette carapace transformée en cuirasse face aux intempéries et aux secousses.

Les fonctionnaires de la Côte d’Ivoire ont donné de leurs vies, à tous les niveaux de responsabilité. Ils ont sacrifié leur jeunesse dans la passion administrative qui les anime. De l’étranger, de l’extérieur, de certaines positions, la tentation est forte de minimiser le rôle de ces hommes et femmes, dépositaires de la mémoire et de la culture administrative de notre pays. Cette perspective serait trop réductrice du travail de nos braves agents publics. Nous ne serions pas fiers de revendiquer l’unicité de notre pays s’ils n’avaient constitué le relai de l’administration centrale dans les villages perdus. Il faut visiter certains pays pour réaliser que notre trésor, c’est d’avoir formé et d’avoir à disposition sur terrain des fonctionnaires rodés et connaissant les nécessaires anticipations salvatrices.

Leurs conditions de vie s’améliorent doucement mais sûrement; elles devront à court terme refléter le niveau des engagements des fonctionnaires de Côte d’Ivoire pour que nous soyons toujours plus forts. Le gouvernement y travaille. Hommage à tous les fonctionnaires de Côte d’Ivoire ! Gloire soit à tous les fonctionnaires morts à la tâche !

PAR VINCENT TOHBI IRIÉ